Economie

Environnement: le parent pauvre des mines industrielles

Les mines contribuent à la dégradation de l’environnement et comportent des risques de pollution. Selon le rapport du projet Initiative pauvreté environnement (IPE) de mai 2011, les activités minières industrielles représentent une menace pour les écosystèmes naturels, notamment pour les sites protégés et les sites à haute valeur de conservation. Les camps miniers produisent des déchets qui peuvent polluer les sols et les cours d’eau qui traversent les sites protégés. Toutefois, la menace n’est pas seulement due aux impacts directs comme la déforestation, la pollution et la destruction des ressources naturelles, mais est liée également aux impacts indirects générés par le développement des infrastructures (routes). Les routes ouvrent des accès à des sites jusque-là intacts et éloignés, les soumettant à des menaces comme le braconnage. Elles ont également pour effet de fragmenter l’habitat, réduisant ainsi les mouvements de la faune sauvage. L’exploitation des mines à ciel ouvert entraine aussi des impacts d’ordre esthétique.

Le même rapport indique également que l’exploitation minière est source de plusieurs maladies et risques de par ses différentes activités. Généralement, les travailleurs et les riverains des sites miniers et artisanaux sont exposés à de multiples risques pour leur santé et leur sécurité : infections pulmonaires, silicose, infections oculaires et dermatologiques diverses. L’analyse statistique montre que les cas d’infections respiratoires constituent la troisième cause de consultations avec une fréquence trimestrielle de 19,3%. Cette fréquence varie d’un mois à l’autre. Elle a atteint 21% en mars 2010. Ces cas d’infections sont liés à la pollution atmosphérique causée par l’exploitation aurifère. A ces différentes maladies s’ajoutent d’autres phénomènes sociaux: exploitation sexuelle, effondrement des galeries, explosions accidentelles.

L’ancien directeur général du Bureau national des évaluations environnementales, Georges Yaméogo. (DR)
L’ancien directeur général du Bureau national des évaluations environnementales, Georges Yaméogo. (DR)

Le véritable problème de l’exploitation minière consiste aux dégâts causés une fois la mine fermée. Au Burkina Faso, l’étude de 2006 de l’Organisation pour le renforcement des capacités de développement (ORCADE) montre que les sites de Poura et de Essakane sont restés orphelins après leurs fermetures (en août 1999 et juillet 2000, respectivement). Cela engage la responsabilité sociale et sociétale des industries extractives. La théorie économique propose à travers le principe du pollueur payeur de responsabiliser les industries extractives dans la réparation des dommages écologiques ou, plus généralement, à internaliser les effets externes de l’activité d’extraction comme dispose l’article 78 de l’ancien code minier : «Tout titulaire d’un titre minier autre que le permis de recherche ou tout bénéficiaire d’une autorisation d’exploitation, à l’exception de l’autorisation d’exploitation de carrières, est tenu d’ouvrir et d’alimenter un compte fiduciaire à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest ou dans une banque commerciale du Burkina Faso, dans le but de servir à la constitution d’un fonds pour couvrir les coûts de la mise en œuvre du programme de préservation et de réhabilitation de l’environnement». Les sommes ainsi utilisées sont en franchise de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux. Les modalités d’opération et d’alimentation de ce fonds sont établies par la réglementation minière.
A titre illustratif, avant le vote par le parlement du nouveau code minier en 2015, la société SEMAFO avait l’obligation de prévoir 20 millions de FCFA par an pour le suivi et la gestion de l’environnement pendant toute la durée de vie de la mine, afin de minimiser les impacts négatifs de l’exploitation de la mine. Ce fonds pourrait être utilisé au titre de la responsabilité sociale et environnementale pour la réalisation des projets.
Selon une publication du ministère en charge des Mines en 2014, il faudra revoir les textes de fonctionnement de ce fonds qui ne connaît pas encore de décaissement. Au niveau du ministère de l’Environnement, le décret instituant le fonds ne précise pas que c’est après constat de réhabilitation que le déblocage doit être fait. Il dit que «la société élabore son plan de réhabilitation, le soumet aux ministères en charge des Mines et de l’Environnement qui donnent leurs quitus et le ministre des Finances autorise le déblocage des fonds». Ce qui pose un problème car d’après l’ancien directeur général du Bureau national des évaluations environnementales, Georges Yaméogo, ce n’est qu’après des audits indépendants sur les résultats de la réhabilitation que le fonds devrait être débloqué pour les sociétés minières, alors qu’au Ghana, des tests de réhabilitation sont effectués sur plusieurs années avant de déclarer le milieu réhabilité et le remboursement du fonds de réhabilitation aux sociétés minières qui ont mené les activités avec leurs propres fonds.
Le niveau actuel des fonds fiduciaires avoisine la somme de 4 milliards de F CFA et, aux dernières nouvelles, un mécanisme interministériel de mise en œuvre et de suivi de ces fonds est en train de se mettre en place.
Il faut néanmoins admettre que le Burkina Faso est un jeune pays minier et que toutes les pièces du système de gestion d’un secteur minier moderne se mettent en place progressivement. Le court terme et le moyen terme ne sont pas des délais suffisants pour mesurer l’impact de l’exploitation minière sur la vie quotidienne des populations. Enfin, le plus grand défi du secteur minier burkinabè est de devenir est un véritable soutien à la croissance économique, à la réduction de la pauvreté et au développement durable du pays.

Wendyaam SAWADOGO


 


Profiter sans nuire

Le secteur minier constitue une composante essentielle dans le développement économique et social du pays et joue un rôle important dans l’économie nationale. La part de l’exploitation de l’or dans le PIB est croissante et avoisine 4 % si les activités informelles sont pris en compte (Sinon, 2 % à 2,5%). L’or représente également près de 43% des exportations du pays (en valeur) et rapporte quelque 180 milliards, faisant de l’or la première source de devises en 2009 (avant le coton). L’exploitation industrielle de l’or génère ainsi 9 .000 emplois directs et 27.000 emplois indirects. Les mines font alors vivre près de 300.000 personnes. L’effectif a été multiplié par 10 entre 2005 et 2010.
Selon les prévisions du ministère en charge des Mines, la production aurifère du Burkina Faso devrait au moins se maintenir autour de 35 tonnes d’or jusqu’en 2016. Cette production pourrait se renforcer avec le projet d’organisation du secteur de l’artisanat et l’apport des projets avancés. Au-delà de l’accroissement de la production minière, source de recettes budgétaires pour l’Etat, le gouvernement ambitionne de faire du secteur minier un puissant outil de croissance économique et de développement durable. Toutefois, ce visage angélique des mines, surtout industrielles, cache une autre face hideuse de ce secteur.

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