La Forêt classée comprenant le ranch de gibier de Nazinga est située au Sud du pays, à cheval entre les provinces de la Sissili et du Nahouri, et s’étale sur une superficie de 91.300 ha. Elle constitue actuellement une référence en Afrique de l’Ouest et attire des milliers de touristes chaque année. Toutefois, en y faisant un tour, le visage qu’il présente est quelque peu inquiétant.
Des animaux sauvages d’une très grande diversité et des paysages pittoresques. Bref, un endroit où la nature reprend ses droits, tel était le potentiel que présentaient la forêt classée et le ranch de gibier de Nazinga selon son premier responsable, Dieudonné Yaméogo. Mais aujourd’hui, le chef de l’Unité de gestion de la forêt classée et ranch de gibier de Nazinga, Dieudonné Yaméogo, note que la zone rencontre certaines difficultés telles que la dégradation des pistes, des infrastructures hôtelières ainsi que la recrudescence des activités de braconnage.
«Les travaux à effectuer concernent surtout les réceptifs hôteliers, les pistes, les plans d’eau, la logistique, etc. Chaque année, nous tentons de faire quelques petites rénovations, mais une rénovation de grande envergure a été faite il y a au moins une décennie. Nous avons en plus un problème de logistique parce que nous n’avons qu’un seul véhicule, sans compter l’avancée du front agricole qui entraine une surexploitation des ressources au sein même du ranch», ajoute-t-il.
En outre, M. Yaméogo déclare que le personnel forestier mis à la disposition du ranch est très faible en nombre et en qualité, car parmi les quelques agents présents, très peu sont des cadres, donc il est difficile de faire un travail de conception. Par ailleurs, il souligne que si des dispositions ne sont pas prises pour lutter contre le braconnage, certains animaux risquent de disparaître. C’est le cas des céphalophes, des ourébis et des phacochères.
Pour lui, la solution est que des concertations soient engagées avec l’Office national des aires protégées (Ofinap) pour adopter un plan de réhabilitation du ranch. Il indique que compte tenu des lourdeurs financières, il est difficile de débloquer de l’argent pour régler certaines urgences. Par exemple, cette année jusqu’en mi-juin, l’inventaire n’avait toujours pas eu lieu. «Il existe des soucis, car l’inventaire pédestre selon la méthode des lines transects nécessite un bon réseau de pistes, alors qu’avec les pluies que nous avons enregistrées, ce réseau n’est plus praticable. En réalité, les ressources financières ont été débloquées tardivement, sinon, la période propice pour l’inventaire faunique est janvier- février où la distribution de la végétation est homogène et où les pistes sont praticables. Aujourd’hui, les points d’eau connaissent un début d’assèchement alors que nous sommes en juin», déplore-t-il.
Le Pr Adjima Thiombiano signale aussi que le triompheta lepidata est une espèce envahissante du ranch qui empêche les graminées de pousser, alors qu’il n’est pas appété par les animaux. Ce qui diminue le fourrage des animaux. Il aurait été introduit dans les années 1980 peut-être par l’élevage. Il se reproduit très rapidement et, pour l’instant, la seule solution c’est de l’arracher artisanalement. A ces difficultés se sont greffés cette année certains problèmes conjoncturels qui sont venus compliquer la situation du ranch.
Il s’agit, entres autres, des questions sécuritaires dont la question du terrorisme, l’insurrection populaire et aussi la lutte contre le virus Ebola et la grippe aviaire.
«Cette année a été une année difficile pour le ranch. Nous sommes à 1.000 touristes en juin alors qu’à cette même période l’an dernier nous étions autour de 4.000 touristes. Nous n’avons reçu que 13 chasseurs cette année alors qu’à la même période l’an dernier nous étions à près de 40 chasseurs. Résultat, nos recettes financières ont fortement baissé», explique M. Yaméogo.
Au-delà de toutes ces difficultés, le Pr Guenda est d’avis qu’il faut continuer à travailler à préserver cette zone écologique pour non seulement la préservation de la faune et de la flore, mais aussi pour les générations futures. Il a donc lancé un appel afin que les Burkinabè visitent leur ranch et prennent connaissance des richesses fauniques dont le pays regorge.
JB
Une diversité faunique
Selon les précisions du chef de l’Unité de gestion de la forêt classée et ranch de gibier de Nazinga, Dieudonné Yaméogo, du point de vue faunique, les inventaires successifs menés à Nazinga, depuis sa création, attestent d’une certaine diversité spécifique. On dénombre ainsi plusieurs espèces d’animaux sauvages dont le buffle, l’hippotragus, le cob de Fassa ou Waterbuck, le céphalophe, l’ourébi, le phacochère et l’éléphant.
A cela il faut ajouter 4 espèces de prédateurs dont l’hyène, le serval, le caracal, 340 espèces d’oiseaux, plusieurs espèces de reptiles dont le crocodile du Nil et 32 espèces de poissons. Pour le Pr Adjima Thiombiano de l’Université de Ouagadougou, ce ranch occupe une place stratégique dans la conservation de la biodiversité. «Au niveau de la recherche, c’est un excellent laboratoire à ciel ouvert. Le ranch, malgré ses ressources très limitées, arrive à faire l’inventaire faunique annuellement et c’est à partir de ce ranch que les différents quota d’abattage d’animaux sauvages sont fixés pour les autres aires protégées du Burkina. Il est vrai que cela comporte des limites, mais cela montre que le ranch joue un rôle important dans la régulation des différentes espèces animales au Burkina», affirme-t-il.
Il ajoute que sur le plan touristique, c’est l’une des aires protégées les plus proches de la capitale, ce qui permet à tout citoyen burkinabè de le visiter facilement s’il le veut. Le Pr Wendengoudi Guenda de l’Université de Ouagadougou, lui, met en avant les bénéfices écologiques. La zone permet de séquestrer le carbone et de conserver la faune. Il précise également que le ranch permet aux apprenants des différentes écoles, instituts et universités de joindre la pratique à la théorie car chaque année, des centaines d’étudiants et d’élèves visitent Nazinga avec leurs enseignants.