Economie

Stations d’essence : les gérants répondent au Gpp

La pomme de la discorde entre gérants de stations-service et marketers est loin d’être consommée. Les premiers accusant les seconds d’être la cause de leurs difficultés financières. En cause, l’impact financier de la commission «Peines et Soins» et des loyers/redevances sur la viabilité de leur business. Faux, avait retorqué Olivier Lassagne, ancien Dg de Total Burkina et ancien président du Groupement des professionnels du pétrole (Gpp), dans «La réplique des marketers», Cf. L’Economiste du Faso N°110.
Vu le contenu de l’interview de l’ex-Dg de Total Burkina, les gérants entendent apporter «certaines corrections» tout en précisant que «notre intention n’est pas de polémiquer avec le Gpp».

– L’ex-Directeur général de Total Burkina affirme que gérants et marketers sont embarqués dans le même bateau et que les uns ont besoin des autres pour fonctionner.
Lorsque le Gpp a discuté de la revalorisation des marges en 1994 suite à la dévaluation du F CFA, il n’a pas fait mention des marges détaillants. La même attitude a prévalu lors des renégociations de 2003.
Alors, que le Gpp évite de nous prêcher la solidarité aujourd’hui, car c’est plutôt la politique de l’apartheid qu’il applique depuis longtemps. Du reste, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur le contenu des contrats de location-gérance pour s’en convaincre.

– Selon le Gpp : coût de la réalisation des stations = 600 millions + coût des terrains = 200 millions alors que : montant du fonds de roulement du gérant = 30 à 40 millions. Donc le gérant ne mérite pas la marge que l’Etat lui a fixée. Une partie de cette marge doit revenir au marketer.
Si malgré le fait qu’ils bénéficient des marges les plus élevées de la structure des prix, les marketers estiment que leurs investissements sont insuffisamment rémunérés, qu’ils s’adressent à l’Etat pour demander la correction de leurs marges. Taper sur les marges des gérants n’est pas la solution.

– Le Gpp affirme que les loyers sont définis, discutés, calculés et mis dans un contrat de location-gérance entre le marketer et le gérant. Les termes sont discutés avant signature.
Dans la réalité, aucun des articles figurant dans les contrats de location-gérance ne peut être discuté. Il s’agit de contrats d’adhésion qui ne reconnaissent aux gérants que le droit de démissionner.

– Concernant les commissions «Peines et Soins», le Gpp affirme que depuis toutes ces années que le système existe, s’il ne marchait pas, il aurait disparu. Ce n’est pas possible d’avoir un système qui fait perdre de l’argent à un partenaire au point de le ruiner.
L’ex-Directeur général de Total Burkina est arrivé chez nous il n’y a pas longtemps. Si le système marche, ce n’est certainement pas pour les gérants. Nous apprenons à l’ex-Dg de Total Burkina que lorsque le taux de la commission «Peines et Soins» a été révisé pour la première fois en mai 1988 par le ministère du Commerce, c’était à l’initiative des gérants. Par ailleurs, si le système marchait autant que cela, pourquoi certains marketers n’appliquent plus le taux de 1,50 %? Ce n’est certainement pas par esprit de charité. Ils reconnaissent implicitement que la commission qu’ils perçoivent sur les bons et les cartes électroniques impacte les résultats des gérants.
– L’ancien Dg de Total affirme que le nombre de gérants qui font réellement faillite est extrêmement limité et se compte sur les doigts d’une main chaque année.
Soit l’ex-Dg de Total Burkina ignore complètement ce qui se passe sur son réseau, soit il est de mauvaise foi, ou alors il possède un peu plus de 5 doigts à chaque main, car le taux moyen des faillites enregistrées sur le réseau de Total Burkina au cours de la période étudiée est de 5,27 par an. C’est peut-être insignifiant pour le Directeur général de Total Burkina. Pour nous qui tenons compte du nombre de personnes affectées par ces faillites, c’est considérable. Quoi qu’il en soit, nous tenons à sa disposition la liste nominative des 79 faillites enregistrées sur le réseau de Total Burkina entre janvier 1998 et décembre 2013.

– L’ex-Directeur général de Total Burkina termine son interview en ces termes : «Mais l’immense majorité des gérants de stations sont de grands professionnels qui savent que c’est un business de détail et qu’il faut être là pour contrôler et surveiller». Ces gens-là ne font pas faillite. C’est pour cela qu’ils sont là depuis 20 ou 30 ans. Il ne faut pas tout mélanger. Sur Total Burkina, j’ai pu lire qu’il y a eu 79 faillites en 10 ans, c’est faux.
Total Burkina a un système qui est particulier qui s’appelle «Jeunes Gérants», mis en place depuis le début de la présence de notre groupe au Burkina. Ce sont des pompistes chez nous que nous formons et au bout d’un moment, on leur prête de l’argent pour devenir gérants de stations et ils nous remboursent progressivement. Si un jeune gérant fait faillite, ce n’est pas lui qui perd de l’argent, c’est plutôt Total Burkina».
Nous mettons l’ex-Dg de Total Burkina au défi de nous citer un seul exemple de gérance qui dure depuis 20 ou 30 ans. En fait, la durée moyenne d’une gérance n’excède pas 5 ans à Total Burkina. L’ex-Dg de Total Burkina devrait mieux connaître l’histoire de sa société. Cela lui éviterait de commettre certaines bévues. La première session de formation de pompistes organisée par «Total Texaco Burkina» a eu lieu, à Ouagadougou, du 13 au 22 février 1990. La première promotion d’un pompiste au poste de gérant a eu lieu à la station Total Sankariaré, en novembre 1990. Ce n’est donc pas depuis le début de la présence de Total au Burkina que le système «Jeunes Gérants» existe.
Ce que l’ex-Dg de Total Burkina omet d’ajouter, c’est que la politique «Jeunes Gérants» vise également à placer dans les stations des gérants dociles, taillables et corvéables à souhait.
En effet, le contrat auquel ils sont soumis leur interdit formellement l’exercice d’une autre activité et les contraint à être présent en permanence à la station. L’ex-Dg de Total Burkina devrait faire attention, car ces gérants qui ont fait «réellement» faillite ne sont pas le fruit de notre imagination. Ils existent et peuvent se manifester si cela est nécessaire. Pour eux, les faillites ne se limitent pas à une simple question de perte d’argent. Ils doivent surmonter l’immense déception que constitue cette promotion ratée, pour eux et leurs familles, surtout que leur échec est dû, dans la très grande majorité des cas, aux conditions contractuelles qui leur sont imposées et non pas au manque de contrôle et de surveillance comme veut le faire croire l’ex-Dg de Total Burkina. Sinon, comment expliquer que ce soit dans les rangs des «Jeunes Gérants» dont les gestions sont contrôlées mensuellement par les agents de Total Burkina que les faillites sont les plus nombreuses ?
Nous comprenons que pour une société qui bâtit sa campagne de communication sur des gérants qui se succèdent à ses stations de père en fils, se retrouver à la tête du hit-parade des faillites est une pilule difficile à avaler. Cependant, cela ne justifie pas les contre-vérités que l’ex-Dg de Total Burkina soutient dans son interview.

– Enfin, les arguments du GPP sont axés sur le principe de la perception des loyers/redevances et des commissions sur les tickets et les cartes électroniques. Ce principe leur est acquis pour le moment.
Cependant, en ce qui concerne les cartes électroniques, nous savons que ce moyen de paiement est de plus en plus utilisé à cause des garanties de sécurité qu’il offre. Le nombre des utilisateurs de cartes va donc aller crescendo.
Si le principe actuel est maintenu, à quelle marge le gérant pourra-t-il prétendre lorsque toutes ses ventes seront payées avec des cartes électroniques, étant entendu qu’actuellement ce sont ses ventes payées en espèces qui compensent les pertes qu’il subit sur les ventes payées avec les cartes électroniques ou les tickets valeurs ?
C’est pourquoi nous proposons que les frais liés à la confection et à la gestion des cartes électroniques et des tickets valeurs soient supportés par l’utilisateur, conformément à ce qui se fait déjà dans d’autres secteurs commerciaux. C’est la seule solution pour pérenniser l’utilisation de ce moyen de paiement dans les stations.
Pour Le Sngsb – Le Secrétaire general


De la commission «Peines et Soins»

Lorsque le taux de la commission a été fixé par le ministère du Commerce :
Les prix et les marges étaient stables
La marge du détaillant était de 3,50 % du chiffre d’affaires,
Les charges directement imputables aux ventes étaient de 2 %
Le reste de la marge, soit 1,50 % du chiffre d’affaires, a été attribué aux marketers.
Actuellement :
Nous sommes dans un contexte de variations des prix et de quasi-stabilité des marges.
Sur la structure des prix du 2 mars 2015, la marge du détaillant est de 2,80 % du chiffre d’affaires.
Les charges directement imputables aux ventes s’établissent à 1,96 % du chiffre d’affaires.
Il ne reste plus comme marge que 0,84 % du chiffre d’affaires.
Dans ces conditions, est-ce juste de continuer à appliquer la même clé de répartition qu’en 1987, alors que le dividende a diminué ? Tous les taux actuellement appliqués par les marketers sont excessifs au regard de cette réalité.


A propos du loyer

Nous avons proposé son plafonnement à 1,25 F CFA Ht par litre, parce que nos marges sont elles-mêmes plafonnées. Il ne serait pas juste, de notre point de vue, de supporter une charge qui peut augmenter systématiquement chaque année sur des marges qui stagnent depuis plus de 10 ans.
Nous avons proposé également qu’il soit aligné sur les volumes tout comme nos marges. Lorsqu’il est forfaitaire, il couvre les périodes de méventes dues au marketer telles que la suspension du marketer au dépôt Sonabhy, l’absence de groupe électrogène de relais pendant les périodes de délestages, les pannes sur les installations, etc. …
Les marketers peuvent trouver que leurs marges sont trop faibles et que, de ce fait, leurs investissements sont insuffisamment rémunérés. Cependant, choisir comme solution de siphonner la marge du détaillant en lui imposant des charges sans cesse revues à la hausse revient, pour les marketers, à scier la branche sur laquelle ils sont assis.

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