Pourquoi le Burkina Faso connaît-il des difficultés d’absorption des appuis financiers extérieurs? Est-ce à cause de l’incompétence des gestionnaires des projets financés, qui ne s’intéresseraient qu’à la part de l’Etat?, s’est interrogé Isaac Baré Zongo, directeur exécutif du Centre d’information, de formation et d’étude sur le Budget (Cifoeb), au cours d’une conférence de presse, le 23 juin 2015.
Organisée par le cadre de concertation des organisations de la société civile intervenant dans le domaine des finances publiques, la conférence de presse a permis de faire le bilan de leur participation dans le dispositif de mise en œuvre de la Politique sectorielle de l’économie et des finances (Posef). Le faible taux d’absorption des financements extérieurs a un impact, à savoir la faiblesse des investissements au Burkina Faso. En 2014, le cadre de concertation a produit un rapport sur le budget et s’est rendu compte que le niveau des investissements publics est à un taux de 21%.
Marcel Yigo, représentant du Réseau national de lutte anticorruption (Ren-Lac), a indiqué qu’entre 2013-2014, ils ont constaté une baisse de 1.6 point des investissements. Même si des explications ont été fournies par le Gouvernement, il estime que les investissements doivent augmenter parce qu’il faut plus d’infrastructures. Pour cela, «les organisations de la société civile souhaitent que le Gouvernement fasse des efforts pour augmenter le niveau des investissements», a-t-il poursuivi.
D’autres raisons justifient le faible niveau des investissements. Isaac Baré Zongo indexe quant à lui le train de vie de l’Etat qui absorbe beaucoup de ressources. Il y a aussi «les salaires qui consomment 40% du budget. Enfin, une bonne partie de ce budget sert à rembourser la dette extérieure et intérieure. Après ces dépenses, il ne reste plus grand chose pour les investissements».
Les organisations membres du Posef ont également interpelé le Gouvernement afin qu’il réduise le temps de transfert des fonds aux collectivités territoriales.
Dans le cadre de la décentralisation qui implique le transfert des compétences et des ressources, l’Etat alloue annuellement des montants aux collectivités. «Si le transfert est effectif, la société civile s’est rendue compte qu’il se fait de manière tardive», a expliqué le directeur exécutif du Cifoeb. Il a indiqué que le budget national est voté en année N moins 1 (N-1). Pourtant, les transferts des ressources interviennent pendant l’exécution budgétaire au mois de mars ou avril. Avec les lourdeurs administratives, cela joue sur l’exécution des budgets alloués aux communes qui doivent procéder à des acquisitions.
Poursuivant son explication, Isaac Baré Zongo observe que les fonds alloués aux communes ne sont pas toujours entièrement exécutés à cause de la régulation. Il en veut pour preuve l’adoption des mesures sociales en 2014 qui a consacré une réduction des allocations des ministères et collectivités territoriales. En 2015, la diminution drastique des dépenses a aussi impacté les budgets des communes. «Il faut pourtant trouver les moyens pour le développement à la base», a-t-il conclu. En matière de suivi budgétaire, un des objectifs des organisations de la société civile dans le Posef est de contribuer au suivi des indicateurs de bonne gouvernance. Dans le domaine des marchés publics, il s’agit de suivre le nombre de marchés passés par la procédure de gré à gré ou le nombre d’avenants servis, afin d’exiger leur réduction.
C’est en 2013 que le Cifoeb a noué un partenariat avec le programme Conseil technique auprès du ministère de l’Economie et des finances et de la Giz (coopération allemande). En 2014, ce partenariat s’est étendu à 8 autres organisations de la société civile qui ont créé par la même occasion le cadre de concertation.
La mise en place de ce partenariat résulte de l’insuffisance de concertation constatée entre représentants des organisations de la société civile qui participent au cadre sectoriel de dialogue Economie et finances. Dans ce cadre, la société civile donne son opinion sur les orientations en matière de politiques économique et sociale au Burkina Faso. Ce cadre permet d’assurer une synergie de points de vue et d’actions de la société civile, mais surtout de garantir une coordination efficace des actions de contrôle citoyen de la gestion des finances publiques.
Au-delà de cette stratégie, le cadre de concertation constitue aussi une force d’analyses-critiques et de propositions pour les actions de plaidoyer. Un certain nombre d’activités a été réalisé depuis la création de ce cadre.
Joël BOUDA
Quel impact sur la Scaad?
Le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (Cslp), dans sa mise en œuvre, n’accordait pas assez de place aux groupes thématiques et n’offrait pas de possibilité à la société civile de s’organiser. La Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (Scadd) prend en compte cette insuffisance, avec une participation de la société civile.
Avant la tenue de chaque revue de la Scadd, la société civile se documente, se concerte pour analyser les insuffisances et formuler des recommandations.