«Influencer la prise en compte de l’agriculture familiale dans les politiques, projets et programmes au niveau local et national» est le premier objectif stratégique du plan triennal 2015-2017 de la Confédération paysanne du Faso (Cpf). L’un des axes opérationnels adoptés pour atteindre cet objectif va avec le financement durable et cohérent des actions agro-sylvo-pastorales.
L’organisation faîtière du monde rural burkinabè entend résoudre les problèmes liés au financement adaptés des activités de ses membres à travers l’étude des conditions d’accès, des taux d’intérêt et des délais de remboursement. Au nombre des activités à mener figurent la réalisation d’un état des lieux sur les pratiques de financement de l’agriculture au niveau des pays de la sous-région et la poursuite de la concertation avec le Gouvernement en vue de la définition d’une politique et d’une stratégie de financement adaptées au monde rural. A ces démarches s’ajoute la volonté des responsables paysans de mettre en place un fonds de développement des filières des exploitations familiales.
Ces derniers ne comptent pas s’arrêter là, l’idée de la création de la banque agricole qu’ils caressent depuis de longues années pourrait se concrétiser dans le court terme. La volonté est réaffirmée par l’Assemblée générale de la Cpf du 23 décembre 2014, où mandat a été donné à un groupe restreint de travailler sur ce dossier avec l’aide de certains cadres banquiers de la place.
Depuis, les choses bougent dans le bon sens, selon l’un des membres en charge de la question. D’après Paul Ouédraogo de l’association interprofessionnelle de la filière mangue, le plan d’affaires est rédigé. Il s’agit maintenant de faire le tour des autorités et des bailleurs qui attendent que le Gouvernement approuve. Pour l’heure, le nom retenu est Faso Bank. L’établissement aurait un capital de 10 milliards de F CFA. Pour mettre en place les premiers outils institutionnels, les responsables paysans souhaitent mobiliser 2 à 3 milliards. Ils ont déjà rencontré le ministre de l’Agriculture, qui a réservé un accueil positif à l’initiative de Faso Bank, selon les initiateurs. Ils ont aussi programmé de solliciter une audience auprès du ministre de l’Economie et des finances avant de taper à la porte de la primature et de la présidence du Faso.
Les soutiens qu’ils espèrent avoir auprès des premières autorités politiques devraient, selon Paul Ouédraogo, leur ouvrir la voie pour mobiliser l’argent auprès de leurs propres membres. L’Association interprofessionnelle des banques et établissements financiers du Burkina est également consultée. «Ils ont émis des réserves par rapport à l’objectif de notre banque d’accorder des crédits à moindre taux, du fait que toutes les banques doivent suivre les taux directeurs de la Bceao. Mais pour nous, c’est l’Etat burkinabè qui peut nous aider à mieux atteindre notre objectif. Car, au-delà du taux, c’est le fait de détenir une arme dans les mains de ceux qui n’ont pas l’habitude de l’avoir ; cela nous encourage, en plus du fait que nous avons besoin d’une banque à nous dédiée, quand on sait qu’il n’y en a pas qui s’intéresse particulièrement au monde agricole», a affirmé M. Ouédraogo.
Dans le schéma de Faso Bank, selon les éclaircissements de Paul Ouédraogo, la Cpf en tant que structure de représentation et de négociation ne pouvant pas créer une banque ou en être actionnaire majoritaire, l’actionnariat sera porté par les Unions, les groupements et les producteurs du monde agricole qui composent la faîtière. Les fonds seront mobilisés auprès des producteurs à la base, de sorte à ce que «tout ce qui respire Cpf soit majoritaire», afin de permettre à la confédération d’être dans le Conseil d’administration de la banque pour l’orientation.
«Notre objectif premier, ce n’est pas tant le taux, c’est l’accessibilité. Il nous faut des financements adaptés aux cycles de production et à la rentabilité des activités paysannes. Nous voulons que notre banque adapte le cycle de remboursements au cycle de productions et de commercialisation. C’est un champ qu’aucune banque ne cultive», explique M. Ouédraogo.
Il est vrai, d’après une étude de l’Agence française de développement publiée en 2012, qu’à l’instar de beaucoup de pays en développement, le système bancaire burkinabè évite de s’engager dans l’agriculture, les raisons essentiellement avancées étant liées au coût élevé des services et à l’éloignement ou à la fragmentation des clients qui font que les banques sont peu enclines à se déployer dans les zones rurales. À l’exception de la filière coton qui bénéficie d’une expérience ancienne de financement. o
Christian KONE
Dans l’attente de l’adhésion des acteurs étatiques et de financement
Pour les chargés du dossier de Faso Bank, ils sont en train de s’outiller pour convaincre les acteurs étatiques et ceux du financement à adhérer à leur initiative. Ils sont convaincus que si l’Etat met toute sa volonté politique aux côtés de la leur, l’on peut asseoir la banque agricole qui accorderait des crédits à des taux appréciables et qui ne seraient pas élevés comme le sont les taux des banques classiques (autour de 12%). Et que deviendra la Caisse nationale de dépôt et d’investissement créée par l’Etat au profit des agriculteurs et en attente d’opérationnalisation ?
«Si le Gouvernement veut que cette structure soit la nôtre, il y a lieu de recycler ses articulations en fonction de notre démarche, et ce n’est pas tard. La Cndi pourrait se fondre dans notre initiative ou la nôtre se fondre dans la première, mais avec une orientation qui est celle des agriculteurs. Que nous soyons actionnaires majoritaires». Pour les producteurs, il s’agit d’avoir un contrôle sur un pan du pouvoir économique et financier à moyen et à long termes. Si tout se passe bien comme ils le prévoient, 2016 devrait voir la création de Faso Bank.