Le Conseil des ministres en sa séance du 4 mars dernier a adopté un rapport relatif à la problématique du travail des enfants sur les sites d’orpaillage et les carrières artisanales. Ce rapport fait état de 19.881 enfants concernés par le phénomène, dont 10.217 garçons et 9.664 filles en 2010, sur 86 sites miniers artisanaux dans la région du Centre-Ouest, du Sud-Ouest, du Sahel et du plateau central. Le pays compte 700 sites environ.
Pour lutter contre ce fléau qui se développe de plus en plus, depuis quelques années, l’Unicef a injecté plus de 3 milliards de FCFA dans un projet mis en œuvre par cinq associations et Ong, en collaboration avec les directions régionales et provinciales du ministère de l’Action sociale. Ce projet prévu pour durer 5 ans prendra fin en 2015.
Le ministère de l’Action sociale, à travers ce rapport, essaie de prendre à bras-le-corps le problème afin de lutter efficacement contre le travail des enfants sur les sites d’orpaillage. De 2009 à 2014, le projet de l’Unicef a contribué au retrait de 21.570 enfants des sites d’orpaillage artisanaux.
Le projet vise également la réhabilitation de ces enfants dans la sphère sociale. Pour ce faire, 7.450 enfants de 3 à 6 ans ont bénéficié d’un encadrement de la petite enfance, en dehors des sites d’or. 11.995 sont inscrits à l’école primaire et bénéficient de l’appui en fournitures scolaires.
Cependant, la fin du projet s’annonce, et si rien n’est fait, le phénomène du travail des enfants dans les mines risque de prendre des proportions dramatiques comme l’explique Marc Rubin, le représentant de l’Unicef au Burkina Faso: «Nous menons toute une palette d’actions à travers les Ong qui va de la prévention au retrait et à l’information. Nous identifions sur le terrain les enfants, puis nous procédons à leur retrait du site. Ils sont ensuite ramenés dans des écoles ou dans des centres professionnels, en partenariat avec les ministères de tutelles. Cependant, la question qui se pose est la suivante: nous en avons retirés 25.000, mais combien y sont entrés?». Même si les actions menées par M. Rubin et son équipe sont efficaces, il reconnaît qu’il faut que ces programmes et projets soient ancrés dans une politique nationale. «Et nous souhaiterions que cela soit l’esprit du programme annoncé en Conseil des ministres. Il faut que ce programme soit lié à l’exploitation de l’or dans le pays. Il faut un véritable élan national pour lutter contre le fléau», a-t-il ajouté.
Avec l’expansion de l’exploitation aurifère ces dernières années, de plus en plus d’enfants désertent les classes pour le travail sur les sites d’or. C’est environ 7.152 enfants dont 5.217 enfants du primaire et 1.876 du secondaire qui ont abandonné l’école au cours de l’année académique 2012-2013 pour les sites d’orpaillage dans 9 régions, selon les statistiques du rapport du ministère de l’Action sociale.
Plus 66,7% des enfants dans cette situation travaillent plus de 10 heures par jour. La situation inquiète les organismes de défense des droits des enfants qui voient en ce phénomène un danger pour l’avenir. Les enfants sur les sites sont exposés à de nombreux risques. Plus d’un quart d’entre eux se blessent ou sont victimes d’accidents et de maladies respiratoires, mais aussi d’épidémies et de maladies sexuellement transmissibles.
Le souhait de l’Unicef est de pouvoir avoir des financements à la fin du projet pour continuer les actions déjà entreprises sur le terrain. A travers l’adoption du rapport en Conseil des ministres, l’organisme espère un réel élan des autorités dans la lutte contre le travail des enfants sur les sites artisanaux qui, à la longue, aura plus d’impacts négatifs que positifs.
«Il ne faut pas que des projets pour lutter contre le travail des enfants sur les sites d’orpaillage. Il faut que l’Etat mette en place un véritable programme. Combien peut bien rapporter les taxes de l’or reversées à l’Etat ? Il y a aussi une espèce d’économie parallèle.
Mais combien peut bien coûter au pays les enfants qui ne sont pas éduqués et qui deviendront plus tard des citoyens qui ne sont pas productifs ? Combien va coûter ce désastre environnemental au pays ? Il faudra, à un moment donné, faire une évaluation des bénéfices et des coûts et on se rendrait compte de l’impact négatif sur la société et sur la stabilité», a déclaré Marc Rubino.
Germaine BIRBA
Les résultats des interventions spécifiques
Entre 2009 et 2014, le projet de l’Unicef a contribué au retrait de 21.570 enfants des sites d’orpaillage. 7.450 parmi eux, âgés entre 3 et 6 ans, ont bénéficié d’un encadrement de la petite enfance.
11.995 enfants de 6 à 14 ans sont inscrits à l’école primaire et bénéficient d’un appui. 909 enfants en fin de formation ont reçu des kits d’installation et travaillent dans des ateliers. Plus de 900 autres retirés des sites ont été alphabétisés en français et en langues locales pour faciliter leur apprentissage.
Ce projet a également pris en compte 947 mères d’enfants qui ont bénéficié d’un appui en dehors des sites. De nombreux enfants souffrant de traumatismes ont été pris en charge psycho-socialement ou ont reçu des soins de santé dans le cadre de la réhabilitation.
Mouvements sociaux : enfin une réaction du Gouvernement
L’Economiste du Faso et avec lui certains médias de la place avaient appelé à un pacte social pour une transition apaisée afin que le processus de restauration des institutions démocratiques puisse se faire dans de bonnes conditions et que le calendrier ne se trouve pas perturber. Le demander n’était pas donner un blanc-seing aux autorités, mais se donner le temps d’avoir un environnement serein pour prendre des décisions pérennes.
En face d’une autorité de la transition aux assises fragiles, certains y ont vu peut-être une occasion pour parvenir à leurs desseins avouables ou non avouables. Le chaos créé la semaine dernière par la conjonction de deux mouvements de grève a fini de convaincre le Gouvernement de réagir fermement en traçant clairement une ligne rouge à ne pas franchir. Dans son discours le 2 avril dernier, le Premier ministre s’est adressé directement à certaines forces de l’ombre :
«La tournure prise par les évènements ces derniers temps, à travers des mouvements de grèves désordonnées, des revendications intempestives, qui n’ont de corporatiste que de nom, des occupations des lieux de travail, des entraves à la liberté de circuler, indique clairement que l’on veut empêcher le Gouvernement de travailler et, à terme, les élections de se dérouler». D’où cet avertissement: «En tout état de cause, c’est avec fermeté et responsabilité qu’il (ndlr : le Gouvernement) s’opposera désormais à toute tentative de déstabilisation d’où qu’elle vienne».
Le pays entre dans une phase décisive de la préparation des élections avec la révision du Code électoral le 7 avril prochain, toute chose qui permettra aux partis politiques de se lancer dans la campagne en connaissance de cause.