La Charte de la Transition du 16 novembre 2014 consacre, entre autres, les valeurs du pardon et de la réconciliation pour guider les acteurs de la Transition. C’est ainsi que depuis le 13 mars 2015, une commission axée sur la réconciliation et le pardon a été officiellement installée, avec à sa tête l’Archevêque de Bobo-Dioulasso et président de la Conférence épiscopale Burkina-Niger, Mgr Paul Ouédraogo.
Une mission à la fois noble et délicate pour les 36 membres nommés par le président du Faso, le Premier ministre et le président du Conseil national de la transition (Cnt). Mission surtout délicate pour l’homme d’église qui fait déjà face à deux démissions. Celle qui fait le plus de bruit est celle de Siaka Coulibaly, juriste et analyste politique, désigné par le Premier ministre. La raison officielle de ce départ est expliquée par le démissionnaire lui-même: «Le Décret N°2015-175/Pres-Trans promulguant la loi organique N°003-2015/Cnt du 23 janvier 2015, se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel, retire à la Commission de réconciliation nationale et des réformes toute sa raison d’être».
En effet, poursuit-il, le retrait du second tiret de l’article 4 rend totalement inopérationnelle toute réconciliation après le soulèvement populaire du 30 octobre 2014. Si la Crnr ne peut «se saisir et documenter toute affaire de crime de sang et de crime économique et auditionner toute personne à cet effet», elle ne pourra, en aucune manière, faire la vérité sur le passif politique du pays, ne pourra pas non plus contribuer à la justice sur les crimes passés, et, au final, ne pourra pas réconcilier les Burkinabé», a-t-il conclu.
Est-ce la vraie raison de sa démission? Toujours est-il qu’au détour d’une interview accordée à une radio de la place, l’intéressé soulève un autre problème, celui de la présidence des sous-commissions: «Le Premier ministre m’avait fait appeler par le professeur Soma pour me dire qu’il s’était entendu avec le président de la Transition, Michel Kafando, et le président du Conseil national de la transition pour se répartir les responsables pour les sous-commissions. Moi, j’étais promu pour la Commission électorale. Quand nous sommes arrivés, il y a des membres de la Commission qui m’ont dit qu’il y a une cabale qui allait m’empêcher d’accéder audit poste. Alors, celui qui m’avait contacté pour la présidence de la sous-commission électorale ne m’a pas recontacté pour me situer. J’ai donc maintenu ma position». Finalement, il n’a pas été élu à ce poste. Suivra sa démission. Avant que la commission ne statue sur son règlement intérieur (cela devait l’être en principe vendredi dernier), le démissionnaire annonce que «certains membres s’apprêtaient à proposer un salaire de 5.500.000 FCFA par mois, et par personne». Là-dessus, Siaka Coulibaly a également confié que: «Le problème a été posé devant lui (Ndlr : Mgr Paul Ouédraogo). Aujourd’hui, il ne peut pas dire qu’il n’est pas au courant de ce problème juridique dans la Commission».
La conférence de presse de samedi dernier a permis certainement de répondre à un certain nombre de questions ou tout au moins donner la version officielle de la Commission. Sur cette question de la rémunération, nos sources nous apprennent que l’archevêque de Bobo a été très surpris par de telles déclarations parce que la question financière n’avait pas été abordée.
Mgr Paul Ouédraogo n’a pas manqué l’occasion de revenir sur les déclarations du démissionnaire et donner plus de précisions sur les missions de sa Commission (ndlr, au moment où nous traçions ces lignes, la conférence de presse n’avait pas encore eu lieu).
La Charte, en son article 17, crée une Commission de réconciliation nationale et des réformes «aux fins, non seulement de restaurer et de renforcer la cohésion et l’unité nationales, mais aussi de poser les bases d’une réelle vie démocratique dans notre pays».
Cette Commission va certainement soumettre très rapidement au Cnt un projet de loi sur la révision du Code électoral qui doit être voté au plus tard le 10 avril 2015, car après cette date, aucune réforme ne sera possible au regard des exigences de l’Union africaine qui n’autorise de réformes qu’à six mois (au plus tard) des élections.
Joël BOUDA
Mgr Paul Ouédraogo refuserait-il déjà certains avantages ?
On le sait, le président de la Commission de réconciliation nationale et des réformes a rang de président d’institution. Mgr Paul Ouédraogo, porté à ce poste, devrait donc bénéficier des avantages liés à ce rang. C’est ainsi que nous avons appris de sources concordantes qu’il aurait renoncé au véhicule de fonction qui lui avait été affecté juste après son installation le 13 mars dernier. L’archevêque ne semble pas vouloir d’un véhicule de fonction parce que sa voiture personnelle lui conviendrait bien. Aussi, une résidence lui aurait été proposée. Là également, nos sources nous apprennent qu’il a subtilement décliné l’offre.