Le ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, René Bagoro, revient, dans cet entretien accordé à L’Economiste du Faso, sur les difficultés qui entourent la gestion des logements sociaux et la privatisation de la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (Socogib). Il rejette l’idée de nationalisation des entreprises, au regard du temps imparti au gouvernement de transition.
– L’Economiste du Faso : Des attributaires de logements sociaux payent leurs traites sans pour autant pouvoir identifier leurs maisons. Quelle solution envisagez-vous à ce sujet ?
René Bagoro (ministre de l’Habitat et de l’urbanisme) : Dès ma nomination, je me suis rendu à Bassinko parce que je veux faire des logements sociaux une priorité. Avant d’arriver à la tête du département, je lisais certains écrits à ce sujet dans la presse. J’avais eu également des discussions avec certains collègues à ce sujet. Je m’étais donc rendu compte qu’il y avait de sérieuses difficultés par rapport aux attributions.
Quand nous nous sommes rendus sur le terrain, nous avons constaté effectivement un certain nombre de difficultés, notamment des maisons qui sont inachevées, des entreprises qui ont abandonné des chantiers. A côté de cela, il y a des gens qui étaient attributaires de maisons qui sont soit inachevées, soit inexistantes. Vous vous rappelez du cri du cœur de cette veuve qui avait paru dans la presse. Le fait d’aller sur le terrain était une façon pour nous de dire aux gens que rien ne sera comme avant. La preuve est que nombreux sont ceux qui nous envoient des messages pour nous signifier qu’on les a appelés pour leur remettre les clés.
J’ai donné des instructions à mes collaborateurs pour me faire un rapport qui sera soumis en Conseil de ministres. Cela nous permettra de faire tout le point afin de prendre des décisions. Nous avons également rencontré les bénéficiaires. En somme, nous allons oeuvrer à ce que ces injustices soient corrigées. Nous allons continuer à travailler pour que celui qui est attributaire puisse entrer en possession de sa maison.
– Que dites-vous de ceux qui sont attributaires et qui n’ont visiblement pas besoin de ces logements, puisque dès qu’ils sont attributaires, ils les mettent en location ?
Ce sont des gens qui ont souscrit selon la procédure. Il peut arriver qu’une femme soit attributaire et que son mari ait déjà un logement et elle doit y loger. Là, c’est difficile à contrôler. Notre souhait est que la maison attribuée soit réellement occupée par celui qui a souscrit, parce que ce sont des logements sociaux qui doivent accueillir des gens qui en ont vraiment besoin. J’invite les attributaires à utiliser ces logements conformément à leur objectif qui est de permettre aux Burkinabè à revenu intermédiaire de pouvoir avoir un «chez soi».
– Pensez-vous que les conditions d’acquisition de ces logements sociaux sont vraiment sociales ?
Le projet a été quand même réfléchi. Au regard des conditions d’acquisition, ce sont vraiment des logements sociaux. Le montant oscille entre 5 et 7 millions de FCFA. L’Etat a subventionné pour que ça puisse coûter ce prix. Sinon, si vous prenez la valeur seulement du terrain, vous verrez que c’est vraiment social puisque que l’on vous construit une maison sur un terrain à 5 ou 7 millions. Si on prend ces données, on se rend compte que c’est vraiment social. Selon les critères définis, les attributaires doivent avoir un revenu inférieur ou égal à huit fois le Smig. Ces conditions sont donc sociales, mais je ne peux pas dire que des gens qui ne remplissent pas ces conditions bénéficient de ces logements.
– Des attributaires se sont-ils vus retirer leurs maisons parce qu’ils n’ont pas respecté les échéances ?
Notre sortie sur le terrain et les rapports en cours nous permettront de savoir s’il y a non-respect ou pas du cahier des charges. A ma connaissance, une telle situation ne s’est pas encore présentée parce que nous n’avons pas encore toutes les données pour le faire. Nous allons prendre des mesures par rapport aux entreprises qui sont défaillantes.
– Le Premier ministre a déclaré vous avoir donné des instructions pour nommer un Dg de la Socogib. Des critères sont-ils édictés à ce sujet et à quand cette nomination ?
Nous avons bien accueilli sa proposition. La Socogib est une société privée et nous sommes en train de mener la réflexion. Des procédures seront engagées pour faire en sorte qu’au-delà de la socogib, toutes les sociétés d’Etat qui ont été frauduleusement privatisées puissent être récupérées pour rentrer dans le giron de l’Etat. On verra si l’Etat va les gérer lui-même ou s’il va les rétrocéder en respectant les conditions qui s’imposent en la matière.
– A vous écouter, vous voulez d’abord vous entourer de cette prudence sur le plan juridique avant d’engager tout autre action…
Tout à fait ! Vous savez que je suis magistrat. A la tête de ce ministère, je crois que j’ai une double mission. Tout en mettant en œuvre la politique du gouvernement de transition, je dois aussi apporter ma contribution en tant que juriste. Nous n’allons pas faire une chasse aux sorcières, mais l’Etat doit rentrer dans ses droits, dans le respect de la légalité. Pour ce faire, nous allons mener toutes les réflexions qui s’imposent.
Ceux pour qui les textes n’ont pas été respectés dans le cadre de la privatisation, nous allons engager la procédure conformément à la Constitution et aux textes du Burkina Faso pour entrer en possession de ces entreprises.
– Comment va se passer la nationalisation de certaines entreprises dont a parlé le Premier ministre ? Ne craignez-vous pas que l’Etat devienne un concurrent du privé ?
Je ne pense pas que le Premier ministre ait parlé de nationalisation, même si ceux qui étaient à la place de la Nation avaient, entre autres, revendications la nationalisation des entreprises. Au niveau du gouvernement de transition, nous n’allons pas nationaliser des entreprises. Nous allons récupérer des entreprises étatiques qui ont été privatisées de façon frauduleuse, mais il n’est pas question pour l’Etat de continuer à les gérer.
Nous allons réorganiser leur rétrocession à des privés, de sorte à ce que l’Etat puisse en bénéficier. Par rapport à la nationalisation, il y a des textes qui permettent de le faire, notamment la loi 023-2013/AN du 30/05/13 portant loi d’orientation de l’investissement au Burkina Faso, en son article 18. Juridiquement, la nationalisation est donc possible, mais nous n’allons pas y aller parce que le temps qui nous est imparti n’est pas suffisant.
J’invite les populations à ne pas paniquer. Les 11 mois qui nous restent sont suffisants pour que les frustrations liées aux questions de logements et de lotissements soient résolues.
Propos recueillis par
Alexandre Le Grand ROUAMBA