Société-Culture

Ebola: Quand un cas suspect crée la panique

Le Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédrago disposera bientôt d’une salle d’isolement dans le cadre de la lutte contre la maladie à virus Ebola. La pose de la première pierre de cet édifice s’est faite le 2 octobre dernier. D’un coût estimé à 25 millions de F.CFA, cette salle d’isolement  accueillera les malades suspectés d’être atteints du virus Ebola, en attendant les résultats des analyses pour un éventuel transfert au centre d’isolement de Yagma.
Cette décision est un soulagement pour les internes de l’hôpital. Ces dernières semaines, une grande inquiétude régnait au sein du personnel soignant. Un malade suspecté d’avoir la fièvre hémorragique a semé la panique au sein des internes du Chu.
Le patient, un Burkinabè en provenance de la Guinée, avait une forte fièvre et des éruptions cutanées. Pris en charge par le service des maladies infectieuses de l’hôpital Yalgado, le patient a été isolé dans l’une des salles du service.
Les internes de l’hôpital, jugeant les conditions de sécurité insuffisantes, ont mené un sit-in devant le bureau du directeur de l’hôpital qui les a reçus.
Ils ont élevé la voix pour dénoncer le manque de dispositions rigoureuses dans le cadre de la prévention contre la maladie, le manque de kits de protection, également le manque de mesures pour la prise en charge des médecins en cas d’accident de travail.
L’un des internes a justifié leur sit-in en ces termes : «Nous avons mené ce sit-in car nous jugeons les conditions de sécurité dans la lutte contre la maladie insuffisantes à l’hôpital Yalgado. Pourtant, les médecins sont ceux qui sont en contact permanent avec les malades. Nous avons donc besoin d’être mieux protégés.
La menace d’Ebola n’est pas très prise au sérieux dans notre pays. Nous sommes très mal préparés face à un éventuel cas. Il faut que nous restons vigilants au risque d’en pâtir sérieusement si la maladie venait à se déclarer ici». Le directeur de l’hôpital, Robert Bibia Sangaré, reconnaît lui aussi que des efforts restent à faire en matière de prévention.
Certes, des dispositions ont été prises dans ce cadre. La Direction régionale de la santé, dans son plan de riposte, a doté l’hôpital de kits de protection et procédé à la formation de plus 140 agents de santé.
Cependant, cela reste insuffisant. Un « plan blanc » est donc lancé avec cette nouvelle situation. Les résolutions prises par la direction de l’hôpital sont, entre autres, de doter les agents de santé de plus de kits de protection (gants, bavettes, gels, désinfectants), de former à grande échelle des agents de santé, d’acquérir des thermomètres à infrarouge pour les prises de températures.
Le directeur de l’hôpital, Robert Sangaré, explique la démarche : «Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait un dispositif spécial et particulier à Yalgado. Avec notre statut d’hôpital de dernier recours, nous serons d’une manière ou d’une autre impliqués dans la prise en charge des malades, si des cas s’avéraient.
Nous n’allons donc pas fuir nos responsabilités si cela arrivait. Nous allons prendre toutes les mesures idoines. Nous avons réveillé le comité de gestion du virus Ebola qui a élaboré des stratégies en termes de processus de prise en charge des patients. Nous avons évalué nos besoins».
Le syndicat des médecins du Burkina (Symeb) apprécie diversement les dispositifs de lutte contre la maladie mis en place à l’hôpital. Le syndicat, par la voix de son secrétaire national aux affaires juridiques, Alfred Ouédraogo, donne son sentiment : «Des dispositifs assez transversaux ont été mis en place dans les différents hôpitaux. Mais il est difficile de vérifier l’efficacité de ceux-ci tant qu’ils n’ont pas été testés. Chose que nous ne souhaitons pas. Quoi qu’il ne soit pas exclu de faire des opérations de simulation pour vérifier le dispositif afin de pallier les insuffisances. Toutefois, un certain nombre de mesures existe déjà à Yalgado dans le cadre de la lutte contre la maladie.
Mais, au-delà de cette question de la stratégie mise en place, en tant que syndicat, c’est l’occasion pour nous de remettre en scène l’indemnité spécifique de risque des agents de santé eu égard aux risques évidents que courent les praticiens et leurs familles dans la prise en charge des populations.
A travers le monde, les médecins, les paramédicaux et leurs proches sont les premières victimes en cas d’épidémie. Quelles que  soient les mesures que l’on peut mettre en place, les médecins ne sont pas du tout épargnés. Au-delà de l’épidémie, il faut que les autorités se penchent sur notre système de santé.
Il faudra renforcer les ressources humaines et materielles, mais aussi créer une fonction publique hospitalière permettant la mise en place d’un système de rémunération adapté et des conditions de travail idoines pour aménuiser le taux de déperdition très élévé des praticiens spécialisés. Cela permettra également d’attirer de nombreux spécialistes qui sont hors du pays, pour bâtir un système de santé solide au service de nos populations désireuses de soins de qualité.
Il manque des spécialistes au Burkina Faso. La direction de l’hôpital a certes pris l’engagement de doter les agents de santé de kits de protection. Cependant, des efforts restent à faire en ce qui concerne les malades et les accompagnants. Aucune affiche de sensibilisation n’a été identifiée dans le Chu. La situation est pourtant assez critique avec la maladie qui se propage de plus en plus et qui a déjà causé plus de 3.000 morts. Aucun gel désinfectant n’a été mis à la disposition de toutes ces personnes qui entrent et sortent de l’hôpital. Les accompagnants des malades sont toujours aussi nombreux à défiler dans les couloirs de l’hôpital sans inquiétude. Pour que la lutte soit efficace à tous les niveaux, il faudrait également associer la population à travers les affiches, mais aussi en réduisant les entrées et les sorties à l’hôpital, car nul n’est à l’abri en ce moment ».


Une psychose chez les médecins

La crise actuelle vient remettre en cause la situation des médecins au Burkina Faso. Le Gouvernement a certes prévu la formation de 1.000 spécialistes d’ici à 2020, mais tant que ce corps ne disposera pas d’un statut spécifique qui permettra aux hôpitaux de les recruter et de les payer selon leurs rendements, on assistera à des départs massifs vers les Organisations internationales comme c’est le cas actuellement.
Les médecins souhaitent bénéficier  d’un statut qui les protège en cas d’accidents de travail. Toutes ces situations contribuent à créer la psychose dans le corps médical qui redoute les effets d’une éventuelle contamination de la population par le virus Ebola. Le Gouvernement doit également faire face au manque  laboratoire spécialisé pour le diagnostic biologique. Tous les prélèvements doivent être acheminés en Europe pour analyse. L’épidémie vient donc mettre à nu la fragilité du système de santé du Burkina Faso.

Germaine BIRBA

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