Le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (Cslp), mis en œuvre dans la période 2000-2010, a présenté un bilan mitigé. La population en grande majorité analphabète est confrontée à la pauvreté, avec 46,7% des Burkinabè vivant en deçà du seuil de pauvreté estimé à 130.735 FCFA. Ces données émanent de l’étude « Analyse des allocations budgétaires appliquées aux secteurs sociaux : éducation (cantines scolaires), santé maternelle et infantile, hygiène et assainissement de 2008-2014 » du Centre d’information, de formation et d’études sur le budget (Cifoeb, mai 2014). Pour remédier aux insuffisances du Cslp, le Burkina Faso s’est doté de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (Scaad) depuis 2011, dont les résultats font ressortir des efforts dans l’amélioration des indicateurs économiques et sociaux. L’étude souligne que malgré tout, le Burkina Faso ne serait pas à mesure d’atteindre les objectifs de l’éradication de la pauvreté extrême, de l’amélioration de l’accès à l’assainissement, de la promotion du genre et de l’équité et de la réduction de la mortalité maternelle et infanto-juvénile d’ici à 2015. Ce ne sont pourtant pas les moyens qui manquent, puisque le budget national a connu une croissance annuelle moyenne de 13,17%, de 2008 à 2014. Aussi, les parts budgétaires allouées à chaque ministère ont également connu des hausses. Alors, qu’est-ce qui explique cette situation ? Le budget du ministère de l’Education en 2014 est en croissance de 24,9% par rapport à 2013. Tandis que celui du ministère de la Santé est en croissance de 21,6% par rapport à 2013, ceux du ministère de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire (Masa) du ministère de l’Eau, des aménagements hydrauliques et de l’assainissement (Meaha) sont en hausse respectivement de 7,6% et 2,7% entre 2013 et 2014. Malgré ces augmentations, le secteur de l’éducation reste confronté à un manque énorme d’infrastructures scolaires (manque de salles de classe, logements pour enseignants, etc.). Le besoin en salles de classe pour l’année scolaire 2013-2014 se chiffrait à 3.000 salles de classe minimum, selon les chiffres de la direction des études et de la planification du ministère de l’Education nationale et de l’alphabétisation (Mena). Cette insuffisance favorise les écoles sous paillotes qui constituent un obstacle d’accès à l’école parce que de nombreux parents refusent d’y inscrire leurs enfants. Par exemple, la région de l’Est occupe 17% du territoire national avec au moins 2 millions d’habitants en 2012. Cette région compte 61 écoles primaires soit 276 classes, et 32 de ces classes (11,60%) sont de simples hangars en paille où élèves et enseignants sont exposés aux aléas climatiques, au manque d’hygiène, aux reptiles, etc. La dotation au secteur de l’eau et de l’assainissement ne permet pas de relever les défis y liés. Au Burkina Faso, seule 1% de la population a accès à l’assainissement (eaux usées et excréta), selon l’étude. Dans les zones rurales, 80% de la population n’ont pas de latrines et défèquent dans la nature. Dans les villes, un ménage sur 10 vit dans de conditions similaires. Ceci engendre chez de nombreuses personnes des maladies diarrhéiques ou le choléra. Ses maladies sont sources de dépenses, mais aussi de pertes en vie humaine; et une étude de la Banque mondiale (mars 2012) estime à 86 milliards de FCFA les pertes engendrées du fait du faible taux d’assainissement. Ces coûts et manques à gagner correspondent aux dépenses sanitaires et à la baisse de la productivité. Le rapport de la Banque mondiale estime aussi à 18.900 le nombre de morts prématurées. Les conséquences qu’engendre ce faible taux d’assainissement jouent sur les résultats du secteur de la santé, surtout que les dotations budgétaires dans ce secteur (15%) restent en deçà des engagements pris par le Burkina Faso à Abuja, c’est-à-dire doter ce secteur d’au moins 15% du budget national. N’est-ce pas pour cela que le Burkina Faso enregistre un taux de mortalité infantile de 141,9 pour 1.000 naissances vivantes ? Les subventions des accouchements, d’un montant de 30,96 milliards de FCFA sur la période 2006-2015, permettront de réduire ce taux de 74,78% d’ici, 2015. Mais à ce niveau, le déblocage tardif des fonds, l’utilisation des subventions à d’autres fins, l’absence de pièces justificatives, la double comptabilisation de certaines dépenses ainsi que la mauvaise tenue des comptabilités doivent être corrigés.
Dandé et Manga, un cas de mal gouvernance
Le rapport du Cifoeb cite un cas de mal gouvernance dans le district sanitaire de Dandé qui a reçu tous les montants en chèques envoyés par la direction des affaires financières du ministère de la Santé, d’un montant de 27.615.621 FCFA pour la période 2008-2010, au titre du budget de l’Etat pour la mise en œuvre des soins préventifs . Le district sanitaire de Dandé a utilisé la somme de 16.653.256 FCFA pour l’achat des intrants des soins préventifs et il se dégage un solde de 10.962.365 FCFA dont on ne retrouve pas les traces d’utilisation. Cette situation a également été observée à Manga, selon le rapport.
Elie KABORE