
Dans un contexte marqué par la quête de la souveraineté politique et économique des pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et sous l’impulsion des activistes panafricanistes, le débat sur la souveraineté monétaire refait surface depuis un certain temps.
La création de l’Alliance des Etats du Sahel, le 16 septembre 2023 est un tournant décisif vers la souveraineté politique des pays membres et relance les débats sur le projet de création d’une nouvelle monnaie pour garantir une souveraineté monétaire de ces Etats.
La double servitude aux plans politique et monétaire, conjuguée avec les sanctions économiques et financières de la CEDEAO sont autant de faits qui poussent la réflexion à une probable création d’une nouvelle monnaie pour fructifier les échanges et garantir une souveraineté économique et monétaire. S’agira-t-il d’une monnaie nationale, de l’ECO-CEDEAO, de l’ECO-UEMOA (changement de nom du FCFA) ou d’une monnaie multinationale de l’Alliance des Etats du Sahel ?
Dans l’hypothèse de la création d’une nouvelle monnaie qui prend en compte les aspirations des autorités et des populations des pays de l’AES, l’on pourrait tenter d’apporter des éléments de réponse à certaines interrogations.S’agira-il d’une union monétaire ou une zone monétaire pour l’AES ? Au regard de la nouvelle dynamique de coopération de l’AES, quelle devise pour le rattachement de la nouvelle monnaie et quel régime de change pour la future monnaie des pays de l’AES ?
- L’option pour l’union monétaire
Il existe quatre (04) unions monétaires dans le monde que sont :l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), l’Union des Caraïbes Orientales (ECCU) et l’Union monétaire européenne (EMU).
Deux arguments majeurs militent en faveur de la création d’une union monétaire à savoir la promotion du commerce et des flux financiers entre pays de l’union et le maintien de la crédibilité de la banque centrale dans sa maîtrise de l’inflation.
Dans une union monétaire, la politique monétaire et de change est commune alors que les situations conjoncturelles peuvent être différentes. C’est présentement le cas de l’UEMOA où les pays du Sahel (le Mali, le Niger et le Burkina Faso) sont confrontés au terrorisme avec son corollaire sur les déficits budgétaires et la crise humanitaire sans précédent.
En outre, ces pays sahéliens qui disposent d’une saison sèche et d’une saison pluvieuse ont des critères qui convergent mieux par rapport à ceux des pays côtiers qui disposent de deux saisons sèches et deux (02) saisons pluvieuses et des débouchés maritimes.
Il serait difficile d’exiger des pays sahéliens et des pays côtiers d’avoir les mêmes critères de convergence macroéconomique qui d’ailleurs, n’ont pas de fondements économiques.
Il convient de noter que les Unions ci-dessus citées n’ont pas le même régime de changes : l’UEMOA et la CEMAC sont dans le rattachement conventionnel, l’Union des Caraïbes Orientales est dans la caisse d’émission tandis que l’Union monétaire européenne est dans le flottement libre.
Au regard des insuffisances constatées avec l’UEMOA et la CEMAC dans le rattachement conventionnel, si l’union monétaire est retenue, l’AES pourrait opter pour la caisse d’émission ou le flottement libre, voire dirigé.
- ’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) est composée du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. L’UEMOA est formée par huit (08) Etats ;
- la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) est composée du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Tchad. La CEMAC est formée par six (06) Etats ;
- l’Union des Caraïbes Orientales (ECCU) est composée de l’Antigua et Barbuda, la Dominique, le Grenade, le Saint-Kitts (ou Christopher) et Nevis, la Sainte-Lucie, le Saint-Vincent et Grenadines. L’ECCU est formée par six (06) Etats plus Anguilla et Montserra ;
- l’Union monétaire européenne (EMU) est composée de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Belgique, du Chypre (2008), de l’Espagne, de la Finlande, de la France, de la Grèce (2001) de l’Italie, de l’Irlande, du Luxembourg, de Malte (2008), des Pays-Bas, du Portugal, de la Slovénie (2007), de la Slovaquie (2009), de l’Estonie (2011), de Lettonie (2014) et de la Lituanie (2015). L’EMU est formée par dix-neuf (19) Etats sur vingt-huit (28) constituant l’Union Européenne.
- L’option pour une zone monétaire
On distingue quatre zones monétaires dans le monde : le Système monétaire européen (SME), la Zone Escudo, la zone Rand et la Zone franc.
- Successeur du Serpent monétaire européen, le Système monétaire européen (SME) a été créé en 1979, après treize mois de dures négociations et reposait sur deux principes : un taux de change fixes (ou cours pivots) et une solidarité entre pays membres ;
- la zone escudo: il s’agit des accords de coopération monétaire entre le Portugal et le Cap-Vert ou Sao Tomé et Principe.Ces accords sont en partie un héritage de la « zone escudo » regroupant le Portugal et son ancien empire colonial. Toutefois, ils ont été établis sur une période récente et en réponse à une dégradation de certains fondamentaux économiques des deux pays (Cap Vert mars 1998 et Sao-Tomé juillet 2009). Ils reposent sur des principessimilaires ;
- la zone rand : cette zone monétaire réunit l’Afrique du Sud, le Lesotho, la Namibie et le Swaziland. Elle se caractérise par l’ancrage des monnaies sur le rand sud-africain, la circulation conjointe du rand et des monnaies nationales, la liberté des changes à l’intérieur de la zone, la Banque Centrale d’Afrique du Sud jouant le rôle de prêteur en dernier ressort des autres banques centrales ;
- la zone franc: Elle regroupe quatorze (14) pays dont huit (08) pays de l’UEMOA et six (06) pays de la CEMAC. Elle repose sur un système notamment une assurance, une conditionnalité ex-ante et un soutien aux unions monétaires.
Les principes du système monétaire européen sont :
- des taux de change fixes (ou cours pivots) entre pays participant au système, marges de fluctuations initialement de plus et moins 2,25%, élargies à +/- 15% en 1993. Les cours pivots pouvaient être modifiés par accord mutuel ;
- la solidarité entre pays membres : mise en commun partielle des réserves de change, chaque banque centrale apportant au Fonds européen de coopération monétaire (FECOM), 20% de ses avoirs en or et en devises en échange d’ECU (Unité Monétaire Européenne) et mécanismes de crédit automatique à court terme et conditionnel à moyen terme.
- le MCE 2 (Mécanisme de Change Européen) a pris la suite, destiné aux pays n’ayant pas encore adhéré à l’UME à partir de 1999 ; il repose sur les mêmes principes. Toutefois, les marges sont étroites.
A l’heure actuelle, seul le Danemark participe au SME 2, mais tous les pays de l’Union européenne hors zone euro ont vocation à y participer (sauf le Royaume Uni même avant le BREXIT)
Les principes de la zone escudo sont :
- une parité fixe : 110,27 escudo cap-verdien (CVE) pour 1 euro et 24 500 dobras pour 1 euro ;
- la possibilité pour ces pays, de recourir à une ligne de crédit limitée auprès des autorités portugaises (27,4 millions d’euros pour le Cap Vert et 25 millions d’euros dans le cas de Sao Tomé et Principe), afin de renforcer les réserves de change de ces pays et de leur permettre de financer leurs importations et/ou le service de leur dette extérieure ;
- En contrepartie, l’engagement de ces pays à mettre en œuvre des mesures de politique économique compatibles avec la sauvegarde des parités fixes retenues ;
- la mise en place, pour chacun de ces accords, d’une commission d’experts réunissant les représentants des autorités parties à l’accord, chargée de l’exécution de l’accord et du suivi de la situation macroéconomique du pays bénéficiaire.
Au cas où l’AES souhaiterait rester dans la zone « franc » avec sa nouvelle monnaie, plusieurs changements sont possibles :
- le changement du nom de la zone « franc » qui va regrouper en plus de l’UEMOA (sans les pays de l’AES), la CEMAC et l’AES ;
- l’abandon du compte d’opérations et la représentation de la France dans les conseils d’administration ;
- la flexibilité du taux de change ;
- la suppression de l’exigence d’unanimité pour un changement de parité ;
- l’abandon du change fixe, ce qui signifie aussi abandon de souveraineté car le choix du niveau du taux de change ne serait plus de la responsabilité des Etats mais des banques centrales ( BCEAO, BEAC, banque centrale de l’AES) ;
- la création de marges et le changement de l’ancrage : un panier de monnaies qui prend en compte la nouvelle dynamique de coopération.
Les zones monétaires ont essentiellement trois (03) caractéristiques : la parité fixe entre les monnaies de la zone ; l’accord de coopération monétaire prévoyant une mise en commun partielle ou totale des réserves extérieures et éventuellement une plus grande liberté des changes à l’intérieur de la zone (ce qui n’est pas le cas dans la Zone franc).
Il convient de remarquer que la France, le Portugal et l’Afrique du Sud sont des prêteurs en dernier ressort (PDR) respectivement des zones monétaires Franc, Escudo et Rand.
Un prêteur de dernier ressort est une institution généralement une Banque centrale qui fournit des liquidités d’urgence aux Banques commerciales en difficultés lorsque celles-ci ne peuvent plus se financer sur le marché interbancaire, garantissant ainsi la stabilité du système financier face aux crises de liquidités et de paniques bancaires. Ce rôle assure que les banques solvables mais temporairement à cout de fonds puissent obtenir l’argent nécessaire pour leurs opérations courantes souvent avec des garanties moins exigeantes et à un taux plus élevé.
Une zone monétaire qui va regrouper les unions monétaires, l’UEMOA (sans le Burkina Faso, le Mali et le Niger), la CEMAC et l’AES, pourrait être envisagée, avec en ligne de mire, les changements ci-dessus énumérés.
Par contre, une zone monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel où chaque pays dispose de sa monnaie n’est envisageable que lorsque ces Etats décident de trouver une puissance économique étrangère qui sera le prêteur de dernier ressort car ni le Burkina Faso, ni le Mali ou le Niger ne peut jouer un rôle de prêteur en dernier ressort. En outre, étant donné les crises multidimensionnelles que traversent ces pays, il n’est pas évident que des monnaies nationales puissent résister.
L’une des conséquences immédiates est l’inflation galopante qui pourrait conduire à la dollarisation des économies de ces pays.
La « Dollarisation » est utilisé pour l’usage d’une devise (ou monnaie étrangère), qui n’est pas toujours le dollar, à la place d’une monnaie nationale. La dollarisation intégrale est souvent l’aboutissement du processus de disparition de la monnaie nationale (expérience de l’Equateur, Salvador et Zimbabwe). Les politiques monétaires et du taux de change, comme instruments de la politique macroéconomique et le seigneuriage disparaissent.
Le seigneuriage est l’avantage financier direct qui découle, pour l’émetteur, de l’émission d’une monnaie. Dans le cas de la monnaie fiduciaire, émise seulement par la banque centrale, il est égal au montant émis moins ses coûts de fabrication, de mise en circulation et d’entretien.
Il existe deux types de dollarisation : la dollarisation partielle et la dollarisation intégrale.
La dollarisation partielle concerne un grand nombre de pays ayant connu une occupation étrangère et/ou une forte inflation. Les dix (10) pays les plus « dollarisés » sont en Asie de l’Est (le Cambodge et le Laos), en Europe (l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Croatie et la Géorgie), en Afrique (l’Angola) et en Amérique latine (la Bolivie, le Nicaragua et l’Uruguay). Elle peut être réprimée, tolérée ou officialisée. Elle réduit l’efficacité de la politique monétaire et comporte un risque d’instabilité monétaire ;
La dollarisation intégrale : selon le FMI, treize (13) pays au monde sont présentement sans monnaie propre.
Sept (07) pays utilisent le dollar américain : l’Equateur, le Salvador, les Iles Marshall, la Micronésie, le Belau (ou Palau), le Panama et le Timor ; trois (03) pays utilisent l’euro : le Kosovo, le Monténégro et le Saint-Marin (+ le Vatican, Andorre et Monaco) ; trois (03) pays utilisent le dollar australien : le Kiribati, le Tuvalu et le Nauru.
Il y a un cas particulier en Afrique, le Zimbabwe qui utilise le Rand et le dollar dans son économie.
- Quelle devise pour l’ancrage de la nouvelle monnaie de l’AES
Il existe deux modes de rattachement : le rattachement de la monnaie à une devise et le rattachement à plusieurs devises connues sous le nom de « panier de devises ».
Le choix de la devise de rattachement est fonction des partenaires commerciaux.
Tenant compte des principaux partenaires commerciaux de l’AES, on a deux options :
- le rattachement de la nouvelle monnaie à une devise : au regard des principaux partenaires de l’AES et dans la perspective de la nouvelle dynamique de coopération, il serait judicieux qu’elle soit rattachée à la future monnaie des BRICS. D’où la double incertitude : incertitude pour la future monnaie des BRICS et incertitude pour la nouvelle monnaie de l’AES qui ne sont pas encore créées. L’avantage du rattachement à une devise est la stabilité du cours de change vis-à-vis de la monnaie de rattachement et de celles qui lui sont rattachées ;
- le rattachement à un panier de monnaies : tenant compte des principaux partenaires de l’AES, le Yuan, le Rouble, le Roupie, l’euro et le dollar sont potentiellement les devises de rattachement de la nouvelle monnaie.
Elles pourraient être regroupées en trois devises : la future monnaie BRICS, l’euro et le dollar américain. L’avantage du rattachement à un panier de monnaies est la stabilité du taux de change moyen (taux de change effectif nominal).
Neuf pays au monde pratiquent actuellement le rattachement à un panier de monnaies auxquels on ajoute Tonga, Samoa et Iles Salomon. Le panier de monnaies est le plus souvent spécifique ou peut être le Droit de tirages spéciaux (DTS) du FMI (cas de la Libye). Le rattachement à une devise est donc le plus fréquent avec rattachement généralement au dollar ou à l’euro.
Dans la perspective de la création d’une zone monétaire de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), il n’y aura pas de prêteur en dernier ressort, à l’absence d’une puissance économique étrangère. Mais l’expérience de la coopération avec la France pourrait servir de boussole pour éviter de tomber dans les mêmes pièges en matière d’accords de coopération monétaire.
- Quel régime de change pour la future monnaie de l’AES
Le choix du régime de change dépend du statut de la monnaie. Il existe trois cas de figure : la monnaie nationale, la monnaie multinationale (union monétaire) et la dollarisation de l’économie.
Le Fonds Monétaire International distingue dix catégories de régimes de change auxquelles sont associés divers indicateurs de politique monétaire. Il s’agit notamment des catégories suivantes :
- l’utilisation d’une monnaie étrangère (dollarisation) ;
- la Caisse d’émission (cas de l’Union des Caraïbes Orientales) ;
- le rattachement conventionnel (cas de l’UEMOA et de la CEMAC) ;
- le Système de stabilisation ;
- la parité mobile ;
- la quasi parité mobile ;
- le rattachement avec bandes horizontales ;
- l’autre système de gestion (catégorie résiduelle) ;
- le flottement ;
- le flottement libre (cas del’Union monétaire européen).
Ces dix catégories de taux de change sont regroupées dans le cadre d’une classification binaire : change fixe et change flottant.
Le taux de change fixeest le cas où un cours officiel de la monnaie est annoncé, appelé traditionnellement parité de la monnaie. Il y a « ancrage de la monnaie » sur une devise ou éventuellement sur plusieurs devises (panier de monnaies). Le taux de change flottant est le cas où il n’y a pas de cours officiel de la monnaie mais seulement un cours de marché.
Le FMI recense, au 30 avril 2017, 92 pays dont le taux de change est « déterminé par une action officielle » soit un taux de change fixe, 69 pays avec flottement dont le taux de change est déterminé par le marché et 18 pays qui constituent une catégorie résiduelle, dont la nature effective des régimes est incertaine selon le FMI.
Depuis 1998, le FMI classe les pays en fonction de leur régime de fait (de facto) et non de droit (de jure). Cela revient à reclasser en change fixe des pays qui se déclarent en flottement. Ils sont toutefois classés dans des sous-rubriques à part, que sont la catégorie 4 « système de stabilisation » (stabilized arrangement) qui concerne 24 pays en 2017 et la catégorie 6 « quasi parité mobile » (crawl-like arrangement) concernant 10 pays, soit 34 en tout, contre 28 en 2016.
Ce classement de facto dépend de la stabilité du taux de change et de la variabilité des réserves de changes. Pour 18 pays sur 179 pays (hors pays en dollarisation intégrale), le FMI reste incertain (cf. catégorie 8 « résiduelle »).
Le choix entre le change fixe et le change flottant réside sur les priorités qui sont différentes :
- le change fixe en optant pour un ancrage de la monnaie sur une autre devise, poursuit deux objectifs majeurs : favoriser le commerce avec l’extérieur et la stabilité monétaire ;
- le change flottant est une adaptation automatique du taux de change aux déséquilibres de la balance des paiements.
Le contexte de la politique monétaire est différent en raison des caractéristiques des deux régimes.
Dans le régime de change fixe, le cours de change peut-être « administré » ou « de marché ». Lorsqu’il existe un cours de marché, il y a des interventions obligatoires de la banque centrale sur le marché des changes. En outre, il existe une relation automatique entre la variation de la masse monétaire et le solde de la balance des paiements en régime de change fixe. Par exemple, un excédent de la balance des paiements entraine une expansion de la masse monétaire, tandis qu’un déficit de la balance des paiements entraine une réduction de la masse monétaire.
Dans un régime de change fixe, il est difficile d’avoir une politique monétaire indépendante et une mobilité parfaite des capitaux. Cette incompatibilité est connue sous le nom de triangle d’incompatibilité de Mundell. L’UEMOA et la CEMAC appliquent le régime de change fixe qui leur prive d’un instrument de politique commerciale.
Dans un régime de change flottant, les variations dépendent des modalités du régime que sont :
- les conditions de modifications de la parité ;
- le mode de rattachement à une ou plusieurs devises ;
- la dimension des marges d’intervention de la banque centrale sur le marché des changes.
Ces trois facteurs de variation se combinent.
L’Union monétaire serait la meilleure option pour l’AES à cause de la mutualisation des risques qui permettent la viabilité de la monnaie commune. Il convient de rappeler que les Unions (EMU, UEMOA, CEMAC, ECCU) n’ont pas le même régime de change. L’UEMOA et la CEMAC sont dans le rattachement conventionnel, l’Union des Caraïbes Orientales(ECCU) est dans la caisse d’émission tandis que l’Union monétaire européen (EMU) est dans le flottement libre.
Si l’UEMOA avec son régime de change fixe n’a pas permis aux pays membres d’atteindre les objectifs de développement et dans l’hypothèse de l’option d’une union monétaire de l’AES, alors il pourrait être judicieux d’expérimenter un nouveau régime de change : caisse d’émission ou flottement libre.
Chaque option a ses avantages et ses inconvénients.
Les caractéristiques d’une caisse d’émission sont la parité fixe vis-à-vis d’une devise, considérée comme inamovible et la monnaie centrale est émise seulement en contrepartie de l’achat de devises.Onze pays dans le monde appliquent la caisse d’émission dont six pays de l’Union des Caraïbes Orientales (rattachement au dollar américain), le Djibouti, Hongkong (dollar américain), la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie (euro), le Brunei Darussalam (dollar de Singapour).
Les avantage de la caisse d’émissionsont la forte crédibilité de la parité et la stabilité de la valeur de la monnaie. Les inconvénients portent sur le risque de déflation et de crise bancaire en l’absence de crédit de la Banque centrale aux banques commerciales. En outre, la modification de la parité est impossible sauf en cas de changement de régime.
Le flottement libre est beaucoup adapté aux pays développés à cause de la crainte de ne pouvoir défendre la parité. La triste expérience du Nigéria qui, suite à la baisse importante du prix du pétrole, a connu trois (03) changements de régime de change en une année notamment en 2016, en est une illustration parfaite.
Toutefois, tenant compte des principaux partenaires commerciaux de l’AES en Afrique et au regard du faible niveau des échanges intracommunautaires au sein de l’UEMOA (autour de 15% PIB par an[1]), une union monétaire pourrait ne pas trop impulser les échanges commerciaux entre les pays de l’AES qui ont des tendances économiques similaires, alors qu’elle engendrerait des coûts de transactions avec les partenaires traditionnels. D’où l’intérêt d’être prudent et d’approfondir les réflexions et les réformes avant toute initiative de création d’une nouvelle monnaie de l’Alliance des Etats du Sahel.
1] Rapport de surveillance multilatérale de l’UEMOA.
KAMBOU BERNABE OLLO, Economiste senior, Spécialiste en gestion de politiques économiques dans les pays en développement et en Transition, Ancien Chef de Département de l’Orientation Economique des Finances et de la Conjoncture, Coordonnateur de l’Observatoire Economique et Social.
Chevalier de l’Ordre de l’Etalon.
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