
• De nouvelles entités et des réformes de gouvernance en toile de fond
• Focus sur les résultats 2024
• Suivi des recommandations : entre encouragements et rappels à l’ordre
Avec un chiffre d’affaires cumulé atteignant 3.090,03 milliards FCFA en 2024, contre 1.910,74 milliards FCFA en 2023, soit une hausse de 61,72%, les Sociétés d’État du Burkina Faso affichent des performances exceptionnelles pour l’exercice écoulé. 19 sur 21 entreprises ont dégagé un résultat net positif, contribuant à un résultat net global de 120,38 milliards FCFA, en progression de 24,07% par rapport à 2023. Ces chiffres ont été dévoilés, lors de la 33e session de l’Assemblée générale des Sociétés d’État (AG-SE), tenue à Ouagadougou, le 26 juin 2025, sous la présidence du Premier ministre, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo. À l’ouverture des travaux, il a déclaré : « Cette session est une instance de reddition de comptes sur la gestion des entreprises publiques pour l’exercice 2024. Elle s’aligne pleinement sur la volonté du gouvernement d’instaurer une gouvernance publique transparente, rigoureuse et orientée résultats ». L’AG-SE, instituée depuis 1993, constitue, en effet, un cadre unique d’évaluation annuelle des entreprises publiques. Elle permet non seulement de passer en revue les états financiers, mais également de mesurer l’efficacité des politiques publiques portées par ces structures, devenues des leviers importants de développement national et des instruments de la souveraineté économique prônée par les autorités du pays.
De nouvelles entités et des réformes de gouvernance en toile de fond
L’édition 2025 de l’AG-SE a été marquée par l’intégration de six nouvelles Sociétés d’État créées dans le cadre de la refondation de l’État : le Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA), Faso Transit et Logistique (FTL), la Société de participation minière du Burkina (SOPAMIB), FASO GUULGO, FASO KOSSAM et FASO YAAR. Ces entités interviennent dans des secteurs jugés stratégiques par le gouvernement tels que la logistique, les mines, l’agroalimentaire ou encore la commercialisation.
Mais au-delà des créations, le gouvernement a engagé une réforme profonde du mode de gouvernance des Sociétés d’État. Quatre décrets ont été adoptés pour encadrer les rémunérations et avantages des Directeurs généraux, des membres des Conseils d’administration et du personnel. L’objectif affiché est clair : réduire le train de vie de l’État, rétablir l’équité dans l’allocation des ressources publiques et accroître la redevabilité des dirigeants.
Une performance due aux réformes ? Focus sur les résultats 2024
La forte progression du chiffre d’affaires global et du résultat net soulève une interrogation : les réformes structurelles engagées ont-elles commencé à porter leurs fruits ? La tendance semble le suggérer. Parmi les Sociétés les plus performantes, la SONABHY a vu son chiffre d’affaires augmenter de 120,02 milliards FCFA entre 2023 et 2024, et son résultat net a progressé de plus de 9 milliards. De son côté, la SONABEL a enregistré une hausse de 15,42 milliards FCFA sur son chiffre d’affaires annuel. L’intégration de nouvelles Sociétés comme la CAMEG, la SOBIMAP et la SONASP a également contribué à renforcer la dynamique de croissance.
La contribution directe des Sociétés d’État au Budget national s’élève à 595,31 milliards FCFA, soit 19,72% des recettes de l’État en 2024. Ce chiffre est en légère hausse par rapport à 2023 (+6,27 milliards), bien que sa part relative ait légèrement baissé (21,86% en 2023). Par ailleurs, ces entités ont versé 2,48 milliards FCFA au Fonds de soutien patriotique (FSP), en réponse à la crise sécuritaire, avec en tête la SONABHY (1,18 milliard FCFA).
Les Établissements publics de prévoyance sociale (EPPS) ne sont pas en reste. En 2024, leur total produit consolidé a atteint 396,06 milliards FCFA, en progression de 12,16%. Leur excédent de gestion cumulé est passé de 183,6 milliards à 212,6 milliards FCFA, et leur contribution au budget de l’État a légèrement progressé à 2,51 milliards FCFA. Les actions citoyennes sont également au rendez-vous, notamment, via la CNSS et la CNAMU, qui ont versé ensemble 299,56 millions FCFA au FSP.
Pour le Premier ministre, ce n’est pas le moment de se reposer sur ses lauriers. « Je vous invite à redoubler d’efforts et à initier des projets innovants qui renforceront l’impact de nos entreprises publiques dans la réalisation des ambitions nationales », a-t-il exhorté.
ESS
Redevabilité : entre encouragements et rappels à l’ordre
L’AG-SE n’est pas seulement un cadre de valorisation des performances : elle est aussi une instance de contrôle et de reddition de comptes. À ce titre, plusieurs résolutions ont été adoptées ou reconduites, notamment, celles concernant l’approbation des états financiers, le versement des primes de bilan, la digitalisation, ou encore la formalisation de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Mais toutes les entreprises ne sont pas au même niveau. En ce qui concerne les primes de bilan, la SEPB, la SOGEMAB, la SONATER et le BUMIGEB ne les ont pas versées, en raison de résultats déficitaires ou de comptes non approuvés. Du côté des dividendes, treize Sociétés d’État les ont versés conformément aux résolutions, mais la SBT fait état de difficultés financières qui freinent l’exécution, tandis que la SEPB, la SOGEMAB et la SONATER ne sont pas concernées, en raison de reports à nouveau déficitaires. À noter également que la digitalisation et la mise en œuvre des recommandations des audits internes et externes sont toujours en cours dans plusieurs entités, ce qui souligne l’ampleur du chantier restant pour consolider les acquis.
Ce bilan en demi-teinte montre que les réformes engagées commencent à produire des effets mesurables, mais que leur appropriation reste inégale. Alors que certaines Sociétés s’illustrent par leur résilience et leur efficacité, d’autres peinent encore à se hisser aux standards attendus. L’AG-SE reste plus que jamais un baromètre stratégique pour jauger la santé financière et le sérieux des acteurs publics engagés dans la quête d’une économie souveraine.