Economie

Fraude d’hydrocarbures: du carburant de plus de 7 milliards FCFA indûment servi

• A 13 unités industrielles, en seulement quatre ans

• Les marketeurs pointés du doigt

• Des mesures conservatoires et des recommandations prises

33.974.204 litres. Vous avez bien lu, près de 34 millions de litres. C’est la quantité d’hydrocarbures frauduleusement servis à des entreprises qui n’en avaient pas du tout droit, sur la période de 2020 à 2024 au Burkina Faso. Une fraude évaluée à 7.710.894.851 FCFA. Ces chiffres ont été révélés par la Coordination nationale de lutte contre la fraude (CNLF), lors d’une conférence de presse qu’elle a animée le 3 juin 2025, à Ouagadougou.
Selon le Coordonnateur de la CNLF, Yves Kafando, 13 personnes morales sont épinglées. Ces personnes (elles n’ont pas été nommément citées, Ndlr) évoluent dans différents secteurs : des industriels, des opérateurs de carrières, des sociétés minières et des entreprises exerçant dans le BTP. « Tous les treize étaient fautifs vis-à-vis de la règlementation », a-t-il dit.
Pour découvrir ces irrégularités, la CNLF a dû mener « un travail rétrospectif mais aussi prospectif ». Les investigations ont porté sur les transactions relatives au mouvement d’hydrocarbures entre la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (Sonabhy) et les différentes destinations, via les marketeurs officiels. « Nos conclusions sur la base des éléments recueillis indiquent une vaste opération de fraude, une véritable escroquerie à ciel ouvert, dont les auteurs ne sont que les marketeurs de certaines sociétés de distribution de carburant », a indiqué Yves Kafando.
Selon les explications du Coordonnateur de la CNLF, ces marketeurs, « en véritables caïds du marché », ont établi un système de détournement de la destination première des hydrocarbures qu’ils achètent auprès de la nationale des hydrocarbures, à coût subventionné par l’État, pour les revendre auprès des industriels et des entreprises. En fait, les gros consommateurs ci-dessus cités sont exclus du droit de consommation du carburant subventionné, celui-ci étant exclusivement destiné à la consommation des ménages et des populations dans les stations-service.
Le montant de plus de 7 milliards FCFA que représente cette fraude est évalué sur la base de la différence des prix du carburant subventionné et celui qui ne l’est pas. A titre d’exemple, le gasoil subventionné est acheté à 613FCFA à la SONABHY, tandis que le même produit non subventionné est cédé à 1150 F CFA pour les gros consommateurs.
Si la responsabilité des marketeurs est engagée, c’est parce qu’ils ont le monopole de l’enlèvement du carburant à la SONABHY. A contrario, la CNLF estime que cette responsabilité ne saurait être partagée par la SONABHY, l’enlèvement du carburant se faisant sur la bonne foi du marketeur. « La SONABHY n’a pas les moyens de les pister après l’enlèvement du carburant ».
Pour la CNLF, la faute des marketeurs est double : « En plus du changement de destination, qui constitue déjà une entorse à la législation en vigueur, ces manœuvres constituent, à nos yeux, un montage systémique, faisant perdre à l’État non seulement des devises, mais aussi ses efforts dans sa politique de redistribution des fruits de la croissance, à travers la subvention du carburant pour les populations », a estimé Yves Kafando.
L’avis de la CNLF est qu’il y a matière à stopper cette fuite de capitaux en punissant non seulement les auteurs, mais aussi en prenant des mesures drastiques. C’est pour cela que dans l’immédiat et à titre conservatoire, la structure a procédé à la fermeture des sites de plusieurs carrières et des unités industrielles. Et ce, non sans avoir dénoncé « ces manœuvres dilatoires » des marketeurs auprès de l’autorité compétente, foi du Coordonnateur Yves Kafando. Ces mesures conservatoires de la CNLF sont assorties de recommandations. L’une d’elle, selon le coordonnateur, consiste à faire en sorte que les entreprises et sociétés exclues de la consommation de carburant subventionné se ravitaillent directement auprès de la SONABHY. Et cela, à charge pour les contrôleurs de vérifier l’authenticité des documents attestant la provenance et la destination des produits ainsi acquis.
Béranger KABRE (Collaborateur)

Encadré

Des actions récurrentes de la CNLF qui révèlent l’ampleur de la fraude

La récurrence de saisies de produits et des découvertes de pratiques frauduleuses par la CNLF peut être révélatrice de l’ampleur de ce fléau qui gangrène l’économie burkinabè. Depuis le début de l’année 2025, pas moins de 4 saisies d’envergure ont été révélées. Déjà, en février, 45 tonnes d’herbicides d’une valeur marchande de plus de 163 millions FCFA ont été saisies dans l’Ouest du Burkina. En mars, les services de la CNLF ont mis la main sur 473 tonnes de pâtes alimentaires prohibées d’une valeur d’un peu plus de 189 millions FCFA. En avril, 880 sacs de cyanure estimés à 154 millions FCFA avaient également connu le même sort. o

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