
• Trop de mesures incitatives aux sociétés minières
• Opacité sur les opérations et actes de gestion
• La constitution de réserve nationale d’or demandée

Comment contribuer à une meilleure gouvernance financière du secteur minier burkinabè ? Pour apporter des solutions efficaces et efficientes, afin que les retombées économiques profitent au pays, la Cour des comptes a mené un audit sur les flux financiers illicites (FFI) sur la période de 2017 à 2023. Les conclusions de ce rapport d’audit ont fait l’objet d’une conférence de presse le jeudi 3 avril 2025, à Ouagadougou. Le premier président de la Cour des comptes, Latin Poda, a souligné que l’audit réalisé entrait dans le cadre d’une initiative internationale décidée dans le cadre de l’Organisation africaine des institutions supérieures de contrôle (AFROSAT) visant à identifier les circuits potentiels des FFI au sein des Etats membres. A en croire Latin Poda, cet audit se révèle nécessaire, car il a permis de mettre en lumière des avancées significatives, mais aussi des défis et insuffisances qui méritent une attention particulière dans le cadre de la gouvernance minière. Le premier président de la Cour des comptes a invité tous les acteurs du secteur minier à une amélioration continue de la gestion des fonds publics et au renforcement de la culture de la reddition des comptes. Sur le volet juridique, plusieurs manquements sont constatés, révèle le chef de l’équipe de l’audit, conseillère à la Cour des comptes, Sara Bazié. Elle mentionne que le système d’octroi et de renouvellement des permis est peu transparent et souligne une faible accessibilité à l’information sur les opérations et actes de gestion et un contrôle de l’exactitude des déclarations des revenus insuffisant. Elle note aussi un environnement de contrôle moyennement maîtrisé, une législation sur la criminalisation de l’enrichissement illicite effective mais à parfaire.

Aussi, dit-elle, l’Etat burkinabè y accorde des mesures incitatives trop généreuses aux sociétés minières. A titre d’exemple, une législation sur les prix de transfert à renforcer, un régime d’extension peu maîtrisé et des droits de préemption de l’Etat peu encadrés et pas appliqués.
Sur le volet capacités institutionnelles et opérationnelles, particulièrement sur les dispositifs de captation optimale des revenus miniers, l’audit note un dispositif de contrôle des quantités et spécifications techniques défaillant, un suivi contrôle de l’activité extractive insuffisamment clarifié et assuré et des capacités techniques et opérationnelles à renforcer. Au niveau des structures spécifiques de lutte contre les FFI, Sara Bazié mentionne que des structures de contrôle et de renseignement telles que l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat (ASCE) et la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) doivent davantage jouer leur partition, et les pôles judiciaires spécialisés à dynamiser. Elle rappelle que l’échange d’informations fiscales, douanières et financières automatique n’est pas totalement effectif, sans oublier que les mécanismes de recouvrement des avoirs distraits sont faiblement mis en œuvre.
L’audit sur les FFI a aussi mis le curseur sur la liquidation et le recouvrement des droits et taxes, où le rapport constate la non-fiabilité des bases de liquidation, la liquidation partielle et le recouvrement tardif des redevances proportionnelles ou royalties, la non-maîtrise des périodes d’affinage de l’or et de sa livraison à la société propriétaire et le non-versement du dividende prioritaire à l’Etat par la plupart des sociétés. Sur la situation des sanctions appliquées aux mauvais payeurs, le même rapport d’audit relève une application effective des pénalités et amendes fiscales sanctionnant les infractions. Toutefois, le document regrette que pour les cas de versement de droits après le délai de soixante jours impartis et à la suite d’une mise en demeure adressée au défaillant, aucune sanction autre que pécuniaire n’a été infligée sur la période de 2018 à 2022. En rappel, cette conférence a été organisée en marge de la 2e édition des Journées d’engagement patriotique et de participation citoyenne, placée sous le signe de l’ordre et de la discipline.
Ambéternifa Crépin SOMDA
Encadré
Principales recommandations
Le développement de l’expertise nationale ;
Le renforcement du suivi, de la surveillance et la responsabilisation accrue des acteurs ;
La rationalisation de la dépense fiscale ;
Le renforcement de la coopération internationale en matière de lutte contre les FFI ;
L’élaboration d’une cartographie des risques de FFI dans le secteur minier et la formulation d’une stratégie appropriée de maîtrise des risques identifiés;
Le renforcement de la législation en matière de prix de transfert ;
La dématérialisation des procédures et l’intégration des systèmes d’information;
La constitution de réserve nationale d’or.