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FBDES: «Les priorités de financement vont varier en fonction de la vision des autorités» Nour Ahmadé Guenda, Directeur Général

• 50 milliards FCFA à recouvrer depuis sa création en 1975

• 10 milliards FCFA injectés pour les projets en 2024

• 50 millions à 3 milliards FCFA par projet

Pour impulser une nouvelle vision et une nouvelle dynamique au Fonds Burkinabè de Développement Economique et Social (FBDES), les autorités actuelles ont fait appel en Janvier 2024 à un auditeur expérimenté en la personne de Nour Ahmadé Guenda. Mission principale assignée, recouvrer les 50 milliards FCFA non encore perçus auprès des bénéficiaires. Mission qu’il accomplit avec volonté, puisqu’au titre de 2024, il a déjà recouvré un montant de 4,5 milliards FCFA et a réussi à injecter plus de 10 milliards FCFA auprès des porteurs de projets. Ces révélations ont été faites par le directeur général au cours du Café de l’Économiste, le mardi 24 Décembre 2024 à Ouagadougou. Il est aussi revenu sur le volume des financements qui vont de 50 millions à 3 milliards FCFA par projet économiquement viable et socialement rentable. Le FBDES a investi dans l’usine de tomate de Yako et d’autres entités industrielles. La perspective est de consolider ses acquis et célébrer ses 50 ans d’existence en 2025. Lisez plutôt !

L’Économiste du Faso : vous êtes depuis Février 2024 à la tête du Fonds Burkinabè de Développement Economique et Social (FBDES). A votre arrivée, quelles étaient vos missions ? Et comment se déroule votre mandat ? 
DG Nour Ahmadé Guenda : Tout d’abord, je vous remercie pour l’intérêt que vous avez porté à la structure d’accompagnement des PME-PMI, qui est le Fonds Burkinabè de Développement Economique et Social. Effectivement, en Janvier 2024, les autorités ont bien voulu me confier la responsabilité de cette structure. Et depuis le 5 Février 2024, j’ai pris service à la tête du FBDES. Dans ma lettre de mission, je dois d’abord consolider les acquis du Fonds et accompagner les projets structurants au plan social et économique. Parce que vous savez que le plus important au niveau du Fonds, ce n’est pas la rentabilité financière seulement, mais c’est aussi la rentabilité économique et la rentabilité sociale. Le deuxième point de ma lettre de mission, c’est au niveau du recouvrement. L’Etat burkinabè a voulu que nous puissions maximiser le recouvrement, parce qu’il faut assez de ressources pour pouvoir accompagner les structures. A la tête de cette structure depuis Février, tout se passe bien, et jusque-là on n›a pas de difficultés, parce que nous avons eu aussi l›accompagnement de l›ensemble des collaborateurs du FBDES.

Le DG du FBDES en compagnie de l’équipe de l’Economiste du Faso
pendant l’interview.

Restons justement sur le recouvrement, parce que c’est une plaie qui gangrène pratiquement tous les fonds publics. Quels sont les mécanismes que vous avez pu mettre en place pour rentrer dans vos fonds ? 
Effectivement, c’est une des faiblesses de beaucoup de fonds. Cela s’explique aussi un peu par l’histoire politique de notre pays et beaucoup d’acteurs ont pensé que ces fonds étaient des fonds donnés gratuitement.  Quand nous avons voulu approcher certains pour comprendre pourquoi il n’y a pas de remboursement, ils nous ont clairement dit que c’était des fonds qui leur avaient été alloués pour les remercier pour leurs activités politiques. Mais aujourd’hui, la mesure, c’est de travailler à sensibiliser ces personnes en leur faisant comprendre que les finances publiques, ce sont des fonds qui appartiennent à l’ensemble des Burkinabé, et qu’au niveau du recouvrement, les délais de recouvrement peuvent être très longs certes, mais il sera effectif. A titre d’exemple dans l’histoire du Burkina Faso, vous avez vu à une certaine période les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR), où on est revenu sur des gestions lointaines pour demander des comptes à certains Burkinabé.
Nos créanciers, pendant leur décharge, on leur a fait comprendre peut- être que ce sont des fonds politiques ou gratuits, mais aujourd’hui, nous sommes dans la dynamique de leur faire comprendre que ces fonds ne sont pas mis gratuitement à leur disposition, mais qu’ils doivent les rembourser. Nous travaillons surtout à la sensibilisation, et dès notre prise de service, des campagnes de sensibilisation et des campagnes de recouvrement spéciales ont été menées. Nous misons sur les deux approches de recouvrement pour permettre au Fonds de récupérer son argent.

Depuis la date de création du FBDES jusqu’à la date d›aujourd›hui, quel est le point de recouvrement ? 
Nous avons un point des montants non encore recouvrés et qui sont encore entre les mains de certains porteurs de projets. Ceci est estimé autour d’une cinquantaine de milliards FCFA pour ceux qui sont échus et chaque année, nous planifions pour pouvoir les recouvrer.
Pour l’année 2024, la planification initiale, c’est de pouvoir recouvrer 7 milliards FCFA, mais aujourd’hui la tendance tourne autour de 4,5 milliards FCA de recouvré, pour l’année 2024. Donc il y a des efforts qui sont faits, il y a aussi des réalités économiques dont il faut tenir compte dans le cadre du recouvrement afin de maintenir le tissu économique stable.

Et pour ce qui est de l’autre volet de votre mission, à savoir le financement des projets structurants. Quel est le montant dont vous disposez pour financer ces projets, et quel est le nombre de projets qui ont été sélectionnés pour être soutenus depuis votre arrivée ? 
Depuis notre arrivée, nous avons pu bénéficier de deux types de financement pour pouvoir accompagner ces projets. Il y a la subvention de l’État. Cette subvention tourne autour de 3 milliards FCFA actuellement et nous travaillons à l’arrondir à 5 milliards FCFA. La subvention est complétée par les fonds issus du remboursement des prêts. En tout, nous avons environ 10 milliards FCFA que nous avons mis à la disposition de plusieurs projets pour l’année 2024. Il faut noter que nous avons pu faire des prises de participation dans les capitales de plusieurs structures. Nous avons aussi pu accompagner des structures dans leurs investissements à travers des crédits d’investissement. Nous avons aussi pu accompagner des structures en mettant des fonds à leurs dispositions, ce qu’on appelle les comptes courants d’associés, où ils permettent d’avoir une surface financière assez large. Et nous avons aussi pu accorder notre garantie à certaines structures pour qu’elles puissent aller vers des structures et avoir des fonds pour leurs activités. C’est environ 10 milliards FCFA que nous avons mis au cours de l’année 2024.

Quel est le nombre de projets que vous avez financés sur le terrain ? 
Il y a deux types de projets que nous avons financés. Il y a des projets qui sont des renforcements des capacités, c’est-à-dire que le projet existe et a besoin de renforcement.  Nous sommes allés voir ces projets pour comprendre leurs difficultés d’une part et d’autre part comprendre le besoin d’accompagnement du Fonds. C’est un exercice qui nous permet de juger l’effet d’entrainement d’un projet, sa capacité à donner de l’emploi à beaucoup de personnes… aussi faire siéger le personnel du Fonds dans le Conseil d’administration de ces structures pour mieux les encadrer.
L’autre type de financement a touché des projets qui sont en instance pour le moment, qui n’existent pas sur le terrain, qui doivent naître. Dans ce cas de figure, nous donnons les ressources mais pas en intégralité. Le financement est décaissé par tranche et par réalisation. Les équipes de suivi constatent l’évolution jusqu’à la réalisation du projet.  Il y a donc ceux qui demandent un renforcement et il y a les projets en maturation.

Quel est le profil des porteurs du projet ? 
Au niveau de l’Etat, il y a plusieurs fonds et tout est stratifié. Au FBDES, ce sont des projets d’une certaine envergure qui sont examinés car nos financements vont de 50 millions à 3 milliards FCFA. Donc évidemment, les projets qui arrivent sont des projets assez matures, assez costauds. Et pour la plupart du temps, nous avons toutes les couches sociales de la société burkinabè qui se retrouvent dans notre portefeuille : jeunes, vieux, femmes. Mais au niveau des jeunes, la grande difficulté qui fait qu’ils soient plus portés vers les guichets spécifiques que les guichets ordinaires, c’est la question de la garantie. Nos fonds requièrent une garantie de 80% et cela n’est pas souvent accessible à ceux qui sont au début de leur projet. Le coût même de formalisation de la garantie, c’est déjà quelque chose qui peut aider les entreprises naissantes. Nous conseillons les jeunes d’aller d’abord vers des structures qui accompagnent et au moment où ils décollent bien, ils peuvent venir vers le FBDES. En ce moment, nous accompagnons le projet qui est encore plus structurant, avec un impact plus grand.

Alors vous l’avez dit, les projets financés par votre structure vont de 50 millions à 3 milliards FCFA.  Est-ce qu’il vous arrive d’épuiser tout ce qu’il y a comme ressources pour financer les projets en une année? 
Oui ! Je vous dirais même que généralement, ce n’est pas suffisant parce que les gens viennent dans nos locaux avec de gros projets à financer. Certains projets arrivent ici à 12 milliards de F CFA et nous sommes obligés de redimensionner et d’aller dans le sens du co-financement. C’est-à-dire que le Fonds accompagne une portion et le porteur du projet se tournera vers d’autres structures d’accompagnement.  Les ressources que nous avons s’épuisent généralement. Et nous sommes en train de travailler pour avoir plus de ressources annuellement, afin de pouvoir accompagner les projets. Dans la vision des hautes autorités aujourd’hui, nous sommes en train d’aller vers l’industrialisation et cela nécessite de gros milliards FCFA. De plus en plus, le Fonds accompagne des projets dont l’unité de mesure part du milliard FCFA, nous obligeant de travailler à avoir des fonds qui soient en adéquation avec la volonté politique affichée du Président de Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré.

Vous avez parlé de la garantie qui constitue souvent une limite pour les porteurs de projets. Mais la « paperasse administrative » est aussi une contrainte pour ceux qui souhaitent bénéficier des ressources financières.  Est-ce qu›il y a un travail qui est fait pour alléger les différentes procédures ? Ou bien au contraire, vous travaillez à durcir davantage pour faciliter le recouvrement ? 
On allie les deux. Nous sommes en train de travailler à faciliter aussi l’accès au financement tout en garantissant la pérennité du fonds en ayant des documents fiables. Donc dans la collecte des documents, nous mettons l’accent sur les documents primordiaux pour la mise en œuvre du projet et la garantie aussi du recouvrement. Dans cette vision, vous allez voir que pour la formalisation des garanties, on fait tout pour ne pas demander déjà quelque chose de formalisé au premier financement, à la première tranche. Mais le porteur de projet doit avoir à l’esprit qu’il doit formaliser avant le décaissement de la deuxième ou de la troisième tranche. Cette vision permet aussi aux promoteurs de mettre en jeu des garanties dont le financement du fonds permettra même de prendre de la valeur et de pouvoir couvrir leurs garanties.  Aujourd’hui, nous ne pouvons pas donner des fonds sans une garantie que le recouvrement sera fait. Il faut donc allier les deux avec tact pour pouvoir avancer.

 Vous avez parlé de la nouvelle vision qui consiste à soutenir les unités industrielles. Est-ce que c›est dans cette nouvelle vision que le FBDES a pris une part financière dans la construction des unités telles que la Société Faso Tomates (SOFATO) à Yako et l’usine de transformation de tomates de Bobo-Dioulasso ?
Le FBDES a accompagné l’usine SOFATO de Yako avec un montant de 1 milliard de F CFA. Pour l’usine de Bobo, c’est l’Agence pour la Promotion de l’Entreprenariat Communautaire (APEC) qui a porté le projet mais l’APEC est un partenaire aussi du Fonds. Toujours dans la même dynamique, le chef de l’État a fait la pose de la première pierre du complexe TEXFORCES-BF à Bobo Dioulasso, une usine de fabrique d’effets d’habillements militaires, paramilitaires et civils au Burkina Faso. Cette usine est accompagnée financièrement par le FBDES avec un montant de 1 milliard de FCFA. Le chef de l’Etat a aussi inauguré en Avril 2024, le complexe industriel ADIPROD INDUSTRIES SA à Bobo Dioulasso, qui est une usine qui travaille dans la transformation de l’amande de karité pour les huiles avec un appui financier du FBDES de plus de 3 milliards FCFA.  Nous sommes vraiment dans le volet industriel où nous accompagnons ces différentes structures à pouvoir mettre en œuvre leurs projets.

L’un des combats du chef de l’Etat est aussi de retrouver notre souveraineté alimentaire. Est-ce que le domaine agricole est un volet aussi dans lequel vous intervenez ou investissez ?
Nous intervenons dans le domaine agricole qui est une des priorités aussi du Fonds. Nous sommes en train d’accompagner des projets rizicoles et des projets d’industrialisation dans le domaine du riz. Au niveau du Fonds, généralement, l›orientation même de l›accompagnement s›aligne avec l›orientation politique des premières autorités. C’est pour cela, d’une année à l’autre, les priorités de financement vont varier en fonction de la vision des autorités. Comme les ressources sont limitées, il faut donner une certaine priorité à l’action gouvernementale pour accompagner les projets.

Avez-vous un message particulier pour les potentiels porteurs de projets ?
Je demande à l›ensemble des Burkinabè de rêver, de croire en leurs projets et surtout travailler à ce que, aujourd’hui, que chacun puisse dans sa vision développer des idées qui permettront d’offrir de l’emploi aux Burkinabè et de créer de la richesse. Cela part même de la vision de création du Fonds en 1975. Le Fonds de voltaïsation des capitaux qui était d’amener les Voltaïques à s’intéresser à l’initiative entrepreneuriale. Aujourd’hui, le Fonds reste toujours dans cette dynamique et nous invitons les Burkinabé à travailler, à avoir leurs propres projets, à résoudre la question du chômage. Il faut que chacun puisse s’impliquer. Il y a des personnes qui ont de l’expérience à revendre, nous demandons à ces personnes de se jeter à l’eau, d’aller à l’initiative privée pour permettre aux jeunes de bénéficier de leur expérience et aussi à l’Etat burkinabè de bénéficier du développement économique et des fonds qui seront générés à partir des projets qui seront mis en œuvre.
Interview réalisée par la Rédaction

 

Encadré 1

Le FBDES célèbre ses 50 ans en 2025

Les Burkinabè sont informés qu’en 2025, le Fonds va célébrer ses 50 ans d’existence. 50 ans d’accompagnement du développement économique et social et à cet effet, nous demandons à tous ceux qui ont bénéficié de l’accompagnement du Fonds d’être des témoins vivants du Fonds auprès de l’ensemble des Burkinabé pour dire que le Fonds accompagne et permet aux gens de se développer. A cet effet, il faut qu’ils s’engagent à rembourser ce qu’ils ont reçu du FBDES pour permettre à d’autres Burkinabè de bénéficier aussi de l’accompagnement de ce fonds qui, généralement, donne des taux préférentiels.

Encadré 2

Nour Ahmadé Guenda, un auditeur expérimenté
Le Fonds Burkinabè de Développement Economique et Social (FBDES) a un nouveau Directeur Général, en la personne de Nour Ahmadé Guenda, nommé le 24 Janvier 2024, en Conseil des ministres. Nour Ahmadé Guenda est économiste-gestionnaire-auditeur. Il est titulaire d’un Master en Comptabilité, contrôle, audit et d’une Maîtrise en économie, option économie et gestion des entreprises et des organisations. Sa biographie express souligne qu’avant sa nomination, il occupait la fonction de vérificateur à la Cour des comptes. Il dispose d’une riche expérience en contrôle de la gestion, de suivi-évaluation et en audit des structures publiques. Il a aussi été, entre autres, point focal de la Cour des comptes auprès du ministre en charge de l’économie et des finances. Il va désormais coordonner les activités du FBDES dont la mission est de soutenir la réalisation d’opérations de développement économique et social et de promouvoir le rôle de l’Etat en tant qu’investisseur stratégique dans les secteurs jugés prioritaires, à travers la réalisation des opérations de financements structurants qui contribuent à la création des richesses et des emplois au niveau national.

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