• L’écart salarial : un gouffre de 37 %
• Des emplois précaires et vulnérables
• Des secteurs d’activité déterminants pour les revenus
Au Burkina Faso, le quotidien des femmes employées est marqué par des inégalités, tant au niveau de la charge de travail que de la rémunération.
Les disparités de genre dans le monde professionnel s’inscrivent dans une réalité complexe, où les tâches domestiques, les emplois vulnérables et les écarts de salaire pèsent lourdement sur les femmes. C’est ce qui ressort du document « Femmes et Hommes au Burkina Faso en 2023 », publié sur le site de l’INSD, en date d’octobre 2023.
La double journée : un poids inégalement réparti
Les femmes burkinabè consacrent en moyenne 166 minutes par jour au travail domestique, contre seulement 47 minutes pour les hommes. Cet écart est encore plus marqué en milieu rural, où les normes sociales accentuent le rôle traditionnel des femmes dans les foyers. En additionnant les travaux rémunérés et non rémunérés, les femmes passent 5,5 heures par jour à travailler, contre 4,7 heures pour les hommes.
Le contraste réside dans la répartition des activités : 70 % du temps de travail masculin est dédié à des emplois rémunérés, tandis que 60 % du temps féminin est accaparé par des tâches domestiques non rémunérées. Ces inégalités perdurent aussi bien en zones rurales qu’urbaines, soulignant une problématique structurelle.
Des emplois précaires et vulnérables
En matière d’emploi, les femmes sont plus souvent cantonnées à des postes précaires. Elles représentent 83,3 % des emplois vulnérables, contre 60,2 % pour les hommes. Ces inégalités sont particulièrement visibles chez les travailleurs indépendants : 62,8 % des femmes travaillant à leur compte occupent un emploi vulnérable, contre 50,2 % des hommes.
Par ailleurs, seulement 3 % des femmes en emploi parviennent à devenir employeurs, contre 5 % des hommes, ce qui limite leur accès aux positions décisionnelles. L’emploi à temps partiel illustre aussi ces écarts : près de la moitié des femmes actives (49,1 %) y sont contraintes, contre seulement 32,9 % des hommes.
Des secteurs d’activité déterminants pour les revenus
L’analyse des branches d’activité révèle que les femmes burkinabè sont surreprésentées dans des secteurs moins rémunérateurs. Elles dominent dans le commerce (27,5 % des femmes contre 21,5 % des hommes) et les activités de fabrication (22,5 % contre 10,7 %). À l’inverse, elles sont sous-représentées dans l’agriculture et la sylviculture, secteurs où les hommes dominent (33,5 % des hommes contre 29,2 % des femmes). Ces choix sectoriels influencent directement les niveaux de rémunération, exacerbant les inégalités de revenus.
L’écart salarial : un gouffre de 37 %
Les données de l’ENBESI 2023 révèlent un écart salarial moyen de 37,3 % entre les hommes et les femmes. Pour chaque 1.000 FCFA gagné par un homme, une femme n’en perçoit que 627 FCFA. Cet écart s’aggrave dans certaines catégories socioprofessionnelles. Par exemple, les femmes cadres supérieures gagnent 69,89 % de moins que leurs homologues masculins. Les inégalités sont également frappantes chez les manœuvres, avec un écart de 57,32 %.
D’autres facteurs accentuent ces écarts:
• Âge : les disparités salariales culminent à 53,76 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans.
• Handicap : les femmes en situation de handicap gagnent 70,52 % de moins que les hommes.
• Lieu de résidence : dans des villes comme Ouagadougou, les écarts atteignent 50,40 %, reflétant les défis spécifiques des centres urbains.o
ESS
Encadré
De la Politique nationale genre 2009 à la Stratégie nationale genre 2020-2024
La Politique nationale genre (PNG) du Burkina Faso a été adoptée en 2009. En 2019, après dix années de mise en œuvre, la PNG a pris fin avec des résultats satisfaisants, mais les défis demeurent et les enjeux sont énormes. C’est en cela que la Stratégie nationale genre (SNG 2020-2024) vient succéder à la politique, en vue de répondre de manière plus opérationnelle à la prise en compte du genre dans le processus de développement.
Elle a pour vision de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes et s’articule autour des principes directeurs ci-dessous :
• Le leadership national ;
• La participation et la responsabilisation ;
• L’équité et l’inclusion ;
• La cohérence et la synergie d’action ;
• La redevabilité ;
• La décentralisation et la déconcentration des actions genres ;
• Et la transversalité du genre.
Elle comporte cinq axes stratégiques qui sont :
Axe 1 : promotion de l’équité d’accès aux services sociaux de base et à la protection sociale ;
Axe 2 : accès égal à la justice et à la protection juridique ;
Axe 3 : autonomisation économique des femmes et des jeunes filles ;
Axe 4 : participation, représentation et influence politique égale ;
Axe 5 : pilotage et soutien.
Filet
De l’importante de la promotion de l’égalité
Pour Ripama Toubou, Directeur général de l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), « la promotion de l’égalité de genre n’est pas seulement une exigence de justice sociale, mais également un impératif pour le développement durable et inclusif de notre Nation. Le Livret Genre 2023 du Burkina Faso constitue un outil essentiel dans notre quête d’une société plus équitable, où chaque individu, homme ou femme, peut contribuer pleinement à la construction d’un avenir prospère ».
Et de préciser qu’au fil des années, le Burkina Faso a pris des mesures significatives pour intégrer la dimension genre dans ses politiques publiques, ses programmes de développement, et ses stratégies économiques. « Le chemin parcouru témoigne de notre engagement collectif à garantir les mêmes opportunités pour tous, indépendamment du genre. Toutefois, de nombreux défis persistent, et il est crucial de disposer de données fiables et actualisées pour éclairer nos décisions et orienter nos actions. Ce livret offre une analyse détaillée des avancées réalisées en matière d’égalité de genre, tout en mettant en lumière les domaines où des efforts supplémentaires sont nécessaires ».
Selon les explications du DG, ce livret est destiné à être un guide pour les décideurs politiques, les partenaires au développement, les organisations de la société civile, ainsi que tous les acteurs engagés dans la promotion de l’égalité de genre au Burkina Faso. « Il est également un appel à l’action, pour que chacun, à son niveau, puisse œuvrer à la réalisation de notre objectif commun : une société juste, inclusive et égalitaire ».