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Renouvellement des organes des structures dirigeantes du football: « J’ai dû prendre mes responsabilités », Aboubacar Savadogo, ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi

Le Café de L’Economiste du Faso a reçu, le 21 juin 2024, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, Aboubacar Savadogo. Avec lui, la Rédaction a discuté du bilan succinct de son ministère, les grands chantiers à lui confiés. L’entretien a aussi tourné autour du département chargé de l’économie sportive. La question du processus de renouvellement des organes des structures dirigeantes du football a aussi été évoquée. Pour le ministre Savadogo, « il y avait des difficultés objectives qui ont fait que j’ai dû prendre mes responsabilités ». Lisez plutôt cette première partie de l’entretien !

L’Economiste du Faso : Vous avez été nommé à la tête du ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, le 10 janvier 2023, quel bilan succinct peut-on faire de cette date à nos jours ?

Aboubacar Savadogo, ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi : J’ai pris fonction le 12 janvier 2023. Un certain nombre de grands chantiers m’avaient été confiés et je me suis efforcé de faire avancer. Le premier gros chantier était de faire la fusion du ministère. Il s’agit de deux départements ministériels qui étaient en commun, en novembre 2021. Malheureusement, ce nouveau ministère a connu une instabilité, parce qu’il y a eu trois ministres en moins d’une année et la fusion n’avait pas pu être concrétisée. On avait deux départements ministériels juxtaposés et non fusionnés. Les autres chantiers concernaient le Stade du 4-Août, le développement de plusieurs disciplines sportives, la qualification des Etalons à la CAN 2023, en Côte d’Ivoire. L’opérationnalisation de la Loi 050 au niveau du sport.

En termes de bilan, j’ai constaté que les dysfonctionnements, notamment, au niveau du Stade du 4-Août, étaient liés au fait que la chaîne de supervision n’était pas homogène. Nous avions l’Office de gestion des infrastructures sportives qui s’occupait des Stades du 4-Août, de Bobo-Dioulasso, du Comet et du local dit chinois. Il s’occupait uniquement de la gestion et n’était pas impliqué dans la conception. Il y avait aussi l’Office de gestion du Palais de Ouaga 2000. Il n’y avait pas d’harmonie entre ces structures. Au Cabinet, nous avions aussi le Comité de suivi des travaux de réfection du Stade du 4-Août.

Lorsque nous avons fait le décompte, nous nous sommes rendu compte que ce suivi n’était pas très bien fait, mais il avait hérité de beaucoup de tares dans l’attribution du marché. Nous avons donc proposé de fusionner les Offices de gestion des infrastructures sportives et du Secrétariat technique. Dans le domaine de la santé des sportifs, il y avait la Direction générale du Centre médico-sportif que nous avons aussi incluse dans la fusion. Tout cela a donné naissance à Burkina Yîn-wisgr Meta. Cette nouvelle structure a pour mission la conception, la réalisation, le suivi, l’exploitation et la santé des sportifs. Ça nous permet de voir une chaine de commandement où on connait désormais les responsables. Cela nous a permis de voir comment le Stade du 4-Août devait être réhabilité et mis aux normes. Dans le marché du stade, on a toujours parlé de normes et de non-mise aux normes.  C’est avec mon arrivée que ces démarches ont été entreprises.

Lorsqu’on parle de cette mise aux normes avec la FIFA et la CAF et l’interlocuteur national qui est la FBF, cela est un point très important, parce qu’il nous a permis de redresser le marché, de mettre tous les acteurs autour de la table en créant un Comité de suivi des travaux de réhabilitation du Stade du 4-Août où il y a la Fédération, le Comité national olympique des sports burkinabè, l’Union nationale des supporters des Etalons, la Fédération burkinabè d’athlétisme, le ministère de l’Urbanisme, notre ministère, celui de la Culture et  celui des Finances. Avec ce Comité, nous avons fait venir un expert de la CAF, au mois d’août, pour faire le constat. Il nous a fait comprendre que nous ne respections pas le cahier des charges. Nous avons dû reprendre les plans avec le ministère de l’Urbanisme. Le 8 février 2024, nous avons rencontré l’équipe technique de la CAF à Abidjan et nous leur avons présenté les plans. C’est comme cela que nous avons informé l’opinion que ces travaux allaient nous permettre de jouer à partir du mois d’août 2024, au Stade du 4-Août.

Au niveau des textes, la Loi 050 avait été adoptée en 2019, mais il n’y avait pas encore les décrets d’application. Nous avons dû entreprendre avec tous les acteurs, des séances de travail très fructueuses qui nous ont permis d’adopter 4 décrets en septembre 2023, et nous sommes en train de valider 12 autres décrets actuellement. A la CAN 2023, nous avons accompagné les Etalons qui ont franchi le premier tour. Ce qui veut dire que nous faisons partie des 16 meilleures équipes africaines. Nous avons pu organiser le Tour du Faso qui était suspendu, nous avons aussi organisé plusieurs courses cyclistes pour permettre aux coureurs d’avoir de la compétition. Notre idée est de faire chaque weekend, une compétition au profit de nos cyclistes. Cela a permis à la Fédération burkinabè de cyclisme d’avoir des équipes sur trois tours à la fois en Afrique (Maroc, Togo, Cameroun). D’autres disciplines ont aussi profité de nos soutiens. Voilà un petit bilan rapide de ce que nous avons fait à la tête du département depuis notre arrivée.

Vous avez, au sein du ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi, un département chargé de l’économie sportive, qu’attendez-vous de ce dernier ?

Nous avons créé la Direction de la promotion de l’économie du sport et des loisirs. Elle répond à une vision que nous avons. Le sport burkinabè, aujourd’hui, dépend à 90 % des financements de l’Etat. Les structures sont en permanence sous perfusion. Avec la situation de crise que nous vivons, on doit faire des plaidoyers énormes pour avoir les moyens pour le sport de haut niveau. Ailleurs, le sport est beaucoup plus soutenu par l’économie privée, parce que ça génère des emplois et beaucoup d’autres choses. L’idée est de montrer aux populations qu’on peut vivre du sport et que le sport permet de créer beaucoup d’emplois. Il n’est pas limité aux pratiquants et aux encadreurs. Il y a une économie autour du sport et pour la développer, nous avons entrepris de développer la nomenclature autour des métiers du sport. Cela permet à plusieurs personnes d’en profiter et à des centres de formation de mettre en place des cursus des activités du sport dans les emplois. On attend de cette structure qu’elle propose pour développer l’esprit d’initiative au sein des structures dirigeantes du sport. J’étais désolé de constater que pendant la CAN, on revenait vers le ministère pour lui demander de transporter les supporters, alors qu’on savait, depuis le tirage au sort, que le Burkina allait être basé à Bouaké.

Photo de la Rédaction avec le ministre. (Ph: Yvan SAMA)

C’était une opportunité pour les acteurs du privé de faire des propositions aux supporters de les emmener pour supporter les Etalons. Mais il a fallu que le ministère puisse prendre des initiatives pour que cela puisse se passer, parce que ça se faisait comme cela avant. Il faut qu’on change cela. J’étais désolé que même dans la presse, beaucoup n’ont pas fait d’écrits sur ce qui allait se passer à Bouaké, alors qu’on était qualifié et tout le monde était mobilisé. Le marchandising n’est pas très développé au Burkina Faso. Nous avons essayé avec l’équipementier des Etalons de promouvoir une idée de vendre 1 million de maillots. Avec le modèle économique qui était mis en place, on pouvait générer près de 2 milliards qu’on allait reverser au Fonds de soutien patriotique ou encore développer le sport.  Malheureusement, les gens ne sont pas habitués à cela. Tout le monde s’attend à ce que le ministère achète pour distribuer. Si on ne change pas les manières de faire, ce serait difficile, parce que la subvention seule de l’Etat ne peut pas permettre à un pays d’être leader dans le sport. Ce n’est pas possible.

Cette suspension pourrait laisser croire que le ministère ou peut-être la Présidence travaille pour imposer son candidat ?

Que le ministère ou la Présidence ait son candidat, quel est le lien avec la date des élections des Fédérations ? Raisonnons. Est-ce que le ministère ou la Présidence ont des candidats pour les districts et les ligues ? Personne ne dit que les élections à la Fédération sont reportées.

Le report des élections dans les districts et les ligues n’aura-t-il pas un impact sur la date des élections au niveau des Fédérations, puisque les élections à la FBF sont prévues pour le 17 août.

Non, ça ne change pas. Les gens peuvent croire à notre bonne foi ou pas. Mais ce que je dis est objectif et ils peuvent le vérifier. J’ai été saisi par des gens en province pour me poser leur problème. Je dois protéger tout le monde. Que le ministère ou la Présidence ait un candidat ou pas, nous devons tout faire pour que tout le monde ait la chance d’être candidat. Rien n’empêche ou interdit le ministère ou la Présidence d’avoir un candidat ou pas.

Pendant longtemps, les Etalons ont joué au Maroc, mais le dernier match s’est joué à Bamako. Pourquoi le choix de Bamako ?

Les supporters des Etalons souhaitaient voir leur équipe, et aller au Maroc nous coutait très cher. On a prospecté dans la sous-région, mais les stades présentaient plus ou moins des difficultés. Avec la création de l’AES, on a pu avoir le stade au Mali assez facilement. Même sans organiser des convois pour aller suivre la rencontre, le stade était plein. Les joueurs ne peuvent pas se plaindre qu’il leur a manqué le 12e homme à Bamako.

Combien coûte un match des Etalons à l’extérieur du pays, notamment, au Maroc ?

Le coût d’un match tient compte de plusieurs rubriques dont certaines sont incompressibles, comme les primes des joueurs et du staff technique, car à l’extérieur comme à domicile, les primes sont fixes. Les billets d’avion des joueurs et le logement coutent moins cher au Maroc qu’au Burkina Faso. Ce qui peut paraitre extra, c’est la location des stades, mais là aussi, ça dépend. Pour un match, on débourse 6,5 millions et pour deux matchs, on dépense 10 millions. Ce que l’on perd quand on joue dehors, ce n’est pas ce coût-là, mais plutôt l’effervescence et l’économie que l’on créerait autour des matchs. Quand on joue chez nous, l’avant-match, le jour du match, l’après-match, on génère toute une économie : les hôtels, les restaurants, le parking, les vendeuses d’eau, les vendeurs de gadgets, la presse…. Si c’était seulement l’équipe, jouer dehors nous revient même moins cher.

Après la CAN, on a assisté à un changement d’entraineur des Etalons A, ensuite, la non-sélection des trois capitaines (Bertrand Traoré, Issoufou Dayo, Hervé Koffi) et cela semble se ressentir sur les résultats (2 nuls, 2 défaites), compromettant nos chances pour une qualification pour le mondial 2026 et entrainant une dégringolade dans le classement africain, faisait perdre au pays sa place dans le premier chapeau pour la composition des groupes de la prochaine CAN. Quelles explications avez-vous reçues de l’absence de ces trois joueurs ?

L’entraineur me donne uniquement une explication technique. Voilà les joueurs qui peuvent me permettre de gagner mes matchs qui viennent. Je m’en tiens à ça, je ne rentre pas dans d’autres considérations.

La Rédaction

 

Encadré

« Il faut que les clubs puissent se réorganiser pour générer leurs propres sources de revenus »

Au niveau national, certains clubs sont aujourd’hui en train de se muer en clubs société, pensez-vous que c’est aussi un moyen pour développer le football au Burkina Faso ? La question a été posée au ministre. Et voici sa réponse.

« Au niveau du décret sur les structures sportives, nous avons les associations, les clubs et les sociétés. Une association peut bénéficier plus facilement des subventions qu’une société. Dans une association, les décisions peuvent être difficiles à prendre, à cause de la multiplicité des personnes qui la portent, contrairement à une société, qui reste focus sur la rentabilité de la structure.  On voit dans les modèles qui existent dans le monde au niveau du football, que la forme société est celle qui est en train de s’imposer de plus en plus.

Compte tenu des contraintes budgétaires que nous connaissons, il est clair que l’Etat ne pourra pas subventionner le football comme il le fait présentement dans les années à venir. Il faut que les clubs puissent se réorganiser pour générer leurs propres sources de revenus. Quelle que soit la forme, il faut qu’on se fixe des objectifs à atteindre. Selon le contexte, un modèle peut marcher et le même modèle ne marcherait pas dans un autre contexte ».

Filet

Renouvellement des organes des structures dirigeantes

Ce sont des difficultés objectives

L’ actualité de votre département, c’est ce communiqué rendu public le mercredi 19 juin 2024, dans lequel vous avez pris le monde du football de court en suspendant le processus de renouvellement des organes des structures dirigeantes.  Pour justifier cette décision, vous dites ceci : « Il m›a été donné de constater que le processus de renouvellement des organes des structures dirigeantes de football rencontre des difficultés ». De quelles difficultés est-il question ?

C’est très simple. Il existe plusieurs difficultés. La première est que des gens rencontraient des difficultés pour avoir certains documents administratifs. Il s’agit, notamment, du quitus fiscal qu’ils n’arrivent pas à avoir pour des problèmes de connexion dans les services des Impôts. Ils doivent y retourner un autre jour, alors que la date limite de dépôts des dossiers arrive. Le deuxième problème sérieux est la difficulté à former les superviseurs des élections. Tout le monde connait les difficultés de trésorerie que connait le pays. Le Fonds national pour la promotion des sports et des loisirs, qui finance l’organisation de ces élections, n’avait pas réussi à mettre à la disposition des Commissions, les moyens nécessaires pour se former. Je ne voulais pas prendre des risques que les élections se tiennent avec des personnes qui ne comprennent pas comment les textes doivent être appliqués. Ce sont des difficultés objectives.

Ce n’est pas de la mauvaise foi, mais nous sommes dans un milieu où tout est suspicieux. Dès qu’il y a une information, au lieu d’aller à la source, on cherche à faire de la polémique. J’ai écrit aux Directeurs régionaux qui sont chargés, avec les Directeurs provinciaux, de la mise en place des districts et des ligues et non du bureau fédéral. Il y avait des difficultés objectives qui ont fait que j’ai dû prendre mes responsabilités. Si les élections dans les districts et les ligues sont bâclées, ce serait aussi pareil au niveau des Fédérations. C’est pour cela que j’ai dû prendre cette note de façon rapide, parce que certains devaient même faire des élections ce weekend. C’est donc une manière de préparer les acteurs, afin que tous ceux qui le désirent puissent prendre part aux élections. o

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