Dans cet article, dans un premier temps, nous complétons la revue des techniques d’aquaculture en cours d’utilisation au Burkina Faso, après les étangs et les cages. Nous terminerons par la présentation du Système horti-aquacole de valorisation des eaux souterraines (SHAVES).
Les « tanks »
Rappelons que ce sont les aquariums que des francophones désignent par bacs ou bassins hors-sol. Ils se distinguent des étangs, surtout par leur moindre dimension, leur positionnement altimétrique au-dessus du terrain naturel, en général, et leur mobilité (portable), à l’exception de ceux en ciment. Par ces caractéristiques, ils rendent l’eau et les poissons plus manipulables et donc offrent plus de possibilités d’intensification des élevages. Vulgarisée depuis seulement une quinzaine d’années au Burkina, suite à l’introduction de l’utilisation d’eau de forage pour l’aquaculture, cette technique est quasi-exclusivement l’affaire de promoteurs privés à nos jours. L’utilisation de bacs en bâche plastique prend le plus d’ampleur, avec des fortunes diverses. Les savoirs liés à cette technologie restent nécessaires pour plus d’efficacité.
Les systèmes intégrés : aqua-horticulture vs horti-aquaculture
Au Burkina, la pratique de l’aqua-horticulture est triviale et diffuse, souvent même inconsciente. En fait quelle que soit la technique de base (étang, tanks) utilisée, l’aquaculteur non industriel a tendance à « greffer » de façon plus ou moins fusionnelle, toute autre activité qu’il pense apporter un plus à son aquaculture. Vu sous l’angle de « stratégie régionale ou nationale de développement de l’aquaculture chez une population », le concept trivial « aqua-horticole » est censé s’adresser à des aquaculteurs (déjà à l’œuvre) à qui on suggérerait le greffage d’activités agricoles. Ce concept convient plutôt aux pays à tradition aquacole comme dans la plupart des pays asiatiques. Des aquaculteurs se spécialisent en agriculture, et l’agriculture se développe « sans choc » dans le pays. Le concept de système horti-aquacole s’adresse à des populations qui pratiquent l’agriculture et en ont la tradition (Burkinabè, en l’occurrence), à qui on suggère une amélioration technologique de leur activité vitale par le greffage de l’aquaculture. Des agriculteurs se spécialisent en aquaculture, et l’aquaculture se développe « sans choc » dans le pays.
Les eaux souterraines comme source durable au Burkina
Le corps humain est fait de 60 à 75% d’eau. La plupart des villages au Burkina et ailleurs, se sont, à l’origine, installés aux environs d’une source d’eau. Même les Kayalais qui se prévalent montagnards pour narguer les Mangalais (leurs parents à plaisanterie) des rives du Kadiogo, se « perchaient » certainement sur les collines aux flancs desquelles il y avait une source d’eau. Les animaux-totem de plusieurs familles auraient à un moment, conduit à un point d’eau, un de leurs aïeuls en détresse hydrique. Les sources d’eau exploitées ont toujours été celles de surface ou celles souterraines (puits). Les énormes efforts des contemporains pour mobiliser et maîtriser l’eau (barrages, boulis, puits, forages) en dit long sur cette quête permanente de l’eau-vie. Cependant, au Burkina, d’une part, les possibilités efficaces de barrage ne sont pas illimitées, et d’autre part, les lacs générés disparaissent trop vite au cours du temps par envasement et pire, ils constituent de plus en plus les poubelles terminales des toxiques rémanents d’origines agricoles, minières, industrielles, ménagères, malheureusement en recrudescence. L’un des premiers systèmes alimentaires qui seront compromis par cette évolution vers le chaos est la pêche. En vérité, si les tendances se maintiennent, la pêche sera bientôt fortement réduite quantitativement et qualitativement à sa plus simple expression au Burkina. Rappelons que de nos jours, c’est par la pêche que le Burkina produit plus de 90% de son poisson.
D’où l’obligation pour le pays de promouvoir l’aquaculture pour s’affranchir de la dépendance aux importations, et c’est le potentiel qui manque le moins.
Le potentiel aquacole durable du Burkina, contrairement à ce que clame le document national de stratégie, est porté par les eaux souterraines, au vu de leur abondance dévoilée par l’éminent Professeur Nakolendoussé dans Géo-Canal-Info .
Il y a trop d’eau souterraine au Burkina et l’hydrogéologie peut permettre le développement agricole (youtube.com)
Le concept du « Système horti-aquacole de valorisation des eaux souterraines » (SHAVES) est en ce sens un référentiel d’une vision futuriste des politiques agricoles du Burkina.
Présentation synthétique du Système horti-aquacole de valorisation des eaux souterraines (SHAVES)
Il s’agit d’un système avec des sous-systèmes en relation fusionnelle les uns avec les autres dans le sens des synergies positives. C’est une technologie innovante, alternative pour la résilience aux changements climatiques. Elle a reçu le prix du Centre de recherche pour le développement international à l’édition 2016 du Forum sur la recherche et les innovations technologiques (FRSIT). Il a été implémenté formellement pour la première fois au Burkina, en 2015, dans le cadre d’un projet aquacole Burkina-FAO. Ce système intègre l’aquaculture à une horticulture existante où l’aquaculture utilise de l’eau souterraine destinée à l’horticulture.
Les aquariums positionnés altimétriquement en amont de l’horticulture reçoivent l’eau souterraine dont ils traitent les éléments ichtyo-toxiques (gaz carbonique, sulfure d’hydrogène, surpression des gaz), et oxygène, afin de la rendre propice à la vie des poissons. Les déchets produits par les poissons très riches en nutriments divers dont ont besoin les plantes sont apportés aux plantes sous forme d’effluents. Le dispositif est installé de sorte que tous ces flux de fluides s’effectuent par gravité. Par ces synergies, les produits horticoles (fruits, légumes, céréales, etc.) et aquacoles (poissons) sont obtenus en intensif dans la diversité et aux coûts amoindris.
Quelques éléments supplémentaires de pertinence du concept
Les eaux souterraines comme cible majeure durable pour l’aquaculture est spécifique au Burkina. Cette révélation est récente. En 2010, malgré nos interpellations à l’atelier de validation des documents de politique et de stratégie nationales de développement, les experts-consultants n’ont pas considéré les eaux souterraines comme même UN potentiel aquacole, à plus forte raison comme LE potentiel majeur pour le Burkina. Le document final cible exclusivement les eaux de surface. Le concept SHAVES corrige l’insuffisance.
Les étangs et les cages sont relativement peu commodes aux contextes hydrologiques du Burkina et n’ont que rarement donné de résultats probants depuis plus de 4 décennies qu’ils sont implémentés. Pire, ils sont sensibles aux effets des changements climatiques, et des phénomènes d’envasement et de pollution en aggravation au Burkina. Les tanks (bassins/bacs hors-sol) qui sont les techniques inhérentes au concept SHAVES constituent une alternative sans toutefois inhiber l’indispensable culture écocitoyenne des populations.
Les tanks sont également d’usage récent au Burkina. Les sous-systèmes dans le concept SHAVES sont à des positions altimétriques telles que, d’une part, les flux d’eau du château aux plantes s’effectuent de façon gravitaire (pas besoin de pompe à énergie dans la ferme), et d’autre part, la production aquacole peut être intensifiée sans coût supplémentaire. Nos pratiques créditent l’hypothèse selon laquelle le bassin d’épandage des effluents aquacoles entre les aquariums et les aires végétales, en plus d’en assurer la biofiltration, constitue un abreuvoir nutritif et baignoire thérapeutique pour volaille et bétail.
Sana BOUDA
Encadré
En guise de conclusion-perspectives de la présente tribune, nous parions sur les prévisions suivantes
La résidence idéale (d’habitation) sera celle qui, bâtie sur une nappe d’eau souterraine et équipée d’un forage de débit d’au moins 2m3/heure, installe un jardin SHAVES. Les occupants disposeront à moindre coût sans quitter la résidence, d’eau potable et saine, de légumes, fruits et poissons sains, de paysages végétaux vivifiants, en plus des autres commodités déjà connues liées à l’eau. La ferme agricole commerciale compétitive sera celle qui sera installée sur une nappe d’eau souterraine en mesure de fournir un débit d’au moins 5m3/heure pour développer le SHAVES. Elle offrira à moindre coût, des aliments (légumes, fruits et poissons) bio, sains, et «traceables».
Les villages/Camp militaire/Trame d’accueil de populations en détresse, etc., futuristes, seront ceux qui seront installés sur une nappe d’eau souterraine en mesure de fournir un débit d’au moins 30m3/heure et où on développera le SHAVES. Les productions agrosylvopastorales et aquacoles qui en découleront assureront une certaine autonomie alimentaire et une socio-économie significative de l’entité sociale. Les populations laborieuses des territoires au-dessus du grand aquifère transnational, en général, et la région du Grand Nord précisément, ont déjà acquis la tradition d’horticulture maraîchère. Avec des investissements structurants pour localiser et réaliser des forages grands-débits, cette région sera avec l’approche SHAVES, la « Chambre froide à légumes, fruits et poissons » du Burkina Faso.