• Augmentation du nombre des députés et des ministres
• En déphasage avec la réduction du train de vie de l’Etat ?
• Comment s’y prendre sans dépasser la limite fixée dans la Charte
Les forces vives burkinabè se sont retrouvées le 25 mai 2024, à Ouagadougou, pour des Assises nationales sur la Transition. A moins d’un mois de la fin de la Transition, les différentes composantes de la société burkinabè se sont donné rendez-vous pour faire le bilan de 19 mois de gestion du Capitaine Ibrahim Traoré et réviser la Charte de la Transition adoptée en octobre 2022 et qui est en vigueur jusqu’en début juillet 2024. Au terme de l’exercice, les participants ont pris des décisions pour éviter une situation à la malienne, c’est-à-dire, un vide institutionnel après la fin de la Transition ouverte avec le premier coup d’Etat de janvier 2022 du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR).
La décision la plus attendue qui en est sortie est la prolongation de la Transition de 60 mois, soient 5 ans, à compter du 2 juillet 2024. Le Capitaine Ibrahim Traoré, aux commandes du pays depuis le 30 septembre 2022, y restera encore pour un nouveau bail quinquennal avec le statut de président du Faso qui était réservé jusque-là aux chefs d’Etat élus. Il pourra même, s’il le veut, se présenter aux élections qui seront organisées au bout des 5 ans ou avant, si la situation sécuritaire le permet.
Outre cette décision et bien d’autres inscrites dans la Charte de la Transition révisée, les Assises ont fait des recommandations au nombre de quatre (voir encadré). Deux d’entre elles retiennent particulièrement notre attention. La première est la recommandation relative à l’augmentation du nombre de sièges à l’Assemblée législative de transition (ALT), afin de prendre en compte certaines composantes qui n’y sont pas. Et la seconde est celle qui se rapporte à l’augmentation du nombre des membres du gouvernement par l’ajustement de certains ministères pour plus d’efficacité, au regard des enjeux et priorités du moment. Au vu de ces recommandations, c’est à se demander si les participants aux Assises n’ont pas été gagnés par une certaine euphorie au point d’oublier que le discours et les actes sont désormais à la réduction du train de vie de l’Etat.
Pas plus tard que le 23 mai dernier, le chef de l’Etat, au cours d’un séminaire gouvernemental, demandait aux ministres de faire le point, chaque deux semaines, des fonctionnaires réellement présents à leur lieu de travail. Objectif recherché : maîtriser les effectifs et la masse salariale. Avant cette mesure, le gouvernement avait pris d’autres allant dans le sens de la réduction du train de vie de l’Etat. Ainsi, à son arrivée en fin septembre 2022, le MPSR 2 a relu le décret portant rémunération des membres du gouvernement pour revoir à la baisse leur salaire. Cette relecture a permis de réaliser une économie de plus de 450 millions FCFA. Une autre économie provisoire de plus de 8 milliards FCFA a été réalisée avec l’opération billetage menée en 2023.
Le gouvernement ne s’est pas arrêté à ces actions seulement. Il a instauré une gestion rationnelle du parc automobile, à travers la réduction du nombre de véhicules des ministres et des présidents d’institutions, la rationalisation de la consommation du carburant qui ont permis des économies respectives de plus de 6 et de 2 milliards FCFA. Lors de son passage devant l’ALT, le 1er décembre 2023, pour son Discours sur la situation de la Nation (DSN), le Premier ministre Apollinaire Kyelem a relevé que ces actions de dégraissage du mammouth avaient permis d’épargner en tout plus de 23 milliards FCFA. On n’oubliera pas aussi la suppression d’institutions jugées budgétivores dont certaines étaient même constitutionnalisées. Au nom de la rationalisation des dépenses, le Conseil économique et social (CES), le Médiateur du Faso, la Haute Cour de justice sont passés à la trappe en décembre dernier, à la faveur de la révision de la Constitution. Avant ces institutions, ce sont le Haut Conseil du dialogue social (HCDS) et le Haut Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) qui avaient été rayés d’un trait de plume du paysage institutionnel. Comme on le voit, le gouvernement essaie de traduire, dans les faits, la réduction du train de vie de l’Etat, même si on peut trouver que ce n’est pas suffisant.
C’est dans ce contexte donc que les Assises nationales recommandent une augmentation du nombre des ministres et de celui des représentants du peuple. On se demande comment, par exemple, le gouvernement va s’y prendre à son niveau sans dépasser la limite de 25 ministres maximum fixée dans la Charte de la Transition révisée. La même interrogation est valable concernant l’ALT dont le nombre des députés est aussi gravé dans le marbre avec une limite de 71 membres maximum inscrite dans la même Charte. Va-t-on réviser à nouveau la Charte pour ne pas être en porte-à-faux avec lesdites dispositions ?
Basibiri BAZONGO (Collaborateur)