• Constat sur la desserte de l’Université Thomas Sankara
• Surcharge, retard et insuffisance de bus
• Les réponses de la Commune de Ouagadougou
La Société de transport en commun (SOTRACO) a pour mission d’améliorer les conditions de mobilité des populations dans les principaux centres urbains du Burkina Faso. Elle est présente dans cinq villes, dont Ouagadougou. Ses bus sont beaucoup sollicités par les populations, notamment, les élèves et étudiants dont le nombre ne cesse d’augmenter au fil des années. Déjà, en 2018, le gouvernement a décidé d’augmenter le nombre de bus et d’ouvrir des dessertes sur les universités et grandes écoles des villes du pays. Cela a été une bouffée d’oxygène. Cependant, six ans après, la SOTRACO semble être rattrapée par les mêmes difficultés (surcharge, pannes récurrentes, retard, nombre de bus insuffisant….). Conséquence, on assiste de plus en plus à des conditions de transport qui laissent à désirer. C’est le cas à Ouagadougou. Pour faire le constat, une équipe de L’Economiste du Faso a fait une immersion sur le terrain.
Vendredi 22 mars 2024. Il est 6h 20 mn, devant le mémorial Thomas Sankara. Le ciel sombre a laissé sa place aux premières lueurs de l’aube, lumière douce, teintée d’orange rosée. Pas le temps de rêvasser, le brouhaha qui émane de la file d’attente attire l’attention. Elèves et étudiants bavardent joyeusement, échangent des blagues et des anecdotes, tout en jetant des regards furtifs vers l’horizon, guettant l’arrivée du bus. D’autres, plus loin, anxieux, consultent nerveusement leur téléphone, surveillent l’heure comme une cuisinière devant une casserole de lait sur le feu. Il s’agit de la ligne spéciale étudiants qui mène à l’Université Thomas Sankara (UTS).
Sur cette ligne, 3 bus sont stationnés, en attente du départ. Dès que les portes s’ouvrent, raz de marée, course pour être les premiers à bord, coup de coudes, cris, complaintes. Entre bousculades et grognes, les étudiants embarquent. Malgré la mise à disposition de 3 bus, plusieurs sont laissés en arrière, manque de places. Surchargés, les bus démarrent, sous les regards envieux de ceux qui comme nous, n’ont pas pu y être. Les allées sont occupées, aucune place de libre, pire, les portes du bus refusent de se refermer. Les plus courageux s’accrochent à ce qu’ils peuvent, bon an, mal an, direction l’université.
Dans l’attente du prochain départ, les autres sont restés dans le rang qui ne cesse de s’allonger avec l’arrivée d’autres étudiants. Debout depuis plusieurs minutes, on pouvait lire la frustration sur les visages. Les moins endurants se sont retirés du rang pour se reposer tout en gardant un œil sur leur place. « Ça, c’est le quotidien ici. Ce n’est pas facile. La SOTRACO n’arrive pas à combler les besoins des étudiants. Pour être au campus à 7h, il faut se lever très tôt », nous informe un étudiant, à côté de nous.
Un autre étudiant qui venait d’arriver tente d’ironiser la situation en s’adressant à sa camarade qui était dans le rang : « donc ça fait longtemps que tu es ici ? Pour ne pas subir cette souffrance, je t’ai dit de changer de quartier. Cette ligne est beaucoup empruntée ». Et à cette dernière de lui répondre qu’il sait bien que ce n’est pas une question de changer de quartier. « Cette situation est vécue par les étudiants sur plusieurs lignes de la SOTRACO, à Ouagadougou ici », a-t-elle ajouté.
L’attente devient longue dans la file indienne, on se tourne les pouces et les discussions se font à voix basse. Certains étudiants échangent sur les cours, pendant que d’autres ont les yeux rivés sur leur téléphone. A 8h, un autre bus se gare. C’est le second départ pour l’UTS. « Respectez le rang SVP », peut-on entendre des voix dans le rang, interpellant ceux qui tentent de se faufiler pour intégrer le rang. Agrippé au sac à dos de l’étudiant en anglais devant nous, nous avons joué du coude et des jambes pour embarquer enfin à notre tour. Manque de place, comme plusieurs autres usagers du bus, nous voilà agrippé au siège, soulagé et ravi de pouvoir enfin embarquer. Il était plein.
La Commune de Ouagadougou propose des réponses
L’Economiste du Faso a approché la Délégation spéciale de la ville de Ouagadougou. Son président, Maurice Konaté, explique que les difficultés qui émaillent l’offre de transport de la SOTRACO à l’endroit des usagers, en général, et des élèves et étudiants, en particulier, « sont effectivement de notoriété publique ». Et d’ajouter que « la Commune de Ouagadougou est très sensible à cette problématique et a anticipé, en érigeant la mobilité urbaine au rang de ses priorités dans le Plan de développement municipal (PDM) 2016-2021 et en la réinscrivant dans le programme de mandat de la Délégation spéciale, à travers le Plan de mobilité à l’horizon 2030, articulé autour de quatre axes d’intervention : la fluidité de la circulation, le renforcement des infrastructures routières, la valorisation du transport en commun et le renforcement des infrastructures de stationnement ».
Sur la question de savoir ce qui est mis en place par la Mairie, afin de soulager ces élèves et étudiants usagers des bus, Maurice Konaté a rappelé que « les difficultés de mobilité des élèves et étudiants découlent de celles de la SOTRACO à remplir sa mission de service public pour l’ensemble de la ville de Ouagadougou, conformément à la délégation de service public dont elle est détentrice. L’offre de transport proposée par la SOTRACO est, en effet, déficiente à tout point de vue, si fait que les élèves et étudiants, qui font partie des couches sociales les plus vulnérables, se retrouvent très affectés par la médiocrité du service. Ils sont donc confrontés, au quotidien, au nombre dérisoire de bus en circulation, aux retards, aux pannes et aux surcharges dont les images sont révoltantes ».
Les réponses de la Commune de Ouagadougou
A ces difficultés, la Commune propose des réponses à court et à moyen terme. A court terme, il urge de trouver une réponse palliative à la détérioration avancée du parc de bus en attendant l’effectivité de la nouvelle offre de transport portée par le Projet de mobilité urbaine du Grand Ouaga (PMUGO), qui est la réponse à moyen terme. « Pour ce faire, la Commune de Ouagadougou a sollicité le concours des plus hautes autorités qui se sont impliquées et ont obtenu la mise à disposition gracieuse de la SOTRACO par la société de transport Sana Rasmané (TSR), de 5 autocars en février dernier. Concomitamment, la Commune s’évertue à trouver des ressources avec le concours du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective (MEFP), pour la réhabilitation d’un certain nombre d’autobus en soutien au transport des élèves et étudiants. Par ailleurs, le 6 mars dernier, nous avons signé, à Abidjan, un contrat commercial avec la société Scania West Africa Ltd pour la fourniture, d’ici 12 mois, de 30 autobus de 13 mètres de long. Ledit contrat prévoit également, entre autres prestations, la fourniture de pièces détachées pour deux années d’exploitation et la formation de 90 machinistes et techniciens de la SOTRACO au Ghana et la réalisation d’études techniques », a ajouté le président Konaté.
Il faut préciser que la Commune est à l’origine de la création de la SOTRACO, en 2003, dont elle détient 15% du capital. Elle est à cet effet membre du Conseil d’administration de la Société, ce qui permet aux deux organisations d’avoir des échanges permanents et de travailler ensemble dans le cadre du PMUGO.
TA (Collaborateur)
Encadré
La SOTRACO, bientôt restructurée ?
Dans les réponses à moyen terme pour soulager les usagers des bus, notamment, les élèves et étudiants, la Délégation spéciale de la ville de Ouagadougou envisage la mise en œuvre du PMUGO qui vise la mise en place d’une nouvelle offre de transport collectif structuré et d’une nouvelle gouvernance des mobilités urbaines dans le territoire communal. A cet effet, les actions suivantes sont prévues :
– l’opérationnalisation d’une autorité organisatrice de la mobilité dans le Grand Ouaga, en l’occurrence le Conseil des transports du Grand Ouaga (CTGO) ;
– la restructuration et la recapitalisation de la SOTRACO avec l’Etat et ses démembrements comme actionnaires majoritaires ;
– la mise en place d’un nouveau réseau de transport collectif par autobus dans la ville de Ouagadougou et son hinterland, sous-tendue, entre autres, par la fourniture d’au moins 300 autobus équipés de système d’aide à l’exploitation et à l’information voyageurs (système ITS) à la SOTRACO ;
– la réalisation d’infrastructures pour faciliter l’insertion des autobus dans le trafic avec, notamment, l’élargissement du tronçon de la bataille du rail au rond-point des Nations unies et l’aménagement de couloirs de bus ;
– l’assistance technique et opérationnelle de la SOTRACO pour l’exploitation du nouveau réseau de bus ;
– le renforcement des capacités des acteurs du système de transports urbains ;
– la construction d’un dépôt-bus incluant un centre de maintenance aux normes européennes ;
– l’acquisition de mobilier urbain dédié aux bus ;
– la réalisation d’études techniques, etc.
« La concrétisation de ce projet novateur qui répond aux aspirations d’un développement urbain durable permettra de rendre les bus accessibles à tous les habitants de la Commune, notamment, les étudiants et élèves », soutient le président Maurice Konaté.
Encadré
Projet de mobilité urbaine du Grand Ouaga (PMUGO): « Nous sommes en train de remobiliser le financement », dixit Maurice Konaté, président de la Délégation spéciale
L’Economiste du Faso : Le Projet de mobilité urbaine du Grand Ouaga (PMUGO) devrait résoudre ces difficultés citées plus haut. La Mairie de Ouagadougou est-elle impliquée dans sa mise en œuvre ? Si oui, où en est-on avec le projet ?
Maurice Konaté, président de la Délégation spéciale : « La Commune de Ouagadougou n’est pas seulement impliquée dans le Projet de mobilité urbaine du Grand Ouaga, elle en assure la Maîtrise d’ouvrage, à travers le Conseil des transports du Grand Ouaga (CTGO) où est logée l’Unité de gestion du projet. Ce qu’il faut dire, c’est que la mise en œuvre du PMUGO a souffert de la situation politique de notre pays, parce que la Coopération suédoise qui en assurait 85% du financement a d’abord suspendu sa participation, après le coup d’Etat survenu en janvier 2022, puis s’est définitivement retirée, après les évènements de septembre 2022. Nous sommes donc en train de remobiliser le financement avec le soutien de nos plus hautes autorités qui ont manifesté leur intérêt et leur confiance au projet. Nous profitons de cette tribune pour adresser nos vifs remerciements au président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, qui, au-delà de soutenir la Commune de Ouagadougou, est très sensible au sort peu enviable de nos élèves et étudiants dont la mobilité est devenue une gageure, et qui est mobilisé pour qu’une solution pérenne soit mise en place.
Dans sa mise en œuvre (PMUGO), il était prévu la fourniture de 300 bus modernes au profit de la population de Ouaga. Combien de bus ont pu être livrés ?
Compte tenu des conséquences induites par le départ de la Coopération suédoise, à savoir la perte d’une partie substantielle du financement du projet, la livraison des bus n’est pas encore effective. Néanmoins, le volume annoncé d’au moins 300 autobus est toujours d’actualité, car nous voulons pour notre ville, un réseau de transport collectif moderne, avec une fréquence de bus de 15 à 20 minutes sur chaque ligne, des arrêts de bus équipés d’un système d’information précisant le temps d’attente, des arrêts de bus modernes et, cerise sur le gâteau, des bus dont le confort et la qualité tranchent avec les épaves en circulation actuellement.
Propos recueillis par TA (Collaborateur)