• Conseil juridique, coopération et vulgarisation du droit, les principales activités
• Dématérialisation des procédures et ouverture d’une école de droit communautaire en vue
A l’audience solennelle d’une rentrée judiciaire de la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le tableau du cérémonial n’a pas changé. Quelques principaux actes : l’annonce de l’ouverture de l’audience par le président de la Cour, les réquisitions de l’Avocat général, l’allocution d’un représentant des Avocats, mais surtout la présentation d’un rapport par le Juge rapporteur avant que le président déclare la clôture de l’année judiciaire précédente et l’ouverture de la nouvelle. Ce qui diffère véritablement d’une année à l’autre, c’est le thème de la rentrée.
Pour 2023-2024, la rentrée qui a eu lieu le 20 décembre 2023, à Ouagadougou, a été placée sous le thème de « l’activité non judiciaire de la Cour de justice de l’UEMOA ». « C’est un thème très important pour la Cour et l’ensemble de l’Union », a commenté l’Avocat général, Kalifa Bagué. Une importance que tente de démontrer le rapport, lequel a été présenté par le Juge Sabi Abdourahamane Gayakoye.
Avant d’en venir aux activités non judiciaires en question, le rapporteur a rappelé un rôle majeur que joue la Cour de justice dans l’architecture institutionnelle de l’UEMOA, étant cet organe de contrôle juridictionnel chargé de rendre effective l’application uniforme des différentes normes édictées par l’Union dans tous les Etats membres. « A ce titre, la Cour est compétente pour connaître du recours en manquement, du recours en appréciation de légalité, du contentieux entre l’Union et des agents, du recours en responsabilité, du renvoi préjudiciel des différends entre les Etats membres et du recours en matière de concurrence », a expliqué le rapporteur.
Pour être efficace, la justice, selon Sabi Abdourahamane Gayakoye, doit être « connue, comprise et acceptée par ses destinataires ». Pour autant, la Cour qui n’a pas compétence d’auto-saisine s’emploie à des activités non judiciaires. C’est justement ces activités que le rapport de la rentrée judiciaire répartit en trois volets, à savoir : le Conseil juridique ; la promotion du droit communautaire et la coopération judiciaire.
Par Conseil juridique, il faut entendre la compétence consultative de la Cour. « C’est un mécanisme qui permet à cette dernière de conseiller les Etats et les organes soit sur des projets de textes en instance d’adoption, soit par rapport à une difficulté d’application ou d’interprétation des textes. C’est ainsi que la Cour a rendu à ce jour, une vingtaine d’avis sur demande à propos du Burkina, du Mali de la Commission, de la Chambre consulaire régionale et de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest », a fait savoir le rapporteur.
S’agissant des activités de promotion, le rapport note, d’emblée, que le droit communautaire, à l’image de la Cour elle-même, de ses organes et de son fonctionnement, est peu connu des citoyens de l’Union. D’où des activités de vulgarisation de textes et normes communautaires ces dernières années à l’endroit de publics cibles divers tels que les acteurs judiciaires, les étudiants, les Forces de défense et de sécurité, les administrations douanières, des opérateurs économiques, etc. « Ces actions de formation ont consisté en des séminaires régionaux ou nationaux, des colloques, des sessions de formation dans des écoles et instituts », a détaillé Sabi Abdourahamane Gayakoye.
Quid de la coopération judiciaire. Elle est aussi bien bilatérale et multilatérale. En effet, la Cour de l’UEMOA participe à des espaces de travail réunissant des juridictions d’horizons divers mais entretient aussi des relations d’amitié et de travail avec d’autres Cours et institutions sœurs africaines et dans le monde. A titre d’exemple, un protocole d’accord la lie à la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples. « Les échanges avec les autres cours ont permis de régler des problèmes qui nous sont communs, notamment, l’exécution de nos décisions et la méconnaissance de nos procédures par les justiciables », soutient Sabi Abdourahamane Gayakoye.
En guise de bilan, la Cour se félicite d’acquis engrangés au cours des dernières années en matière d’activité de conseil, de promotion du droit communautaire et de coopération. En perspectives, elle envisage un renforcement de la coopération avec les juridictions sœurs. Cela passera notamment, par l’élaboration prochaine d’un plan stratégique de l’institution. Si par ailleurs, des recommandations de la Cour sont prises en compte, une école de formation sur le droit communautaire ouest-africain devrait voir le jour, et l’accessibilité de la Cour améliorée à travers la dématérialisation des procédures.o
Béranger KABRE (Collaborateur)
Encadré
L’hommage de la Cour à un défunt membre, Daniel Amagoin Tessougué
Instituée par les articles 16 et 38 du traité du 10 janvier 1994, la Cour de l’UEMOA est une juridiction permanente de 8 membres, à raison d’un membre par Etat, nommés pour un mandat de 6 ans renouvelable par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union. L’actuel collège, présidé par le Sénégalais Mahawa Sémou Diouf, est en place depuis février 2018. L’audience du 20 décembre a été l’occasion pour la Cour de rendre hommage à un défunt membre, en l’occurrence le Malien Daniel Amagoin Tessougué, anciennement juge et président de la Cour, décédé en juin 2023. Dans un discours, Mahawa Sémou Diouf lui a rendu hommage en saluant la mémoire d’un homme « au sens élevé du travail bien fait », « un magistrat émérite d’une envergure intellectuelle remarquable ».o