• Selon une étude commanditée par INADES/Fondation
• Menée dans les zones maraîchères et cotonnières
• De sérieuses menaces sur l’alimentation saine et durable
L’utilisation intensive de pesticides chimiques dans les champs pose de sérieuses menaces sur l’alimentation saine et durable. C’est la conclusion d’une étude traitant de la nécessité de réduire, voire d’abandonner l’utilisation de pesticides chimiques de synthèse dans l’agriculture pour des pratiques culturales plus viables et durables. L’étude a été conduite par une équipe pluridisciplinaire (agro-pédologue, agronome spécialiste du coton, sociologue, technicien spécialisé en contrôle qualité) coordonnée par le Centre national de la recherche scientifique et technologique et l’Institut de recherche en sciences appliquées et technologies (CNRST/ IRSAT1).
Elle a été commanditée par l’Institut africain pour le développement économique et social-Agri Service-Centre africain de Formation/Burkina Faso (Inades-Formation Burkina). Cette étude a été initiée dans le cadre de la « Campagne Conscience Alimenterre pour un plaidoyer en faveur de la réduction de l’utilisation des pesticides chimiques de synthèse dans l’agriculture » et réalisée avec l’appui financier des structures suivantes : MISEREOR, Broederlijk Delen, Cnabio, partenaires de la campagne.
Elle se concentre sur les zones à forte production maraîchère et cotonnière au Burkina Faso, notamment, le Nord, le Plateau central, la Boucle du Mouhoun, les Hauts-Bassins, le Centre-Nord et le Centre. L’étude a combiné la recherche documentaire, la documentation des faits et des mécanismes qui entretiennent les systèmes constatés, les enquêtes par questionnaire, des entretiens auprès des personnes ressources et des analyses d’échantillons de sols, eaux et cultures, en août 2022, pendant la saison pluvieuse.
Au total, 210 producteurs en zone cotonnière comme maraîchère ont été enquêtés à raison de 30 producteurs par localité. 14 vendeurs non formels de pesticides chimiques et 4 grandes sociétés formelles existant à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou (SAPHYTO, PROPHYMA, SENEFURA et Faso plante) ont été retenus pour les entretiens. D’autres sociétés formelles n’ont pas donné de suite favorable. 70 consommateurs (autant de femmes que d’hommes) ont été enquêtés par questionnaire selon un choix aléatoire.
Il ressort que le Burkina Faso ne dispose pas d’une industrie de production phytosanitaire. Il existe plutôt une industrie de formulation et de conditionnement. Le pays importe d’énormes quantités de pesticides qui entrainent la sortie de plusieurs devises. C’est ainsi que de 2015 à 2021, il a été enregistré des importations annuelles officielles de 4.000 à 7.000 tonnes de pesticides (sous forme de formulation commerciale) par an, avec une valeur annuelle de 9 à 30 milliards FCFA.
Les producteurs utilisent non seulement des doses trop élevées pour traiter leurs cultures, mais ils le font en grande majorité sans protection individuelle adéquate. Dans la zone cotonnière, la plupart des producteurs utilisent un cache-nez (d’ailleurs souvent réutilisé) et des gants pendant les traitements, mais 10 à 20% des producteurs de coton travaillent sans aucune protection individuelle. La situation est bien pire en zone maraîchère, où, dépendant de la zone, entre 35% et 80% des producteurs ne portent aucun équipement de protection individuelle pendant les traitements phytosanitaires.
Des produits maraîchers contaminés par plusieurs pesticides
Pendant la saison des pluies, peu de légumes sont cultivés. Néanmoins, les prélèvements dans différentes zones maraîchères montrent que le niveau de résidus de pesticides sur la plupart des légumes dépassait largement la LMR. Sur le piment, des résidus de 5 différents pesticides, qui ne sont pas approuvés pour utilisation en Europe, ont été retrouvés, et ceci, dans des concentrations bien plus élevées que la LMR.
Les eaux de puits sont non potables et les barrages fortement contaminés. Sans exception, les eaux de puits étaient contaminées par un cocktail de pesticides. Les prélèvements ont révélé des résidus de 3 à 6 pesticides interdits en UE par puits, menant à des concentrations accumulées entre 8 et 30 μg/L dans les eaux de puits. Les limites pour l’eau potable sont donc dépassées entre 16 et 60 fois ! Les eaux de barrages sont également contaminées par plusieurs pesticides. Des substances trouvées ressentent une toxicité aiguë et à long terme pour l’environnement aquatique. Mévinphos et Terbuphos sont des substances qui sont aussi très dangereux pour la santé humaine, les abeilles et les oiseaux.
Malheureusement, il est très difficile pour les services de santé d’établir le lien entre les maladies et l’usage des pesticides. Ce qui rend difficile la prise de conscience effective sur les dangers que présentent ces pesticides chimiques. Cependant, la forte présence de certains pesticides susceptibles d’être cancérigènes tels que le diuron, le glyphosate et le propargite dans les eaux et les aliments peut vraiment menacer la santé des producteurs et plus largement les citoyens burkinabè.
La majeure partie des consommateurs sont conscients de la dangerosité des pesticides chimiques. Cependant, leur perception sur le niveau de dangerosité de ces pesticides diffère d’une localité à l’autre. Bien que certains consommateurs achètent des produits bio, la plupart pensent qu’il suffit de laver les légumes au savon, ou même à l’eau de javel pour enlever les pesticides.
Moumouni SIMPORE
Encadré
Quid des pesticides
La FAO (2003) définit les pesticides comme « toute substance ou association de substances qui est destinée à repousser, détruire ou combattre les ravageurs, y compris les vecteurs de maladies humaines ou animales, les espèces indésirables de plantes ou d’animaux causant des dommages ou se montrant autrement nuisibles durant la production, la transformation, le stockage, le transport ou la commercialisation des denrées alimentaires, des produits agricoles, du bois et des produits ligneux, des aliments pour animaux, ou qui peut être administrée aux animaux pour combattre les insectes, les arachnides et autres endo ou ectoparasites ».