MARRAKESH – Au cours des deux dernières années, de nombreux rendez-vous internationaux ont porté sur l’avenir du système financier international. Au cours des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale pour lesquelles nous nous sommes retrouvées à Marrakech, nombreux étaient ceux qui posaient encore la question : est-il encore raisonnable de penser pouvoir moderniser les institutions actuelles ? Certains affirment que cela n’est ni possible, ni souhaitable.
Prouvons-leur qu’ils ont tort.
Nous nous sommes rendus à Marrakech quatre mois après que des dirigeants de la planète entière se sont retrouvés à Paris, au Sommet, pour un nouveau pacte financier mondial, où furent adoptés quatre principes pour guider nos efforts pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et aider les pays confrontés aux crises climatiques. Ces principes – les quatre piliers du Pacte de Paris pour la Planète et les Peuples – faisaient écho aux décisions financières adoptées à la COP 27 de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se tenaient à Sharm el Sheikh, sept mois plus tôt. Ces principes ont ensuite animé les négociations qui se sont tenues au Sommet du G20 de New Delhi, tout comme au Sommet Afrique-Climat de Nairobi, ou plus récemment encore à l’Assemblée générale des Nations unies.
Quels sont ces principes ? Le premier : aucun pays ne doit avoir à choisir entre combattre l’extrême pauvreté ou les dérèglements climatiques. Le deuxième : la trajectoire de développement d’une Nation doit être fondée sur ses priorités nationales, tout comme sa transition écologique. Le troisième : un choc de finance concessionnelle est nécessaire. Et enfin : il est indispensable de mobiliser les financements privés pour accélérer la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations unies.
Faut-il des résultats chiffrés pour mesurer ce que le Pacte a déjà permis d’obtenir ? Sur la finance concessionnelle, notons que les chefs d’Etat et de gouvernement du G20, réunis à Delhi, en septembre, se sont accordés pour débloquer 200 milliards de dollars pour augmenter les capacités de financement des banques multilatérales de développement.
Faut-il des voix nouvelles pour témoigner de la vitesse à laquelle le système financier international est en train d’évoluer positivement ? Nous voici. Nous venons toutes deux de nations très différentes, l’Egypte et la France, mais nous sommes rassemblées par une certitude : il est tout à fait possible de remodeler l’architecture financière internationale actuelle. Au cours de ces quelques dernières années, nous avons été témoins de plusieurs avancées majeures en ce sens. Et nous continuerons de donner de l’élan à cette dynamique.
Il y a deux ans encore, la mise en œuvre d’une relance budgétaire mondiale pour dépasser la pandémie de Coronavirus relevait d’un incommensurable défi. Et pourtant, nous sommes parvenus à un accord mondial pour l’émission de 650 milliards de dollars de Droits de tirage spéciaux, la devise de réserve du FMI, et nous avons obtenu l’engagement des économies avancées à rediriger 20% de ces droits vers les pays qui en ont le plus besoin. La France est même allée plus loin, en promettant d’élever ce ratio à 40.
Voici trois ans, qui aurait pu imaginer que les grands créditeurs bilatéraux se coordonneraient pour résoudre ensemble les crises de dette souveraine ? Et pourtant, en 2020, les puissances du G20 – de la Chine aux Etats-Unis en intégrant les membres du Club de Paris – ont accepté de travailler ensemble dans un Cadre commun de gestion de la dette. Son élaboration se poursuit encore, mais ce Cadre commun a déjà permis d’obtenir des résultats considérables, dans le cas du Tchad ou de la Zambie, par exemple.
Quand on regarde deux ans en arrière, on fait également le constat qu’à l’époque, les négociations sur la finance-climat étaient paralysées par un sujet très sensible : le retard pris par les économies avancées pour soutenir les efforts d’adaptation et d’atténuation des pays en développement à hauteur de 100 milliards de dollars par an, comme elles s’y étaient engagées. Lors de la COP 27 en Egypte, nous avons surmonté cette question et sommes même parvenus, grâce au plaidoyer de l’Union européenne, à trouver un accord pour traiter la question des pertes et dommages.
De même, qui aurait pu envisager, il y a deux ans encore, que l’exposition aux risques climatiques serait prise en compte comme un paramètre central des modèles des banques multilatérales de développement ? C’est désormais une donnée que commencent à inclure les plus grandes d’entre elles, à commencer par la Banque mondiale, qui avancent à grand pas dans cette direction. Ajoutons que l’évolution des aides bilatérales, françaises et britanniques notamment, poursuit le même objectif, puisque les prêts octroyés comportent désormais des clauses permettant la suspension du service de la dette en cas de catastrophe climatique.
Il y a deux ans, nous ne disposions pas non plus d’une boîte à outils pour penser un partenariat international sur la base des priorités politiques de la Nation bénéficiaire. Désormais, cette notion de « plateforme-pays » est devenue la norme de la coopération. En charge de ces partenariats dans nos pays respectifs, nous pouvons témoigner des résultats de cette approche renouvelée, très positifs pour toutes les parties. Lancé à la COP 27, le programme « Nexus of Water, Food and Energy » (NWFE), construit sur les enjeux propres à l’Egypte, a montré l’exemple. La France – et ses partenaires bailleurs – fonctionne de la même manière en soutenant des pays comme l’Indonésie, le Sénégal, l’Afrique du Sud ou le Vietnam par des « partenariats de transition énergétique juste » (JETP), destinés à accompagner leurs propres efforts pour sortir des énergies fossiles.
Il y a deux ans enfin, qui aurait pu imaginer un tel consensus mondial pour la réforme de l’architecture financière internationale ? Et pourtant, à Marrakech, des avancées décisives ont été actées. Dans la dynamique du Pacte de Paris pour la Planète et les Peuples adoptés en juin, nous avons confirmé la double ambition d’éradiquer de la pauvreté et de lutter contre les dérèglements climatiques et avons pris, au surplus, des engagements financiers pour la défense des biens publics mondiaux, comme la santé publique.
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Encadré
Faire fonctionner le système existant
Les Assemblées de printemps du FMI et de la Banque mondiale, tenues à Washington plus tôt cette année, avaient déjà débloqué 50 milliards de dollars de plus pour la Banque mondiale. A Marrakech, certains pays ont lancé des instruments innovants additionnels pour renforcer encore les capacités financières de la Banque.
Près d’un an après la COP 27 qui s’est tenue en Egypte, les Assemblées annuelles du Fonds et de la Banque qui se sont tenues au Maroc l’ont prouvé une fois de plus : là où il y a une volonté politique, il y a un chemin. Nous pouvons réellement faire advenir un système financier international plus juste et plus efficace. Alors, plutôt que de chercher à créer des enceintes alternatives, nous devons concentrer nos efforts sur l’essentiel : faire fonctionner le système existant.