Les premiers signes de civilisation, ainsi que les sciences grâce auxquelles l’humanité progresse auraient pris naissance en Afrique. Anta DIOP (1981), Théophile OBENGA (1985) et Jean-Philippe OMOTUNDE (2000), en plus de démontrer cela, ont même démenti la paternité des théories dites de Pythagore, de Thalès ou d’Archimède qu’ils estiment avoir déjà été découvertes par les Africains 2000 ans plutôt. L’Africain contemporain, avec ces genres d’informations, ne pouvait pas continuer à croire qu’il est l’être le moins civilisé et le moins habile comme on a tenté de le faire croire dans un passé récent. Mieux, aujourd’hui encore, dans tous les domaines, l’Africain n’a cessé de démontrer le contraire. Par exemple, le meilleur triple sauteur mondial est Burkinabè (Budapest, 2023) ; le laboratoire de Nanoro, en 2023, fait du Burkina Faso l’un des rares pays à mettre au point un vaccin contre le palu…. Chaque fois qu’il est donc question d’aborder les problèmes des pays pauvres, l’Africain ne manque pas de cas de héros solitaires à citer pour montrer qu’il a toujours été meilleur et que sa situation s’expliquerait alors par la mauvaise foi de l’autre. Cependant, cette victimisation donnant souvent naissance à de discours musclés pour s’affirmer a longtemps eu peu d’effets. De ce fait, aujourd’hui, de nouvelles pistes d’explications méritent d’être explorées, notamment, pour expliquer pourquoi c’est l’Africain qui est toujours disposé à la domination, afin de dégager des propositions.
Les vraies sources de la domination
Les portes d’entrée de la domination étrangère : la vulnérabilité, la pauvreté et l’insécurité
L’Africain a toujours été confronté à trois problèmes qui lui disposent à la domination, dont la vulnérabilité, la pauvreté et récemment, l’insécurité. Une enquête de l’INSD montrait, par exemple, qu’en 2004, sur 100 Burkinabè, près de 57 ne pourraient pas s’assurer les besoins vitaux si leurs activités quotidiennes venaient à prendre un coup. En cas de catastrophe, ils ne comptent que sur l’Etat qui n’est pas le plus souvent mieux préparé, parce que manquant de planification. En effet, il n’est pas rare de voir, lors des simples cas d’inondation ou de mauvaises saisons, des pays africains ne compter que sur la communauté internationale. En outre, une grande partie de la population, confrontée au chômage, fait face à une précarité multidimensionnelle, manquant ne serait-ce que l’eau, la nourriture ou l’habit, en témoignent les rapports de Oxfam (2019), de la CMES (2023) et de l’INSD (2019). Enfin, aujourd’hui, les pays du Sahel font face à de groupes armés terroristes qui les attaquent de partout, tuent des populations innocentes. Les rapports du CONASUR (2023) et de l’ITM (2023) indiquent une aggravation de plus de 2000% depuis 2015, avec le Burkina en tête. C’est donc cet Africain vulnérable, pauvre et incapable de se défendre par lui-même qui n’aurait pas le choix que de souhaiter la bienvenue à toute main pouvant aider.
Mentalité négrière et domination étrangère : entre complexe et cupidité et esprit d’assistanat
Libéré de l’esclavage et de la colonisation, l’Africain devrait normalement prendre son destin en main.
On explique difficilement donc que les démons d’hier soient redevenus les anges devant résoudre les problèmes africains. Mais à bien y regarder, c’est l’Africain qui aurait une mentalité favorable à la domination. En effet, l’Africain est un être très complexé (Axelle Kabou, 2000) qui n’apprécie que ce qui est étranger, et ses propres principes ne tiennent que le temps d’apprendre le contraire chez l’autre.
A la rencontre de certains égarements souvent classés parmi les principes démocratiques, la société africaine a perdu son organisation socioéconomique. Jadis capables de se sécuriser à moindre coût, car tous les jeunes étaient mis en état de se défendre, aujourd’hui, les populations sont tuées sans défense, parce que les démocrates ont souhaité qu’elles attendent l’armée pour les défendre. Ayant mal mimé la vie de l’autre, il ne retrouve plus entre sa sociabilité qui lui est innée et le capitalisme importé.
Au nom du capitalisme ou de l’individualisme, la famille, la communauté a perdu son prestige de sécurité sociale. Désormais, l’Africain capitaliste veut s’enrichir vite [donc il vole] et seul [donc au détriment de son frère].
Ce qui mène les pays en inefficacités productives et à la polarisation des revenus. C’est cet Africain complexé, cupide, abandonnant pour lui et singeant pour l’autre, qui favorise l’intrusion de l’autre pour lui assister, organiser ou enseigner.
Le chemin de la souveraineté : production, planification et science
Malgré que Soyinka (1962) nous informe que « le tigre ne réclame pas sa tigritude » ou qu’un adage africain stipule que « la main qui demande est toujours tendue en bas », plusieurs Africains laissent croire qu’on peut revendiquer la souveraineté, pire, l’obtenir en changeant la personne à qui on tend la main. La vraie souveraineté commence par cesser de tendre la main, notamment, pour se nourrir, s’habiller et se défendre. Pour cela, il faudrait produire, et produire utile. Les terres fertiles doivent être employées dans la production des biens indispensables aux Africains (la nourriture), avant d’être affectées aux cultures de rente victimes des humeurs des économies industrialisées. Les pays comme le Burkina Faso et le Mali, par exemple, ne doivent pas être meilleurs producteurs d’un coton qu’ils ne consomment ni ne transforment, pendant que des ONG prolifèrent dans ces pays pour sauver les populations de la faim : les terres africaines doivent d’abord nourrir les masses africaines. Aussi, aujourd’hui, l’insécurité a provoqué un nombre très important de personnes déplacées. Cependant, l’erreur fut de ne pas exploiter efficacement cette force productive que le hasard a ressemblé, de sorte à les sortir de l’assistanat chronique. En réalité, ces personnes représentent un malheur ou un bonheur selon la considération qui leur est faite par les Etats. Au lieu d’être considérées comme de pitoyables, si elles sont accueillies comme de braves qu’il faut à tout prix introduire dans le système de production, ces personnes vont même produire et nourrir des sédentaires. C’est l’occasion d’inventer de nouveaux schémas de production, de tenter l’impossible en matière de technique productive : il faut savoir profiter des malheurs.
En outre, l’Africain doit arrêter d’être ce vulnérable qui ne cesse de tendre la main à la moindre épreuve. Pour cela, il doit apprendre à organiser son avenir, à travers une planification structurelle. Le rôle du dirigeant serait alors de n’exécuter que des plans étalés sur plusieurs années, au lieu d’élaborer de politiques de tâtonnement, myopes, ne prévoyant rien comme trajectoire commune pour l’avenir. Par ailleurs, l’innovation par la science et la technologie est l’un des moteurs les plus puissants du développement (Schumpeter, 1991). o
Armand Ahibouga YAOUI,
Étudiant en Analyse et Politique de Développement, auteur de crise du capital humain
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Encadré
« L’Africain importe tout »
Cependant, l’Afrique est longtemps restée en marge de la recherche scientifique (BM, 2019), qui est pourtant utilisée comme une force dominatrice contre elle. Resté improductif, aujourd’hui, l’Africain importe tout, même l’arme pour se défendre, il doit la négocier avec son camarade tiers-mondiste d’hier qui a brandi la science pour devenir « dragon d’Asie ». Continent à ressources naturelles abondantes, l’Afrique doit épouser la science pour transformer ses produits, afin de se libérer de la dépendance des manufactures étrangères. Au-delà, l’Africain doit arrêter les débats historiques périmés et travailler en silence, à l’image de l’Asie. Il doit savoir éviter aussi les débats internes inutiles, d’hésitations conduisant toujours à l’indécision et aux fissures, pour faire place au progressisme. Les intellectuels africains devraient donc être plus des forces de propositions plutôt que d’objections exclusives.o