Au Burkiina faso, 12 filières agricoles sont régies par la loi n° 050-2012/AN du 30 octobre 2012 et ses sept décrets d’application. Afin de leur permettre d’avoir une autonomie financière pour la mise en œuvre de leurs missions, cette loi stipule l’instauration de la Contribution forfaitaire obligatoire (CFO), prélevée au niveau des acteurs de la filière. L’élaboration d’une nouvelle loi pour instaurer des taxes/prélèvements sur les produits des filières porteuses en lieu et place de la CFO divise les acteurs. Pour dénoncer cette situation, le Cadre de concertation des organisations interprofessionnelles agro-sylvo-pastorales, halieutiques et fauniques (CCOIP-ASPHF) a organisé une conférence de presse, le 29 juillet 2023, à Ouagadougou. Le coordonnateur de ce cadre, Paul Ouédraogo, explicite ici les enjeux. Cette interview a eu lieu en juillet, avant les états généraux sur les filières porteuses de fin août dernier.
L’Economiste du Faso: Les interprofessions ne semblent pas en phase avec le ministère du Commerce sur les prélèvements dans les filières, de quoi s’agit-il ?
Paul Ouédraogo: C’est plutôt le ministère du Commerce qui a des problèmes avec la loi O50-2012/AN DU 12 oct2012 sur les interprofessions, notamment, son volet de prélèvement de la contribution forfaitaire obligatoire, CFO. Le ministère trouve que la loi 050 citée plus haut n’est pas une bonne loi ; par conséquent, il propose ou impose une autre loi dite ‘’prélèvement sur les filières porteuses’’.
Si cette loi du ministère du Commerce prospère, elle vide la loi 050 de toute substance. Il faut remarquer que le ministère du Commerce n’est ni la tutelle technique des interprofessions, ni même concerné par la loi 050 régissant les interprofessions. Il s’agit d’un abus de position et d’une volonté d’accaparement de ressources au détriment des interprofessions pour en faire une sorte de caisse de stabilisation des prix de produits agricoles ou de promotion des filières.
Or, le développement des filières ‘’porteuses’’ incombe aux interprofessions selon la loi 050 ! Pas à un ministère particulier, surtout pas au commerce !
Nous sommes donc contre cette tentative de contournement du ministère du Commerce.
C’est la destination du prélèvement qui pose problème ou bien la clé de répartition ?
La contribution forfaitaire obligatoire (CFO) est un mécanisme d’autofinancement des IP prévu par la loi 050. Le ministère du Commerce n’est ni impliqué, ni concerné par les filières dites ‘’porteuses’’.
Par conséquent, ce ministère ne peut se prévaloir de la gestion des filières agricoles. Nous contestons ces prétentions et ces activités sur les filières.
Nous reconnaissons, cependant, que le ministère du Commerce peut gérer des projets des bailleurs de fonds au profit des interprofessions, mais de là à s’accaparer des prérogatives des interprofessions, il y a un pas à ne pas franchir.
Est-ce à dire qu’avec les nouvelles lois sur les filières porteuses, une filière comme la mangue va perdre ses acquis ?
Tout à fait ! Mais pas seulement la mangue !
Il y a les autres filières qui vont tout perdre, non seulement les ressources pour mener les activités de développement des filières, mais surtout leur autonomie de représentation des filières
Quelle est la solution afin que tout le monde sorte gagnant dans cette affaire ?
Le ministère du Commerce ou tout autre ministère doit abandonner toute tentative de régenter ou de s’accaparer des prérogatives des interprofessions reconnues par la loi ! Quelqu’un parmi eux avait juré de faire abroger la loi O5O pour avoir le champ libre ! Nous leur disons que c’est une erreur de leur part, même si on a le pouvoir, car c’est un hold up à ne pas commettre !
La Justice a émis un avis sur une plainte de la table filière karité, pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est plutôt la filière anacarde qui est dans cette situation, en raison des prélèvements illégaux sur les filières sans les interprofessions.
Si on n’y prend garde, toutes les interprofessions qui sont dans cette situation de prélèvements en dehors de toute légalité vont emboîter le pas à l’anacarde. Pour nous, il faut mettre l’accent sur l’application de la loi 050, à savoir la contribution obligataire forfaitaire, la CFO, par les interprofessions !
Le mot de la fin ?
La loi autorise les interprofessions à prélever la contribution forfaitaire obligataire au sein des filières pour le développement de chaque filière agricole.
Cette CFO est mise en œuvre avec l’appui de l’Etat. A cet effet, nous remercions le ministère de l’Agriculture pour son appui à la mise en œuvre de la CFO, à travers les interprofessions. La CFO est un outil de financement autonome des interprofessions prévu par le législateur depuis 2012. Elle permet aux différentes interprofessions de financer les activités de développement des filières, évitant ainsi aux IP de tendre la main vers les bailleurs de fonds, devenus trop compliqués et rares en ces temps de crise sécuritaire.
Entretien réalisé par F.W