• La santé des consommateurs en danger
• La loi n’est pas respectée par tous les producteurs
• Un manque à gagner pour les fabricants
D’après le site d’information de « Investir au Burkina Faso », le pays compte 54 marques d’huiles alimentaires importées et autorisées par les structures compétentes, contre 34 marques d’huiles alimentaires produites localement. Et toujours selon Investir au Burkina, 73 unités de production d’huile sur 138 étaient agréées en 2021. L’année dernière, en 2022, le ministère du Développement industriel, de l’Artisanat, du Commerce et des Petites et Moyennes entreprises a mis en place un groupe de travail chargé de l’identification des huileries triturant la graine de coton. Dans son rapport, 85 huileries ont été recensées sur la base de la détention d’une autorisation d’implantation dans une zone industrielle ; d’une décision de production et d’une autorisation de mise à la consommation.
Cela fait donc un paquet de producteurs de marques d’huiles qui est soumis également à la règlementation de l’arrêté conjoint N°2011-0264/MICA/MEF/MS /MEDD/MFPTSS portant règlementation des installations d’unités de production d’huiles alimentaires au Burkina Faso, signé le 09 décembre 2011, qui stipule en son article 26 et 27 que :
«L’huile alimentaire est conditionnée dans des fûts, des tonnelets en fer blanc, des bouteilles, des emballages plastiques alimentaires ou dans tout autre emballage résistant aux chocs, ne contenant pas de matières susceptibles d’altérer le produit et n’entrainant pas de danger pour la santé humaine».
«Les emballages doivent permettre une bonne protection de l’huile alimentaire contre les rayons solaires et l’humidité.
Le conditionnement de l’huile alimentaire est précédé d’un nettoyage adéquat des emballages.
«La réutilisation d’emballages ayant contenu de l’huile alimentaire est interdite»
L’objectif principal de cet arrêté est de préserver la santé des consommateurs. Mais force est de constater que sur le terrain règne un vrai désordre, où les producteurs d’huiles pensent plus à écouler leurs produits au mépris de la règlementation. Deux types d’emballages circulent actuellement. Les emballages usagers des marques d’huiles importées et ceux des huiles produites localement. Ce sont ces emballages qui alimentent dans le marché des bidons recyclés à Bobo et Ouagadougou.
A Tampouy, au nord de la capitale, se trouve une bourse d’emballages de toutes sortes. Mais ceux des bidons de 20 litres prédominent. C’est là qu’officie monsieur Soré , revendeur d’emballages, professionnel du domaine, qui cumule sept (7) années d’expérience. Il emploie cinq (5) personnes. Tous affirment tirer leur épingle du jeu grâce à ce commerce, même s’ils déplorent la mévente en cette période creuse où la plupart des unités sont à l’arrêt.
« Les principaux racheteurs des emballages »
A la question de savoir qui sont ses principaux clients, Monsieur Soré est catégorique, même s’il refuse de donner plus d’indications :
«Les huileries situées à la zone industrielle de Kossodo sont les principaux clients des revendeurs d’emballages. Ces derniers préfèrent exclusivement les emballages de 20 litres en bon état ayant déjà contenu de l’huile alimentaire. Après la collecte auprès des revendeurs, ces emballages sont lavés et servent de contenants pour l’huile produite».
Les bidons de 20 litres se vendent entre 700 et 1.500FCFA selon la période.
Les producteurs qui achètent ainsi nettoient et reconditionnent leur huile à l’intérieur pour la revente. Mais ils prennent soin de mettre leurs étiquettes et le tour est joué. En plus du risque que cette pratique fait courir aux consommateurs, parce que les emballages peuvent servir à contenir des produits insoupçonnés qui peuvent y laisser des traces de contamination, elle est déloyale envers les concurrents qui’ s’efforcent de respecter la règlementation en la matière. Ces derniers ont des charges supplémentaires, parce que l’emballage neuf TTC tourne autour de 2600 FCFA.
Autre incidence économique, c’est le manque à gagner sur le chiffre d’affaires des sociétés de fabrication d’emballages. Si toutes les unités de production d’huile s’y approvisionnaient, l’effet d’échelle pourrait faire baisser les coûts de production et maintenir ainsi leur activité. Des usines se sont installées expressément dans l’objectif de répondre à la demande d’emballages neufs exprimée par les huileries. Force est de reconnaitre que les unités d’huilerie ne s’y bousculent pas. Les emballages qui sortent de leurs lignes de production ont une seconde vie qui ne leur profite guère.
Pour cela, il faut une bonne sensibilisation, et après, une bonne répression. Mais cet exercice parait plus difficile, car l’ABNORM (Agence burkinabè de normalisation et de la métrologie), structure en charge de faire respecter cette règlementation, n’a pas tous les moyens humains, matériels pour faire son job.
Les autorités chargées de l’application de l’arrêté sont donc interpellées, car il s’agit d’un phénomène qui, s’il n’est pas endigué tôt, risque de gagner de l’ampleur et est très susceptible de générer un problème de santé publique.
FW et Idrissa ZIDA (Stagiaire)
Encadré
Production d’emballages : un potentiel de 300 mille bidons/an
Un des principaux producteurs d’emballages du pays est basé dans la zone industrielle de Gounghin, à l’ouest de Ouagadougou. Depuis 20 ans, FASOPLAST est fournisseur de plusieurs types d’emballages qui vont des sacs polypropylènes aux casiers de bouteilles, en passant par les toiles d’emballages, bidons bouteilles et jerricans.
A son usine de Gounghin, c’est son Directeur commercial, Youssouf Sanogo, qui nous reçoit, en l’absence du Directeur de l’usine, M. Ilboudo, empêché. Il est formel. Le décret conjoint sur la réutilisation des emballages dans le secteur des huileries vise principalement à la protection des consommateurs; « c’est une question de santé publique, car pour certaines contenances comme les 20 litres, le nettoyage pour d’autres usages n’est jamais parfait et comporte donc des risques en fonction des produits qui vont être transvasés ».
Cependant, cette réutilisation des bidons dans le secteur des huiliers, qui alimente un marché florissant dans les yaars du pays, n’est pas sans effet sur le chiffre d’affaires des usines d’emballages. Quelques unités d’huilerie sur plus de 60 s’approvisionnent directement en usine. Le reste importe ou recyclent les anciens bidons.
C’est un potentiel de près de 300 mille bidons, si toutes les unités s’approvisionnent en usine. Toute chose qui ferait l’affaire des industriels. Le PACAO, le Programme d’appui à la compétitivité en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de son soutien à la « grappe huilerie », a fait une mise en relation entre unités de production d’huiles et les fabricants d’emballages. Selon lui, un travail de sensibilisation est en cours depuis décembre 2022, afin d’amener les acteurs à adopter les bonnes pratiques. Reste à s’entendre sur les prix. Et c’est ici que l’Etat pourrait à nouveau intervenir, à travers des mesures, pour encourager les bidons avec empreinte, comme le fait actuellement la marque d’huile Savor, toute chose qui limiterait la réutilisation par des concurrents ; limiterait la concurrence déloyale et permettrait aux unités d’emballages de tourner dans un cercle vertueux.
Encadré 2
A propos des étiquettes
Selon l’arrêté conjoint N°2011-0265/MICA/MS/MEF portant fixation des caractéristiques des huiles alimentaires destinées à la consommation au Burkina Faso, au chapitre 3 à l’article 10 : les huiles alimentaires doivent être étiquetées, conformément à la Norme burkinabè (NBF).
L’étiquette des emballages doit porter, entre autres, la liste des ingrédients, la destination, les conditions d’utilisation de l’huile, les références de l’autorisation de production (pour la production locale) écrites en langue française.
Ces informations obligatoires permettent au consommateur de savoir faire son choix et en connaissance de cause. Par exemple, les marques enrichies à la vitamine. o