• Des attaques à répétition
• La province a perdu 4 Communes sur 9
• Berceau du mouvement populaire d’auto-défense
Longue de 100 km, la route reliant la ville de Kongoussi à la capitale Ouagadougou est bitumée. Sur environ la moitié du parcours, le trajet est agréable. Cependant, après le village de Malou (70 km de Ouaga), l’atmosphère du voyage change. Aux abords de la voie, des tentes du HCR interpellent. Dans le véhicule qui nous conduit ce 27 janvier 2023, l’ambiance retombe. Nous sommes dans une zone où des populations ont été obligées de fuir leurs villages pour se retrouver en pleine brousse sans le moindre confort.
A l’entrée du village de Sabcé, des populations apeurées, fuyant de toutes parts. Nous sommes interpellés et sommés de faire demi-tour. « Il y a des tirs plus loin, faites demi-tour, n’avancez pas », nous lançait-on. La même recommandation a été faite à une compagnie de transport en commun qui était juste derrière nous. Après une pause d’une heure, nous décidons de poursuivre notre route vers la ville de Kongoussi, située à 15 km de là. A la sortie du village de Sabcé, un véhicule calciné au bord du goudron à gauche, annonce que nous entrons dans une zone de guerre. Finalement et sans aucun incident, nous atteignons Kongoussi. La première chose qui attire le regard, ce sont les longues files de camions pleins de vivres, stationnés des deux côtés de la voie principale qui mène au grand rond-point de la ville. « Ce sont des camions chargés de vivres. Certains sont stationnés ici depuis près de 3 mois », explique le chauffeur qui nous conduit. Selon ses explications, ces camions sont destinés à des villes comme Bourzanga et Djibo. Les routes ne sont plus sûres, ils sont obligés d’attendre le feu vert de l’armée avant de bouger. Seulement 45 km séparent la Commune de Kongoussi à celle de Bourzanga. La voie est devenue quasi inaccessible, laissant les habitants de Bourzanga coupés du reste de la province avec, quelquefois, des sabotages de ponts et d’antennes-relais des sociétés de téléphonie, comme ceux survenus à Yalka et à Woussé. « J’ai dépensé mes frais de route. J’emprunte de l’argent actuellement pour tenir, en espérant pouvoir retomber sur mes finances si j’arrive à bon port », explique un des conducteurs sous anonymat. La ville est paisible, mais les populations vivent dans la peur. Pas le temps de poser une seconde question que déjà l’attroupement autour de nous se dissipe. Personne ne veut parler ouvertement.
La ville résiste toujours…
C’est ici, au milieu du rond-point de la ville de Kongoussi, qu’est né le mouvement populaire d’auto-défense de la région du Centre-Nord. C’était en octobre 2019. Ce jour-là, les habitants de Kongoussi ont accueilli leurs premiers déplacés internes et des marmites de nourriture ont été posées sur le feu en plein milieu des voies, pour soutenir ces personnes fuyant les affres du terrorisme. Une mobilisation qui a conduit à la naissance des VDP dans la zone. Depuis lors, le Bam résiste en silence ou presque.
Deux ans après cette mobilisation, la situation s’est empirée. La province du Bam a perdu 4 Communes sur les 9 Communes qu’elle compte, selon les organisations de la société civile. Pire, en fin septembre 2022, la région comptait plus de 300.000 personnes déplacées internes.
Entre fin décembre 2022 et le 19 janvier 2023, la province a subi plusieurs attaques meurtrières avec des saccages de biens. C’est le cas du marché et du commissariat de Sabcé. Il en est de même pour les villages situés sur les rives gauche et droite du Lac Bam, avant le déguerpissement des habitants. A cela s’ajoute l’attaque de la mine d’or de Bissa gold, dans le village de Bouly.
L’attaque, ce 19 janvier 2023, des positions VDP de Rakoegtenga à Bam-village, avec l’assassinat de 6 VDP, a plongé les Bamois au cœur de l’horreur de la guerre et semble avoir sonné l’heure de la révolte, une fois de plus. Ainsi, le 21 janvier au matin, tous, commerçants, fonctionnaires, orpailleurs, responsables coutumiers, etc., se sont mobilisés. Ils se sont d’abord recueillis sur les tombes des VDP morts pour la patrie, avant de demander plus d’actions de la part des autorités. Pour eux, « le Bam veut et doit retrouver sa quiétude d’antan ».
« Les nuits ne sont plus paisibles »
La nuit est tombée sur la ville, mais la plupart des maquis et restaurants sont encore ouverts. Si ces lieux sont toujours fréquentés, on y note, pour la plupart, l’absence de musique. Peu à peu, la ville s’éteint et le calme prend le dessus. En cette période, le froid qui y sévit décourage les plus courageux et peu à peu, les lieux de rencontres se ferment l’un après l’autre. Pourtant, la nuit n’est pas tranquille. Des coups de feu sporadiques se font entendre, tantôt à l’est, tantôt au nord de la ville de Kongoussi. « C’est ainsi la nuit ici, nous sommes habitués à entendre ces bruits nocturnes », explique notre logeur. Ce matin-là, ce sont les vols rotatifs d’un hélicoptère qui nous réveille. Celui-ci, explique un habitant du quartier, tourne ainsi souvent. Les bruits de ses pales brassant l’air au-dessus des têtes sont bien accueillis, parce que rassurants. « Cela nous rassure et je me sens protégée », affirme Mme Sawadogo. Elle qui a échappé à la mort il y a quelques jours, raconte sa mésaventure.
« C’est la période des récoltes du haricot vert. Et comme je suis vendeuse, je suis allée dans les périmètres maraîchers avec mon sac de pain sucré, à la recherche de clients. J’étais donc dans un champ de haricot vert en pleine discussion sur le prix du pain, quand j’ai entendu des sifflements dans l’air. Je n’ai compris qu’il s’agissait de balles que quand les maraîchers se sont mis à plat ventre au sol et rampaient pour se sauver. J’étais toujours juchée sur ma moto et les maraîchers m’ont conseillé de laisser la moto et de faire comme eux ». C’est en rampant à même le sol qu’elle a réussi à s’échapper ce jour-là. Depuis, elle jure ne plus s’aventurer à plus de 5 km hors de la ville de Kongoussi.
Pour les habitants du Bam, cette guerre imposée est incompréhensible et injuste. Les « gens de la brousse », comme ils les appellent, ne sont pas vus comme des terroristes mais comme des hommes du diable. « Ils ont laissé les saisonniers semer, arroser et entretenir leurs produits et c’est au moment des récoltes qu’ils arrivent et tuent systématiquement tous ceux qu’ils croisent sur leurs chemins. Ils sont dans les champs, ils ne récoltent pas les produits, les laissent faner et sécher sur place et tuent systématiquement quiconque vient pour les récoltes », explique MZ, habitant de la ville de Kongoussi. Pire, maintenant, les victimes qui tombent sous leurs mains sont défigurées. « Je suis allé pour la reconnaissance de mon beau-frère, un VDP tombé dans l’attaque du 19 janvier. Ce sont ses papiers qui m’ont permis de savoir qu’il faisait partie des morts. Son visage a été mutilé et des larges cicatrices marquent son corps. C’est inhumain », explique-t-il désemparé. La discussion n’ira pas plus loin. La peine est intense, la douleur profonde.
Nombre de nos interlocuteurs avouent ignorer ce qui motive les groupes armés de la zone. En attendant des lendemains plus sûrs, les habitants se sont mobilisés pour accueillir les déplacés internes. Ainsi, de nombreuses bonnes volontés ont ouvert les portes de leurs maisons ou ont mis des sites privés à la disposition de parents et même d’inconnus qui ont fui les représailles terroristes pour sauver leur vie. o
ESS
Encadré
Bam : Plus de 4.000 volontaires
enrôlés pour la défense de la patrie
Selon l’Agence d’information du Burkina (AIB), au terme de l’opération d’enrôlement pour être volontaire pour la défense de la patrie (VDP), 4.719 personnes s’étaient inscrites dans la province du Bam.
Parmi ces 4719 candidats, 596 se sont inscrits pour le niveau national et les 4.123 au niveau communal. Et c’est la Commune de Bourzanga qui vient en tête avec 1.780 inscrits pour 100 places à pourvoir.
Le faible taux d’inscription au niveau communal revient à la Commune de Rollo, qui totalise 147 inscrits pour 100 places.
En rappel, les VDP sont des supplétifs de l’armée burkinabè dont le corps a été institué par décret présidentiel.
Il faut aussi noter 11 candidatures féminines pour la ville de Kongoussi. Le plus jeune postulant est âgé de 18 ans et le plus ancien est âgé de 37 ans.
Encadré 2
La province en bref
Kongoussi est un département et une Commune urbaine du Burkina Faso, situé dans la province du Bam, dans la région du Centre-Nord. La province du Bam comprend une ville chef-lieu, Kongoussi, divisée en 7 secteurs, et une cinquantaine de villages répartis en 9 Communes. 4 de ces Communes ont été vidées de leurs populations.
Badinogo 1
Badinogo 2
Birou
Boalin
Bogonam
Bogonam-Foulbé
Daribiti n°1
Daribiti n°2
Darigma
Dinguilga
Gourcy-Tenga
Imiéré
Kiella
Kondibito
Kora
Kora-Foulbé
Kougrisséogo
Kouka
Koumbango
Kourpellé
Loagha
Lourgou
Mogodin
Nakindougou
Niénéga-Mossi
Niénéga-Foulbé
Nongsom
Nongsom-Foulbé
Rambo-Wottionma
Ranga
Rissiam
Sakou
Sakou-Foulbé
Sam
Sandouré
Sankondé
Sargo
Senopoguian
Senorsingué
Sorgho-Yargo
Tamponga
Tanguiéma
Temnaoré
Temnaoré-Foulbé
Touka
Touka-Foulbé
Woussé
Yalga
Yalgo
Yougounini
Zingguima
Zoura
Zoura-Foulbé.o