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Forces armées nationales: des noces d’ivoire d’introspection

• Responsabilité devant l’histoire

• Plus que jamais l’union fraternelle

Plus que jamais, le tandem Armée-Nation doit se consolider pour faire échec au terrorisme. (DR)

L’armée burkinabè a eu 62 ans, le 1er novembre 2022. « Forces armées nationales et populations : synergie pour la reconquête du territoire national » a été le thème de la célébration de ces noces d’ivoire, à un moment décisif de l’histoire du Burkina Faso. Cette volonté de faire corps avec les populations pour reconquérir le territoire national, grignoté par les groupes armés terroristes, s’accompagne nécessairement d’une introspection sans concession de la grande muette.

La célébration du 62e anniversaire des Forces armées nationales, le 1er novembre 2022, intervient dans un contexte sécuritaire très dégradé, où même 40% du territoire échappe au contrôle de l’Etat. Au cours de cette même année, la grande muette s’est illustrée, une fois de plus, par deux coups d’Etat, portant le nombre de putschs à neuf, depuis l’indépendance du Burkina Faso, en 1960. En 62 ans d’existence, l’armée n’a jamais été loin du cercle du pouvoir, à tout le moins, elle a toujours été  au centre des intrigues politiques. Il faut le dire clairement, l’instabilité politique et institutionnelle dans laquelle est empêtrée le Burkina est inhérente aux incessantes irruptions de l’armée dans la sphère publique. Le constat est que si le pays se trouve à la croisée des chemins, après plus de six décennies d’accession à la souveraineté, c’est que la grande muette s’est écartée de sa mission première, qui a toujours été d’assurer la sécurité de l’État, la défense de ses intérêts et la protection de ses populations et son territoire d’une menace extérieure. De tous les chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête du pays, Maurice Yaméogo, Aboubacar Sangoulé Lamizana, Saye Zerbo, Jean-Baptiste Ouédraogo, Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Yacouba Isaac Zida, Michel Kafando, Roch Marc Christian Kaboré, Paul Henri Sandaogo Damiba et Ibrahim Traoré, seuls trois civils y figurent. Il s’agit de Maurice Yaméogo, de Michel Kafando et de Roch Kaboré. Il est difficile de ne pas lui imputer sa part de responsabilité dans cette situation sécuritaire qui devient inextricable.

Le Burkina Faso serait-il face à un tel désastre sécuritaire si la grande muette s’était consacrée tout ce temps à ses missions ? L’on serait tenté de répondre par l’affirmative. Elle se serait concentrée sur sa mission première, elle aurait pu contenir la menace terroriste en l’espace de quelques années, du moins l’étouffer dans l’œuf. Au moment où la hiérarchie militaire appelle les populations à ses côtés, pour reconquérir l’intégrité territoriale, une obligation d’introspection s’impose. Déjà, il faut saluer la lucidité du discours du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, le Colonel-Major Kassoum Coulibaly, à la place de la Nation, le 1er novembre dernier. « Sachons toujours mériter la confiance que nos populations portent en nous. Aussi, devrons-nous constamment revisiter et vivifier notre choix d’appartenir à la noble institution militaire, ultime recours quand la Nation est menacée dans ses fondements. A ce titre, devrons-nous regarder sans complaisance devant le miroir, afin de nous soumettre individuellement et collectivement, à une introspection profonde et courageuse sur le sens de notre sacerdoce et corriger les écarts qui pourraient nous en éloigner », a-t-il déclaré. Comment pourrait-elle assumer son rôle d’ultime recours si en son sein, l’armée couve de profondes lézardes ?

Impérativement, il convient de resserrer les rangs par une union sacrée sous le drapeau. La cohésion au sein des différentes composantes de l’armée a été mise à rude épreuve au fil des différents soubresauts qu’elle a connus. A plusieurs reprises, des hommes de tenue, réputés indignes. Des frères d’armes de différentes corporations prennent ensemble d’énormes risques au péril de leur vie, mais entretiennent des zones de méfiance entre eux.

Cette guerre contre le terrorisme est venue rappeler combien la solidarité agissante et la collaboration entre les différentes forces sont le rempart indispensable à la victoire. Il est un devoir d’œuvrer à ce que la grande muette incarne l’idéal d’une Nation en construction, à travers la cohésion en son sein. C’est plus qu’une nécessité pour la hiérarchie d’œuvrer à boucher les lézardes qui fragilisent l’union de la troupe. Nul besoin de rappeler qu’une armée divisée est déjà affaiblie devant l’ennemi. Ce qui devrait prévaloir, c’est avant tout l’avenir de la Nation en danger. Il est temps de fermer les parenthèses des rivalités inutiles et de la méfiance éternelle, d’autant plus que l’ennemi ne fait aucune distinction.

Les épreuves les plus douloureuses servent aussi à prendre conscience des manquements pour mieux les surmonter. De la cohésion de la grande muette dépendra de la solidité du lien Etat-Nation.

Comme l’a dit Napoléon, « l’armée, c’est la Nation ». Le lien est donc indéfectible et devrait même se renforcer à l’épreuve de la guerre contre le terrorisme. Il est question de changer de paradigme en faisant des populations civiles les alliées indispensables dans la lutte contre l’hydre terroriste. Tout semble indiquer que cette donne est prise en compte. En saluant la bravoure des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), aux côtés de l’armée, dans l’offensive contre les forces obscurantistes, le ministre de la Défense a signifié que la victoire serait effective avec le concours de tous les fils et filles du Burkina.

Ce qui souligne l’indispensable cohésion à tous les niveaux.  « Nous devons travailler à renforcer l’esprit de cohésion, sans lequel il nous sera impossible d’entrainer les populations dans une bonne synergie à nos côtés. Cette guerre, faut-il le rappeler, n’est pas au-dessus de notre portée, car, je ne doute point du potentiel guerrier reconnu aux soldats burkinabè. Il nous faut seulement mieux nous organiser en nous ressourçant régulièrement dans les valeurs fondamentales qui organisent et cimentent la vie au sein des armées », a soutenu le Colonel-Major, Kassoum Coulibaly. Au-delà des déclarations d’intentions, l’appel en faveur d’une synergie pour la reconquête du territoire national doit se traduire en actes concrets sur le terrain. La Nation se meurt et il urge d’engager la grande offensive salutaire. C’est une question de survie.o

Jérôme HAYIMI

 

Encadré

L’impératif de nouvelles postures

En appelant à l’engagement des populations aux côtés des forces armées, le ministre en charge de la défense, nationale, le Colonel-Major Kassoum Coulibaly, a invité chacun à se départir du statut de spectateur devant la folie meurtrière des groupes terroristes pour participer à l’effort de guerre. « L’urgence du sursaut patriotique commande que nous adoptions tous de nouvelles postures. En effet, si pendant longtemps, la lutte contre le terrorisme a été perçue comme un combat relevant des seules FDS, il est temps de changer cette perception pour rendre le soutien des populations aux forces combattantes plus efficace. Dès lors, chacun à son niveau doit abandonner sa posture de spectateur, de juge et même souvent de commentateur d’un match qui se jouerait entre forces combattantes et terroristes. Chaque citoyen doit prendre conscience qu’il s’agit plutôt d’une guerre dans laquelle se joue malheureusement notre destin commun ; c’est-à-dire, la survie de la Nation, et s’engager », a-t-il détaillé. Une manière d’indiquer que la nécessité de la mobilisation populaire contre le fléau terroriste demeure la solution finale.o

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