• Service minimum pendant 72h
• D’énormes pertes de gains financiers
• Et pourtant, il contribue à près de 80% à l’économie nationale
Le vendredi 30 septembre 2022, ce qui devait être une journée ordinaire s’est transformé en cauchemar pour la plupart des Burkinabè, et singulièrement les commerçants. Impossible pour ces derniers d’exercer librement leurs activités commerciales. La cause, une énième intrusion de l’armée sur la scène politique burkinabè. C’est un service à minima qui a été servi par les commerçants, le temps que les bruits des canons se taisent. C’est ainsi que la vie économique dans la ville de Ouagadougou était pratiquement paralysée. Peu de commerces (boutiques, stations-services, marchés et yaars, etc.) étaient ouverts. Cette paralysie économique s’est étalée sur 72 heures. Si une heure de paralysie économique est lourde de conséquence pour les acteurs en termes de gain à gagner (financier), imaginons ce que peut représenter 72 heures pour les commerçants et hommes d’affaires ?
« Nous supportons beaucoup de charges »
Certains acteurs du secteur informel interrogés disent être remontés contre cet arrêt brusque des bruits de bottes sur leurs activités économiques. Le président du Réseau des associations de l’économie informelle du Burkina Faso (RAEI-BF), Saïdou Zangré, et le vice-président de l’Organisation nationale des commerçants du Burkina (ONACOM.B), Moussa Dabo, en donnent les raisons. Ils soulignent que les acteurs du secteur informel sont confrontés à d’énormes contraintes. Parmi celles-ci, la location des différentes boutiques, les taxes et impôts à verser aux régies des recettes, des employés à payer, des frais de gardiennage, des factures d’électricité et d’eau à honorer, des frais de nourriture à midi, des frais de transport des employés…. Pour eux, c’est face à toutes ces charges qu’intervient ce deuxième coup d’Etat en 2022. Moussa Dabo affirme que l’économie informelle a été très touchée. Il dit plaindre les commerçants de l’intérieur du pays qui n’ont pas pu s’approvisionner en marchandises.
L’informel déjà impacté par l’insécurité et la Covid-19
Ces deux présidents d’association de secteur informel sont revenus sur l’impact sécuritaire qui affecte durablement leurs différentes activités. Mais aussi l’impact de la Covid-19 à laquelle le secteur informel a été durablement éprouvé. Le « rapport 2020 sur l’état du secteur privé », publié en novembre 2020 par la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF), est édifiant sur l’impact de la Covid-19 sur l’économie burkinabè. L’étude mentionne que 2020 a vu une contreperformance de la croissance économique burkinabè. Conséquence, le taux de croissance économique a pris un grand coup pour s’établir à 2,0%, contre une prévision initiale de 6,3%. Une contreperformance qui résulte du ralentissement observé dans les secteurs primaire (1,9% contre 5,1% initialement), secondaire (1,7% contre 6,7% initialement) et tertiaire (2,4% contre 6,2% initialement). Le rapport note que 94% d’entreprises ont été affectées dès le premier semestre de 2020. A cela s’ajoutent le fait qu’il y a eu peu d’investissements, la baisse drastique du chiffre d’affaires, les tensions de trésorerie et un impact sur les approvisionnements.
Le secteur bancaire a tenu bon
Les banques aussi ont été fermées dans la journée du vendredi 30 septembre 2022, conséquence, les milliers de clients n’ont pas pu faire de transactions financières. Fort heureusement, les banques ont immédiatement été rouvertes aux clients dès le lendemain. Mieux, le scénario de 2014, où certains Burkinabè n’ont pas hésité à saccager des banques. Le pire de ces 72 heures de prise en otage par les militaires. o
Ambéternifa Crépin SOMDA
Encadré
L’informel occupe 80 à 90% d’emplois
Le 23 septembre 2022 à Ouagadougou, Tertius Zongo, très averti des questions économiques, a martelé que le secteur informel participait à la formation du PIB national de 40 à 50% et occupe 80 à 90% d’emplois. Mieux, le secteur informel contribue à près de 80% à l’économie nationale. Malheureusement, le secteur informel se trouve à payer le lourd tribut dans les multiples crises sécuritaires que connait le Burkina Faso depuis une décennie: Mutinerie de 2011, insurrection de 2014, coup d’Etat de 2015, coup d’Etat de janvier 2022 et le dernier en date, celui du Capitaine Ibrahim Traoré, le 30 septembre 2022.
Encadré 2
Secteur informel, gros contributeur de l’économie nationale
Selon la Direction générale des Impôts (DGI), en fin octobre 2020, les microentreprises ou le secteur informel représentaient 71% des contribuables. Il est constitué d’unités économiques dont le chiffre d’affaires est inférieur à 15 millions FCFA. La contribution du secteur informel aux recettes fiscales, devenue la contribution des microentreprises depuis 2015, est de 2 milliards FCFA en moyenne, soit 0,28% des recettes fiscales totales. En 2019, sur les 844 milliards F CFA de recettes fiscales, les microentreprises ont contribué à hauteur de 2 milliards FCFA, contre 78 milliards pour les moyennes entreprises et 715 milliards FCFA pour les grandes entreprises.
Source : Sidwaya et DGI
Encadré 3
Fait anodin, les maquis et bars étaient remplis
Comme le 24 janvier 2022, des Burkinabè ont assisté de manière indifférente au coup de force perpétré. Cette indifférence a encore été observée dans les bars et maquis de Ouagadougou, où des Burkinabè, dans l’attente d’une déclaration officielle sur les antennes de la RTB, n’ont pas hésité à remplir ces lieux. Toute chose qui a permis aux tenanciers de bars et maquis de faire de bonnes affaires. La même chose a été observée dans certains bars et maquis pendant ce coup d’Etat du 30 septembre 2022.