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Rencontre des anciens chefs d’Etat et du président du Faso: leçons d’un échec

L’important, c’est de tirer des leçons de cette initiative pour avancer. (DR)

A l’initiative du président du Faso, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, une rencontre entre lui et ses prédécesseurs a eu lieu le vendredi 8 juillet 2022, au palais présidentiel, à Ouagadougou. Sur les cinq anciens présidents attendus, deux seulement ont répondu présents. Si l’intention a été bonne de la part du chef de l’Etat, sa mise en œuvre a quelque peu foiré. Quelles leçons faut-il tirer de cet échec ?
Face à la douloureuse parenthèse que vit le Burkina Faso, les premières autorités explorent toutes les pistes possibles à même de permettre de dessiller l’horizon. Suite aux retrouvailles inattendues le 21 juin 2022, entre lui, Roch Marc Christian Kaboré, qu’il a renversé le 24 janvier, et Jean Baptiste Ouédraogo, le Président Paul Henri Sandaogo Damiba a cru bon d’élargir le cercle des concertations avec tous ses prédécesseurs. Ainsi, Jean Baptiste Ouédraogo, Blaise Compaoré, Yacouba Isaac Zida, Michel Kafando et Roch Marc Christian Kaboré devraient s’asseoir à la même table, le 8 juillet 2022, avec le nouveau locataire du palais de Kosyam, pour appréhender ensemble le malheur qui frappe la mère patrie. Que cette réunion au sommet était chargée de symbole ! Mais hélas, il faudra encore attendre un autre rendez-vous pour voir tous les chefs d’Etat du Burkina réunis à un moment critique de l’histoire du pays. De six participants prévus au départ, la rencontre n’aura réuni que trois. Pour des raisons personnelles et diverses, Kaboré, Zida et Kafando n’ont pu honorer de leur présence l’invitation de leur hôte Damiba. Ce qui aura le plus détourné l’esprit de cette initiative, il faut l’avouer, qui était louable, c’est bien le retour, le jeudi 7 juillet, de l’ancien Président Blaise Compaoré de la Côte d’Ivoire où il vit en exil depuis son départ du pouvoir en octobre 2014, suite à l’insurrection populaire. Condamné par contumace à la perpétuité dans le procès Thomas Sankara et de ses douze compagnons d’infortune le 6 avril, la venue de Blaise Compaoré a divisé l’opinion et a sapé, du coup, l’esprit de la rencontre. Pour les uns, il n’était pas question que l’ancien président foulât le sol burkinabè sans être interpellé. Selon eux, Damiba a piétiné les institutions de la République et accordé une prime d’impunité à Compaoré. De l’autre côté, les partisans de l’ex-chef d’Etat qui a dirigé le pays de 1987 à 2014 étaient dans l’allégresse en apprenant son retour. Cet imbroglio de positions à la limite tranchées aura eu raison de la réunion qui se tenait le lendemain. Très tôt dans la matinée de la rencontre, des partisans de Roch Kaboré se sont mobilisés à son domicile pour l’empêcher de s’y rendre. Connu pour son fairplay, il a préféré laisser le diktat de ses partisans s’imposer que de se laisser exfiltrer.
Ce qui aura le plus contribué à l’échec de la réunion au sommet, c’est bien sûr le flou qui a existé autour de son menu. Dans ce clair-obscur de l’agenda de la rencontre, des informations de toutes sortes ont circulé au sein de l’opinion, contribuant ainsi à surchauffer les esprits. Alors qu’il était question pour les ex-chefs d’Etat et leur hôte d’échanger sur la situation nationale minée par une crise sécuritaire et humanitaire sans précédent, d’aucuns ont parlé de réconciliation entre les présidents. Même la venue de Blaise Compaoré a été d’abord relayée par des médias internationaux avant que le gouvernement daigne en parler à la dernière minute.

«Au-delà du faux pas»

Ce qui a donné raison à certains qui ont pensé que l’on a voulu exclure le peuple burkinabè du processus de réconciliation nationale, à tout le moins, l’escamoter ; puisqu’ils se sont appuyés sur le cas de Blaise Compaoré pour affirmer le schéma de la réconciliation nationale qui passe par la vérité, la justice et la réconciliation et qui était en train d’être désarticulé. La communication qui a été bâclée autour de cette initiative a quelque part contribué à son échec. L’autre question que l’on se pose également, c’est, si cette rencontre se justifiait dans une certaine mesure, était-elle opportune ? A l’heure actuelle, la priorité des priorités au Burkina, c’est bien le retour de la sécurité, du moins une relative accalmie dans les zones sous emprise terroriste. A partir du moment où plus de la moitié du territoire serait infestée par les groupes terroristes, il faut impérativement mettre en ligne de mire la reconquête des zones conquises. D’ailleurs, beaucoup ont rappelé au Président Damiba qu’il avait justifié sa prise du pouvoir par « la dégradation continue de la situation sécuritaire ». Le brouillard qui a entouré cette rencontre a donné l’impression à bon nombre de citoyens que l’on était en train de vouloir privilégier d’autres préoccupations au défi sécuritaire. C’est pourquoi, l’on pense que cette réunion entre chefs d’Etat devrait intervenir un peu plus tard, le temps de mener des concertations souterraines.
Au-delà des faux pas et des incompréhensions inhérentes à cette initiative, les Burkinabè ne doivent pas perdre de vue le chaos qui menace l’existence même de la Nation. Il faudrait faire preuve de pondération dans ce contexte si délicat pour le pays des Hommes intègres. Il serait improductif de creuser davantage le lit des difficultés entre les différentes composantes de la société. Si l’on venait à reléguer au second plan le péril sécuritaire pour ergoter sur nos malentendus, nous ouvririons d’autres brèches qui risquent fort bien de nous affaiblir davantage.
La situation n’est, certes, pas reluisante, l’inquiétude est permanente, mais il faut saluer le courage et l’abnégation dont font preuve les Forces de défense et de sécurité (FDS) et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui, en dépit de tout, s’éreintent au quotidien sur les théâtres d’opérations pour sauver la mère patrie. Il n’est pas ici question d’accompagner aveuglement les autorités actuelles, mais nous devons avoir de la lucidité et de la retenue dans nos prises de positions. Au fond, aucun Burkinabè n’est contre son frère. Nos véritables ennemis, ce sont les terroristes qui tentent par tous les moyens de nous déstabiliser. Evitons donc de tomber dans une surenchère verbale stérile qui ajouterait de l’huile au feu. Face aux convulsions dans lesquelles certains voudraient nous balancer, il n’y a pas lieu de perdre le sens des limites. Quoi qu’incertains soient ces temps-ci, l’espoir, le bon sens et la responsabilité doivent demeurer des boussoles pour chacun, quel que soit son bord.o
Jérôme HAYIMI

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