Le Conseil supérieur de la défense nationale qui s’est tenu le 20 juin 2022 à Ouagadougou, sous la présidence du chef de l’Etat, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, a pris deux grandes décisions, à savoir la création de deux zones d’intérêt militaire à l’Est et au Sahel et la mise en place d’une brigade regroupant l’ensemble des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Cette rencontre qui avait les traits d’un Conseil de guerre était impérative, au regard de l’ampleur que prend le péril sécuritaire. Il faut dénicher vaille que vaille la thérapie de choc pour reconquérir les 40% du territoire burkinabè sous emprise des groupes terroristes.
A deux mois de son rendez-vous avec le peuple burkinabè sur les actions menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le président du Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba, vient de prendre deux décisions majeures. La création de deux zones d’intérêt militaire à l’Est et au Sahel et la mise en place d’une brigade regroupant l’ensemble des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) annoncées à l’issue du Conseil supérieur de la défense nationale tenu la semaine dernière.
La première zone militaire à l’Est prend en compte une superficie de 37.758 km² en englobant les forêts protégées d’Arly, de Pama, du Parc national W, de Singou, de Madjoari et de Koutiagou. La seconde zone au Sahel, grande de 12.205 km2, couvre la province du Soum jusqu’à la frontière avec le Mali.
Face à la multiplication des exactions terroristes ces derniers temps dans ces deux régions, épicentres de la nébuleuse terroriste, le chef de l’Etat fait l’option de passer à l’offensive. C’est une guerre totale qui vient d’être déclarée aux groupes armés endurcis dans leur folie meurtrière. Il n’est plus question d’opérations spéciales et ponctuelles de nettoyage. Il s’agit d’occuper durablement le terrain pour extirper définitivement les mauvaises herbes qui y ont pris racines. Le choix des zones d’intérêt militaire vise à isoler les terroristes pour mieux les asphyxier.
Si jusque-là, ils ont eu la latitude de s’adonner à leur vampirisme sanguinaire, c’est en partie grâce aux soutiens et aux ramifications dont ils bénéficient au sein des populations. Les réseaux dormants qui leur fournissent des appuis doivent être démantelés, désarticulés. En évacuant ces populations pour les reloger ailleurs, le temps de faire le toilettage, il y a une volonté de casser du terroriste. Quand bien même les forces du mal agissent en toute impunité sans égard pour les vies humaines, le gouvernement voudrait agir efficacement tout en restant dans le cadre de l’Etat de droit. Pour éviter d’être dans le collimateur des organismes de défense des droits humains, Damiba veut mener une guerre propre en éloignant les civils du théâtre des opérations.
Qu’est-ce qui pourrait garantir la réussite d’une telle initiative comme les zones d’intérêt militaire ? Evidemment, l’arsenal militaire adéquat, surtout les moyens aériens, pour appuyer convenablement les troupes qui feront le travail au sol. Oui, les FDS qui devront être déployées dans ces zones qui seront interdites momentanément aux civils devraient être dotées de l’équipement nécessaire.
Avec l’option de mettre en place une brigade regroupant l’ensemble des Volontaires pour la défense de la patrie (BVDP), il y a comme un acte de reconnaissance pour les énormes sacrifices que consentent ces patriotes qui luttent âprement aux côtés des FDS pour défendre la mère patrie. Tout s’exprime, dit-on, par les symboles. La création de la brigade regroupant les VDP est le symbole que leur contribution est indispensable pour remporter des victoires dans cette guerre imposée. Elle va participer, à coup sûr, à mieux prendre en compte leurs besoins et à les encadrer conséquemment dans leurs missions. Nul besoin de rappeler que ces supplétifs de l’armée fournissent des renseignements précieux qui aident à mieux traquer les terroristes tapis au sein des populations et dans la brousse. La BVDP, placée sous l’autorité du Commandement des opérations du théâtre national (COTN), aura pour missions, entre autres, d’assurer la coordination opérationnelle de la défense civile du territoire, la contribution à la recherche du renseignement et la défense de certaines parties du territoire en cas de nécessité. Missions ô combien importantes qui méritent également la mobilisation de moyens adéquats. Si depuis leur création, les VDP ont évolué de façon disparate dans leurs localités respectives, la BVDP pourrait offrir une possibilité de collaboration plus étroite et de partage d’expériences.
Sensibiliser les populations sur le bien-fondé de l’initiative
L’opérationnalisation des zones d’intérêt militaire implique nécessairement une adhésion des populations qui seront appelées à quitter pour une période donnée leurs villages. Il y a lieu de les sensibiliser sur le bien-fondé de l’initiative afin qu’elles ne la perçoivent pas comme une déterritorialisation forcée. En plus de les rassurer quant à la portée de la zone d’intérêt militaire, il faudrait veiller à ce que leur relocalisation soit conséquemment prise en charge. Il y a lieu qu’elles aient les moyens de vivre décemment, le temps de cet « exil spécial ». Les services sociaux de base devraient être renforcés dans les localités hôtes qui devront accueillir ces populations.
Jérôme HAYIMI
Encadré
Apaiser les cœurs
La seule dimension militaire suffira-t-elle pour absorber le problème ? Absolument pas. Il faut ce salutaire front commun pour contrer l’ennemi. Le chef de l’Etat semble avoir pris la mesure de la situation. La rencontre inattendue avec son prédécesseur, Roch Marc Christian Kaboré, qu’il a chassé du pouvoir, augure d’une volonté de faire chemin avec tous les Burkinabè pour le retour de la paix. A l’épreuve de l’exercice du pouvoir d’Etat, Damiba a dû prendre conscience de l’ampleur et de la complexité du phénomène terroriste. Cette posture d’humilité qui a consisté à convier ses prédécesseurs, Jean Baptiste Ouédraogo et Roch Marc Christian Kaboré pour appréhender ensemble les voies et moyens de sortir le Burkina de l’abîme, annonce quelque peu un air de décrispation du climat sociopolitique. Ces retrouvailles, si elles ont été saluées de part et d’autre, devraient dépasser leur dimension symbolique pour s’inscrire dans une démarche de porter ensemble le fardeau vers un horizon de quiétude.
Cette poignée de mains entre Roch et Damiba est aussi une invite à tous les Burkinabè à dépasser les querelles de chiffonniers et leurs rancœurs hostiles pour tendre vers un apaisement des cœurs. Il convient de devoir une fière chandelle à l’ancien président déchu, Roch Marc Christian Kaboré, qui a su sublimer toute l’humiliation subie le 24 janvier dernier, pour aller écouter son tombeur. Il a fait preuve d’une grande hauteur de vue en acceptant de rencontrer Damiba, cinq mois après avoir été renversé. Il nous aura donné la leçon que le Burkina vaut plus que notre ego étriqué qui nous empêche d’aller de l’avant. Sans tambour ni trompette, il a su se mettre au-dessus de la mêlée pour offrir la chance à son pays de relever la tête. Son acte est si noble et empreinte de tolérance qu’il devrait inspirer ceux qui passent leur temps dans des critiques stériles qui cachent mal leur aigreur et leur étroitesse de vue.