Le Lieutenant-Colonel, Paul Henri Sandaogo Damiba, à la tête du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), renversait le président démocratiquement élu, Roch Marc Christian Kaboré, le 24 janvier 2022. La dégradation continue de la situation sécuritaire et l’incapacité du pouvoir en place à y parer ont été les motivations de l’irruption de la grande muette sur l’échiquier politique. Que faut-il retenir 100 jours après ?
Ceux qui prédisaient un retour rapide de la sécurité au Burkina Faso, après la prise du pouvoir par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) avec à sa tête le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, le 24 janvier 2022, ont ravalé leur enthousiasme. 100 jours après l’avènement du MPSR, le contexte sécuritaire du pays demeure préoccupant.
Certes, une réorganisation des Forces de défense et de sécurité permet un tant soit peu de contenir l’élan expansionniste des groupes armés terroristes, mais leurs capacités de nuisance demeurent intactes. Les terroristes continuent de dicter leur funeste loi dans certaines parties du Burkina. Des populations harcelées de toute part ont littéralement pris leurs clics et clacs pour trouver refuge dans des localités relativement à l’abri des humeurs des terroristes. A la mutation de la menace, les FDS essaient tant bien que mal d’adapter leur stratégie pour la contenir.
Les autorités actuelles, ayant compris que la dimension militaire seule présente des limites, ont décidé de la mise en place de comités locaux de dialogue. Le constat étant que les nationaux sont très représentés dans les différents groupes terroristes qui fragilisent le pays, il est question d’essayer la thérapie du dialogue pour permettre à ceux qui se sont trompés d’ennemis de faire taire les armes et de regagner la République. Des opérations spéciales de nettoyage de certaines zones sous l’emprise comme celle conjointe avec le Niger, Taanli 3, ont permis de neutraliser plus d’une centaine de terroristes du 2 au 25 avril dernier. En dépit de cela, force est de reconnaitre que le combat sera de longue haleine, au regard de la complexité de la crise.
Le retour des PDI dans leurs localités respectives qui devrait être consécutif de l’amélioration de la situation sécuritaire se fait encore attendre. C’est dire que les nouvelles autorités doivent encore redoubler d’efforts sur le front de la lutte anti-terroriste pour rassurer davantage. Dans tous les cas, le président du Faso, Paul Henri Sandaogo Damiba, a annoncé en début avril dernier, qu’il ferait un bilan d’étape des différentes initiatives prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans cinq mois. L’on ose espérer qu’à l’échéance indiquée, un sentiment de satisfecit se dégagera.
Dans sa volonté de restauration, le président du Faso avait également déclaré qu’il allait engager une lutte farouche contre la corruption au pays des Hommes intègres. Même si des actions d’éclat n’ont pas encore été posées dans cette dynamique, des audits des institutions et entreprises étatiques ont été annoncés. Au-delà du défi sécuritaire, il y a lieu de reconnaitre que la corruption a véritablement grippé l’administration publique. Dans une certaine mesure, l’on peut dire qu’elle apporte de l’oxygène au terrorisme. S’attaquer à ce cancer qu’est la corruption est un noble objectif qu’il faille poursuivre avec rigueur et exigence. D’ailleurs, le régime déchu du Président Kaboré en avait fait une priorité dans ses dernières décisions. Lutter efficacement contre la corruption va certainement permettre au Burkina de renouer avec une certaine intégrité qui, il faut le dire, a foutu le camp depuis belle lurette. Le chef de l’Etat a promis qu’il ne ferait pas de chasse aux sorcières. Toutefois, si l’on escompte véritablement des résultats dans le cadre de la lutte contre la corruption, il faudra agir sans complaisance. Ceux qui se sont frauduleusement enrichis sur le dos de l’Etat doivent répondre de leurs turpitudes sans discrimination aucune. Dans cette dynamique, il faut ratisser large tout en ayant le souci de mener un travail qui ne souffre de l’ombre d’aucune machination. L’on peut souhaiter que le chef de l’Etat sache indiquer la ligne à suivre. Déjà, la réduction du train de vie qui semble visible avec le nombre de postes ministériels (25) et de sièges à l’Assemblée législative de transition (71) est le signe qu’il y a une volonté de gérer convenablement les deniers publics.
Des 100 jours du Président Damiba, l’on peut soutenir que le MPSR cherche encore à imprimer ses marques. Les semaines et les mois à venir nous en diront davantage.
Jérôme HAYIMI
Encadré
Vous avez dit dépolitisation de l’administration publique ?
Que dire de la dépolitisation de l’administration publique ? L’on se rappelle les propos de président du Faso, lors de sa prestation de serment le 6 février 2022, devant le Conseil constitutionnel. « Au-delà de la priorité sécuritaire, la transformation que les Burkinabè appellent de tous leurs vœux doit également s’opérer au sein de l’Administration et dans la gestion de la chose publique. C’est pourquoi, nous allons procéder à une dépolitisation systématique, méthodique et progressive de l’administration publique. Seules doivent prévaloir les compétences techniques et la probité », avait-il déclaré.
Sur ce point précis, l’on voit s’opérer des changements à la tête des entreprises et institutions de l’Etat ces derniers temps, lors des Conseils des ministres. Des Directeurs généraux soupçonnés ou non d’accointances politiques avec le régime déchu sont en train d’être successivement remplacés.
Si ces changements doivent participer, dans une certaine mesure, à la dépolitisation de l’administration publique, il faut se garder de tomber dans une certaine complaisance ou copinage. Il ne faudrait pas non plus que la dépolitisation se substitue à une militarisation de l’administration publique. Comme l’a si bien indiqué le chef de l’Etat, il faut faire en sorte que les compétences techniques et la probité soient les critères qui prévalent au choix des nouveaux responsables des différentes institutions étatiques. Ces nominations auxquelles nous assistons doivent être des sortes de piliers sur lesquels doit s’appuyer cette volonté d’assainir l’Administration des fossoyeurs de la République.