Entre le 25 janvier et le 8 avril 2022, le Burkina Faso a connu 610 attaques terroristes qui ont tué 567 personnes. Ces chiffres ont été communiqués par l’Institut d’études de sécurité (ISS) de Bamako dont l’auteur de l’article, Fahiraman Rodrigue Koné, cite Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED). Pour ISS : « Par rapport à la période correspondante en 2021, le nombre d’incidents a quadruplé et les décès ont triplé ». Pourtant, les militaires au pouvoir au Burkina Faso ont justifié le coup d’État du 24 janvier 2022 en invoquant l’incapacité du gouvernement de l’ancien Président Roch Marc Christian Kaboré à assurer la sécurité du Burkina Faso. « En faisant de la sécurité son objectif premier, le régime a fait naître dans la population l’espoir d’un retour rapide à la paix et à la stabilité. Cependant, trois mois après le putsch, l’armée n’a pas été en mesure d’inverser l’insécurité croissante et des incidents violents se produisent presque quotidiennement », précise ISS.
Le président de la Transition se retrouve sous pression pour tenir ses promesses de sécurité.
L’insécurité était une triste réalité avant le coup d’État. Mais avec cette recrudescence des attaques, tout porte à croire que les groupes terroristes ont profité de la période de flottement après le coup d’Etat marqué par une rupture de la chaîne de commandement pour « renforcer leur emprise sur diverses régions du pays, notamment, les régions du Sahel, du Nord, de l’Est et du Centre-Nord », indique ISS. L’institut rappelle que dans la région du Sahel, par exemple, ils contrôlent les routes vers les zones isolées. En mi-février, les terroristes ont imposé un blocus de la ville de Djibo et ont même menacé de l’étendre à Dori et d’occuper Ouahigouya.
Dans la région du Centre-Nord, le 11 avril 2022, la société d’extraction d’or, Société des Mines de Taparko, a été contrainte de fermer pour des « raisons de sécurité ».
Dans la région du Sahel, 13 militaires ont été tués le 20 mars 2022, lors d’une attaque terroriste à Natiaboani.
Le bilan des attaques n’est pas exhaustif mais confirme le regain des violences après le coup d’Etat du 24 janvier 2022.
Ces attaques ont engendré le déplacement de plusieurs personnes. Selon le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR), les personnes déplacées internes sont passées de 1.741.655 en fin janvier à 1.814.283 en fin février, soit une augmentation de 4,17%.
Ces statistiques font dire à ISS qu’avec « la persistance de la violence, l’euphorie initiale du coup d’État s’est apaisée, laissant place aux critiques sur l’incapacité des nouvelles autorités à rétablir la sécurité ». Depuis le coup d’Etat, les autorités de la Transition sont sur le front politique. Après l’adoption de la Charte de la Transition, la prestation de serment et l’investiture du président, un gouvernement a été mis en place ainsi que l’organe législatif. Le Premier ministre a déroulé sa feuille de route devant l’organe législatif. Le président de la Transition a annoncé des audits tous azimuts dans les ministères et institutions de la République.
C’est dans ce contexte que le président de la Transition, Paul Henri Damiba, s’est adressé à la Nation le 2 avril 2022. Il a rassuré que : « la sécurité est le premier objectif de nos actions et restera notre combat de tous les jours pour un retour de la paix et de la stabilité. Notre détermination dans ce combat contre l’insécurité et le terrorisme est indéfectible ».
Il a, à l’occasion, annoncé « la création de comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix, dont la mission est d’initier des approches avec les membres des groupes en rupture de dialogue avec la Nation » et « l’organisation d’une journée de prière pour la paix et la réconciliation dans notre pays ».
Le bilan de ses mesures se fait attendre. Mais ISS rappelle qu’un « dialogue ad hoc a déjà eu lieu, par exemple, en 2020, dans la région de Djibo. Cela a créé un calme relatif lors des élections présidentielle et législatives. L’initiative actuelle, contrairement à ses prédécesseurs, bénéficie d’un soutien institutionnel clair et d’une volonté politique forte, même si les détails et le contenu du dialogue ne sont pas encore définis. Pour maximiser ses chances de succès, le processus doit être éclairé par l’apprentissage passé ».
Il y a nécessité de recentrer les missions de la Transition autour de la lutte contre le terrorisme et l’organisation des élections pour ne pas engager un bras de fer avec la CEDEAO qui estime que les 36 mois de la Transition sont trop longs.
Le Burkina Faso ne peut pas supporter d’autres crises que celles qu’il vit déjà.o
J B
Encadré
Plusieurs incidents
réenregistrés sur l’axe Kaya-Dori
Deux personnes ont été tuées le 13 mars 2022, dans l’explosion d’un car de transport causée par un engin explosif improvisé. Une équipe de la gendarmerie qui s’est rendue sur les lieux a été prise à partie par les terroristes, provoquant la mort de 13 gendarmes et 5 blessés.
Le 08 avril 2022, une attaque complexe a visé le détachement militaire de Namissiguima (province du Sanmatenga, région du Centre-Nord) et fait état de 12 militaires et 4 Volontaires de défense pour la patrie (VDP) tués ainsi que 21 militaires blessés, selon un communiqué de l’Etat-Major général des armées.