En séjour à Dakar au Sénégal, le 1er mai 2022, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé la communauté internationale à poursuivre le dialogue avec le Mali, la Guinée et le Burkina Faso pour un retour dans les plus brefs délais de l’ordre constitutionnel. Les Nations unies et l’Union africaine s’alignent sur la position de la CEDEAO qui trouve trop long le délai de 36 mois de la Transition, comme l’indique la Charte constitutionnelle de la Transition.
L’expression utilisée par le Secrétaire général des Nations unies, « un retour dans les plus brefs délais de l’ordre constitutionnel », traduit sa volonté de voir un délai moins long. 36 mois équivalent à 3 ans. Un délai qui dépasse un demi-mandat présidentiel au Burkina Faso.
Le 25 mars 2022, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunie en session extraordinaire, a enjoint le Burkina Faso de revoir à la baisse le délai de la Transition. Ce délai est expiré depuis le 25 avril 2022, mais le Burkina Faso a demandé une rallonge du délai.
Mais du côté des autorités burkinabè, le langage exprimé indique clairement qu’elles campent sur le délai de 36 mois. D’abord, Lionel Bilgo, porte-parole du gouvernement, a affirmé, au cours d’un point de presse le 31 mars 2022, que le Burkina Faso ne courait pas derrière les délais. « Le seul délai auquel nous courons, c’est celui de l’instauration de la sécurité et du bien-être des populations », a-t-il souligné. Pour la ministre en charge des affaires étrangères, Olivia Rouamba, la durée de 3 ans de la Transition a été fixée par les Assises nationales de façon raisonnable, en tenant compte du contexte sécuritaire. Elle précise à l’occasion que la CEDEAO n’a jamais donné un délai précis. Olivia Rouamba a même accusé des Burkinabè de travailler à ce que la CEDEAO sanctionne le Burkina Faso.
Elles sont nombreuses, les institutions bancaires qui attendent la décision de l’institution sous-régionale pour continuer ou suspendre leur coopération avec le Burkina Faso. Mais les autorités de la Transition envoient un mauvais signal à la communauté internationale qui se range du côté de la CEDEAO. Mesurent-elles la portée de leur acte ?
La CEDEAO suit de près ce qui se passe au Burkina Faso. Elle a sans nul doute suivi la disparition de l’organisation des élections parmi les priorités de la Transition, dans le langage et les documents de cette dernière.
En effet, le projet d’agenda de la Transition, qui a été soumis aux Assises nationales, a décliné les grandes orientations stratégiques de la Transition en 5 points dont le point 4 porte sur « l’assainissement et la réfondation de la vie politique en la débarassant des dérives et assurer le retour à une vie démocratique portée par une nouvelle République au service des idéaux et aspirations profondes du peuple ».
Après son adoption par les Assises nationales, les principales missions ont été portées à 6 points. Les assises ont éclaté en 2, la mission 4 du projet de Charte.
« Assurer le retour à une vie démocratique portée par une nouvelle République au service des idéaux et aspirations profondes du peuple » devient le point 5 de la Charte de la Transition.
Après l’adoption de ce document, le retour à une vie démocratique va disparaitre des priorités de la Transition. D’abord, dans sa feuille de route présentée devant l’Assemblée législative de transition le 4 avril 2022, le Premier ministre, Albert Ouédraogo, a décliné les priorités de la Transition.
Il a affirmé que les Assises nationales avaient adopté un agenda bâti autour de 4 objectifs stratégiques, dont lutter contre le terrorisme et restaurer l’intégrité du territoire, répondre à la crise humanitaire, refonder l’État et améliorer la gouvernance et enfin, œuvrer à la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Les élections ont disparu de la feuille de route. Ensuite, le Plan d’action de la Transition élaboré est structuré autour des 4 piliers qui reprennent les actions prioritaires de la feuille de route du Premier ministre, sans mentionner les élections. Toute chose qui peut conduire à des crispations contre le Burkina Faso. Les sanctions de la CEDEAO vont crescendo. Dans un premier temps, une liste de hautes personnalités sera concernée par une série de sanctions, dont l’interdiction de voyage, le gel des avoirs dans tous les États membres, etc.
Une deuxième vague de sanctions va suivre en fonction de la réaction que les autorités burkinabè apporteront à la réduction du délai de 36 mois. Parmi ces sanctions, la suspension des transactions bancaires à travers la Banque centrale, la réduction, voire la suspension de la coopération bilatérale et multilatérale par les pays partenaires, la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec les pays de la CEDEAO.
Le Burkina Faso qui n’a aucun débouché sur la mer et dont une partie de l’économie se base sur le commerce international pourra-t-il supporter de telles sanctions?
J B
Encadré
Transition : réduire le délai de 36 mois ou subir les sanctions de la CEDEAO ?
En effet, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunie en session extraordinaire le 25 mars 2022, est restée « très préoccupée par la durée de la période de transition fixée à 36 mois par la Charte de la Transition ». La Conférence a réitéré sa ferme condamnation du coup d’État du 24 janvier 2022, exigé la libération inconditionnelle et sans délai du Président Roch Marc Christian Kaboré et « décidé de maintenir la suspension du Burkina Faso de toutes les institutions de la CEDEAO jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel ». Cette Conférence a demandé la finalisation d’un chronogramme acceptable de la Transition, sans quoi, des sanctions économiques et financières entreront immédiatement en vigueur.