Si aujourd’hui, les prix que connaissent les produits agricoles restent les plus élevés jamais enregistrés, il faut maintenant craindre pour leur disponibilité la saison prochaine. En effet, l’engrais industriel, notamment, l’urée et le NPK, qui participent à ce que les terres donnent le meilleur d’elles, n’est pas encore disponible au moment où toutes les régions ont au moins reçu leurs premières pluies de la nouvelle saison. Dans le deuxième semestre de 2021 déjà, le prix d’un sac de 50 kg d’urée se situait entre 20 000 FCFA et 25 000 FCFA au Burkina Faso, et la disponibilité était très faible, alors même que la saison agricole était déjà bien engagée. Les producteurs estiment leurs besoins à 750.000 tonnes et l’Etat subventionne 2% de ces besoins, soient 15 000 tonnes. Le reste est assuré par le secteur privé. En juin 2020, la Centrale d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles (CAIMA) a vu le jour pour assurer l’approvisionnement régulier du pays en intrants et matériels agricoles de qualité à un prix compétitif au profit des producteurs. Cette structure est composée des producteurs, de l’administration publique, des partenaires techniques et financiers.
La CAIMA espérait disposer de 100.000 tonnes d’engrais et de 15 000 tonnes de semences pour la campagne 2022-2023, au plus tard en avril 2022.
Pour cela, la Centrale avait eu l’assurance de l’Etat de se porter garant auprès des institutions financières pour les différentes commandes. Un pool bancaire était déjà constitué et le mois de février devrait servir à finaliser les choses pour espérer les premières livraisons en fin mars, début avril. Mais le coup d’Etat et surtout la dissolution du gouvernement a ramené les choses à la case départ. « Si on s’amuse avec l’engrais, la campagne sera hypothéquée », prévient Marc Gansonré, Secrétaire général de la Confédération paysanne du Faso (CPF).
La guerre entre l’Ukraine et la Russie a fait grimper les prix du gaz naturel, un ingrédient-clé pour la fabrication de l’urée, mais aussi les prix des engrais, la Russie étant le premier exportateur d’engrais azoté et le deuxième d’engrais potassique et phosphoré. Or, le ministère russe du Commerce et de l’Industrie a demandé, au début du mois, aux producteurs d’engrais du pays- PhosAgro, Uralchem et Eurochem – de suspendre temporairement les exportations. Sous sanctions des pays occidentaux, ils devront, de facto, réduire leurs expéditions. Les exportations russes d’engrais représentent 13% de la production mondiale. La Russie occupait la deuxième place des importations d’engrais avec 20% du marché en 2019, derrière le Mali (32%) et devant la Côte d’Ivoire (19%), le Maroc (16%) et le Togo (7%).
L’urgence de la situation de cette année a amené la CAIMA à négocier directement avec des institutions bancaires pour s’approvisionner en engrais. Ce processus, s’il est finalisé, permettra au Burkina de disposer de 37.500 tonnes en mai prochain. Pour toujours parer au plus pressé, les producteurs ont pu obtenir de leurs partenaires du Niger un stock de 5.000 tonnes en début mars qui se trouve actuellement dans leurs magasins. Au moment où nous bouclions cette édition, le PCA de la CAIMA séjournait en Côte d’Ivoire pour y négocier 10.000 tonnes. Le Togo a été également sollicité pour un stock similaire. « Ce serait hasardeux de fixer un prix maintenant, au regard des nombreuses contraintes. Mais le peu d’information dont nous disposons nous permet de dire que l’engrais ne peut pas être vendu à moins de 25.000 FCFA le sac de 50 kg », assure Marc Gansonré.
Bien avant la création de la CAIMA, les acteurs œuvrant dans le secteur de l’approvisionnement en intrants agricoles se sont réunis au sein de l’Association des grossistes et détaillants d’intrants agricoles au Burkina Faso (AGRODIA). AGRODIA regroupe depuis 2004, les importateurs, les grossistes et les détaillants de semences, d’engrais, produits phytosanitaires et d’équipements agricoles pour créer, entre autres, un cadre de concertation, d’informations, de formation, de sensibilisation et d’échanges d’expériences, de coopération technique et économique dans le domaine de la distribution et du commerce des intrants agricoles.
Pour exercer dans le domaine des engrais en toute légalité, il faut détenir impérativement un agrément. En plus de l’agrément, pour importer les engrais, il faut disposer d’une autorisation spéciale d’importation et d’un Certificat national de conformité (CNC) délivrés par le ministère en charge du commerce. Par ailleurs, les engrais importés ou fabriqués localement doivent être soumis à un contrôle obligatoire de la qualité avant leur mise en vente.
Martin SAMA
Encadré
La solution du Nigeria
La méga usine d’engrais d’Aliko Dangote est entrée officiellement en activité le 22 mars 2022. D’un coût de $2,5 milliards, l’usine se situant sur 500 hectares dans la zone franche de Lekki dans l’État de Lagos, est conçue pour produire 3 millions de tonnes d’urée par an. Les engrais de la plus grande usine d’engrais d’Afrique seront destinés aux marchés africains mais aussi étrangers. « La nouvelle usine rendra le Nigeria autosuffisant dans la production d’engrais avec une capacité excédentaire pour exporter vers d’autres marchés africains et certains marchés comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Inde et le Mexique », a déclaré Aliko Dangote, lors de la cérémonie d’inauguration.