«Evaluation nutritionnelle, microbiologique et toxicologique des aliments vendus sur les marchés urbains et suburbains au Burkina Faso ». C’est la toute première étude consacrée à la qualité sanitaire des aliments dans le pays. Elle a été conduite de janvier à décembre 2020 par Dr Dissinviel Stéphane Kpoda, qui précise les objectifs du travail de son équipe en ces termes : « Notre étude s’inscrivant dans les priorités du ministère de la Santé de l’année visait à dresser un portrait descriptif des caractéristiques physico-chimiques et nutritionnelles, d’une part, et d’autre part, à évaluer le niveau de contamination chimique et microbiologique des aliments consommés au Burkina Faso. Il s’est agi essentiellement des céréales, des oléagineux, des légumes, des huiles, des eaux de boisson, des plats cuisinés couramment consommés dans les villes et campagnes ».
443 échantillons dans 5 villes
L’étude a été réalisée dans 5 localités du pays, à savoir Ouagadougou (région du Centre), Bobo-Dioulasso (région des Hauts-Bassins), Niangoloko (région des Cascades), Dakola et Cinkansé (Centre-Est).
Dans chaque localité, différents types d’aliments (plats cuisinés, céréales, légumes, poissons, laits, farines) ont été prélevés aux fins d’analyse au laboratoire autour de trois paramètres : permettre d’isoler, d’identifier ou de quantifier un microorganisme spécifique ou une flore particulière (microbiologiques), déterminer les produits qui peuvent pénétrer dans l’organisme avec des effets néfastes (toxicologiques) et suivre tous les aspects techniques de la récolte ou l’abattage jusqu’à la cuisine et la consommation des aliments (bromatologiques).
Au total, 443 échantillons d’aliments ont été prélevés dans les 5 villes des 5 régions couvertes par l’étude.
En termes d’analyses microbiologiques, les plats cuisinés ont présenté des résultats globalement convenables. Sur les 101 échantillons, 73,26 % avaient une qualité microbiologique satisfaisante, 14,85 % avaient une qualité microbiologique acceptable et seulement 11,88 % avaient une qualité microbiologique non satisfaisante.
Pour ce qui est de la toxicologie, 212 échantillons composés de maïs, de riz, de farines de céréales et d’arachide ont été collectés parmi lesquels 41,50 % étaient contaminés par les aflatoxines (une mycotoxine produite par certains champignons proliférant, notamment, sur des graines conservées en atmosphère chaude et humide). Sur 148 échantillons, au moins un pesticide a été détecté et quantifié sur tous les aliments, quelles que soient la matrice analysée et la localité d’échantillonnage.
222 échantillons ont été prélevés et analysés pour la détermination des éléments trace métalliques. Le fer et le zinc ont révélé être les éléments trace métalliques les plus retrouvés dans les denrées alimentaires étudiées : la valeur médiane la plus élevée en fer du groupe d›aliments (68,80 mg/kg) a été observée dans le poisson séché, suivi du maïs (43,09 mg/kg) et des arachides (28,92 mg/kg) ; 77,95% des échantillons de tomate avaient des teneurs en plomb supérieures à la limite maximale de la teneur fixée par le Codex Alimentarius et 71,16% d’échantillons de tomate avaient montré des concentrations en cadmium supérieures à la limite maximale.
La production agricole affectée?
L’analyse des aspects techniques des aliments, notamment, l’huile, a démontré que 76,27 % des 59 échantillons d’huile n’étaient pas fortifiés en vitamine A et jusqu’à 3,38 % des échantillons d’huile avaient un indice de peroxyde supérieur à la normale (10 mEq/kg). Le peroxyde est un produit très toxique dont les effets peuvent être mortels en cas d’inhalation, d’absorption cutanée ou d’ingestion; il est corrosif pour les yeux, la peau et les voies respiratoires et peut aussi causer des lésions aux poumons, bien que l’apparition de ses effets puisse prendre un certain temps.
D’une manière générale, ces contaminants chimiques et microbiologiques retrouvés dans les différents aliments exposent les consommateurs aux maladies aiguës ou chroniques qui, dans des cas extrêmes, entraînent la mort ou une invalidité permanente.
En dehors de l’impact sanitaire, la contamination des aliments de consommation courante peut affecter la production du secteur agricole, en général, et chacun des quatre piliers de la sécurité alimentaire (disponibilité, accès, qualité de l’alimentation et régularité), en particulier.
Cette étude est la première en la matière au Burkina Faso, pilotée par l’Institut national de santé publique (INSP), à travers le projet « Production d’analyse et de données pour l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant » financé par l’Union européenne.
Elle fournit des données de base sur la qualité sanitaire des aliments et les risques potentiels pour les mères et les enfants au Burkina Faso. Ces résultats requièrent de tous les acteurs la surveillance de la qualité des aliments offerts aux consommateurs, au regard de l’importance d’une alimentation saine dans la promotion de la santé et la prévention des maladies chroniques.
Martin SAMA