L’agenda de la Transition au Burkina Faso a été adopté par les forces vives le 28 février 2022. Elle l’a été à au moment où la situation actuelle du Burkina Faso n’est pas enviable. Depuis le début des attaques armées des groupes terroristes, environ 2.000 personnes ont perdu la vie, dont environ 600 personnels des Forces de défense et de sécurité (FDS). Au 31 décembre 2021, le nombre de personnes déplacées internes a atteint 1,502 millions. Toutes les 45 provinces du Burkina Faso accueillent ces déplacés dont le chiffre continue d’augmenter chaque mois. De nombreuses personnes n’ont pas pu récolter dans plusieurs localités à cause des attaques armées. Elles ont été contraintes de fuir leur localité sans emporter le minimum. L’Etat burkinabè a du mal à prendre en charge toutes ces personnes en situation de détresse. Les ONG humanitaires sont obligées de venir en aide à ces personnes parce que l’Etat montre des limites dans la prise en charge.
Le contexte défavorable étant connu, il s’agit de trouver des solutions appropriées.
Il est donc important de recentrer les intérêts de l’Etat durant cette Transition sur le plan économique pour répondre aux besoins des populations, notamment, en matière de sécurité, de justice, d’éducation, de santé, d’eau, d’assainissement, d’énergie et d’assistance aux personnes vulnérables.
L’agenda de la Transition au Burkina Faso constitue une base de travail. Il est bâti autour de plusieurs objectifs, dont la lutte contre le terrorisme, la restauration de l’intégrité du territoire, la réponse urgente à la crise humanitaire, le renforcement de la gouvernance et la lutte contre la corruption, la refondation de l’Etat, le retour à une vie démocratique normale par une nouvelle République et la poursuite du processus de réconciliation. L’atteinte de ces objectifs passe par la mise en œuvre de plusieurs activités. Une grande majorité de ces activités sont en lien avec l’économie. La mise en oeuvre de ces activités s’inscrit dans la logique des réformes nécessaires pour adapter la gestion du pays au contexte national et international actuel et accroître les ressources internes pour financer toutes les actions.
Sur le plan économique,« Outre la corruption dans la gestion quotidienne de l’Etat, la mauvaise allocation des ressources et le choix inapproprié des investissements, le népotisme, le clientélisme, le clanisme, le corporatisme de certains serviteurs de l’Etat ont fini par créer une rupture profonde de confiance entre gouvernants et gouvernés », peut-on lire dans l’agenda de la transition. Cette crise de gouvernance économique au Burkina Faso est sous-jacente à plusieurs facteurs, notamment, le problème de la transparence dans le secteur minier et foncier, la faible mobilisation des resssources de l’Etat et la mauvaise gestion des ressources et patrimoine de l’Etat. L’amélioration de la gouvernance économque est fondamentale pour cette Transition. Les actions prioritaires proposées visent, d’une part, à améliorer le recouvrement des ressources publiques, et d’autre part, la relance économique en faisant du secteur privé la locomitive pour créer des emplois et lutter contre la pauvreté.
Pour ce faire, l’agenda prévoit une opération « casiers vides » en Justice par l’accélération du traitement des dossiers pendants de terrorisme et son financement ainsi que les dossiers de crimes économiques. Si un premier procès portant sur une vingtaine de dossiers a eu lieu, il reste que les dossiers emblématiques en lien avec le terrorisme tardent à connaitre des suites. Les dossiers des attaques des restaurants Cappuchino et Aziz Istanbul, de l’Etat-Major des armérs sont très attendus. Les procès des massacres de Yirgou, Solhan, le procès des dossiers Norbert Zongo, de l’insurrection populaire de 2014, etc. sont des préalables à une véritbale réconciliation nationale, du vivre ensemble et de la cohésion sociale. La répression systématique du discours haineux et stigmatisant des communautés, la lutte contre toutes formes de discrimination participent toutes au bon vivre ensemble.
L’aboutissement des procédures judiciaires de tous les dossiers de crimes économiques dont les instructions durent depuis des années va convaincre les Burkinabè de la fin de l’impunité et pourrait permettre à l’Etat de recouvrer des sommes perdues. Pour rendre efficace la lutte contre la corruption, il a été proposé la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes liés à la corruption, à l’enrichissement illicite, au blanchiment de capituax.
Pour rendre efficace l’action de la Justice, en général, il faut doter l’institution de moyens, parce qu’actuellement, c’est grâce à la générosité des partenaires étrangers que la Justice fonctionne.
Outre l’aspect judiciaire, les audits sans complaisance de tous les ministères, y compris le ministère de la Défense, permettront d’identifier les manquements et insuffissances à corriger.
Les audits doivent s’étendre à l’Assemblée nationale, aux sociétés d’Etat, aux Etablissements publics de l’Etat, aux sociétés à capitaux mixtes, aux Directions générales stratégiques, aux nombreux Fonds, aux différents Secrétariats permaments et techniques, aux Agences nationales, aux marchés publics, etc. La décision du président de la Transition d’impliquer les experts comptables nationaux dans les audits aux côtés de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruptioon (ASCE-LC) est une bonne opportunité pour disposer, en un temps record, des résultats. Pour ce faire, il importe à la Transition de finaliser la réforme de l’ASCE-LC entamée depuis plus de 5 ans, en adoptant tous les textes d’application et en la dotant de moyens adéquats.
L’agenda de la Transition propose aussi l’audit de la politique foncière du Burkina Faso, afin de dégager des solutions, parce que de nombreux observateurs qualifient le foncier comme une bomme sociale en latence. La question des rémunération des autorités et des agents publics mérite d’être définitivement réglée durant cette Transition. Les gouvernements précédents ont hésité sur la question et les projets de remise à plat n’ont jamais abouti. Les questions de dotation en caburant, crédits de communication et autres avantages n’ont jamais été réglées. Au sortir de cette Transiiton, une certaine équité doit se dégager dans le traitement global des agents publics.
Les réformes politiques à envisager pendant la Transition tournent autour de la dépolitisation de l’administration publique. L’agenda préconise pour cela le démentèlement des cellules des partis politiques dans l’Administration. Il propose également l’application de la mesure portant recrutement par appel à candidatures des Directeurs généraux des sociétés d’Etat, des Etablissements publics de l’Etat, des sociétés à capitaux mixtes, des Directions générales stratégiques sur la base de la compétence et la recherche des résultats. Cette mesure vise à éviter les nominations de complaisance basées sur le copinage et le militantisme politique.
Les réformes politiques préconisées concernent enfin la règlementation des financements publics et privés des partis politiques, ainsi que le plafonnement des dépenses des campages, afin de réduire la corruption électorale. En matière de relations internationales, la révision des accords internationaux dont les dispositions n’arrangent pas le Burkina Faso est capitale. Parmi ces accords, les conventions fiscales et commerciales déséquilibrées, les conventions minières à longue durée avec des clauses de stabilisation qui empêchent toute modification de la fiscalité, les accords de défense, etc.
Comment augmenter les recettes internes ?
Une des attentes de l’agenda est l’informatisation du Cadastre foncier national tant attendue, tout comme l’informatisation des marchés publics et de la comptabilité matière afin d’assurer une meilleure coordination et des déperditions d’argent.
Le secteur minier n’est pas en reste. Les réformes majeures proposées consistent à exploiter la hausse du cours de l’or pour revoir à la hausse les taxes sur les royalties en fonction des cours des métaux. Un taux de 5% est percu le jour de la pesée de l’or si le cours de l’or dépasse 1.500 dollars/l’once. Il s’agit de trouver d’autres palliers pour permettre au Burkina Faso de tirer profit de la hausse du cours de l’or. Toujours, à propos du secteur minier, il est prévu l’assainissement du cadastre minier déjà informatisé et une transparence dans l’octroi des titres et autorisations miniers. Afin que le secteur minier devienne un véritable lévier de développement, l’agenda propose de privilégier les nationaux dans les emplois dans les mines et de prioriser les biens et services nationaux auprès d’entreprises nationales dans les acquisitions des entreprises minières, ainsi que leurs sous-traittants. Ce secteur est le nid par excellence de l’évasion fiscale, des flux financiers illicites, de fausses facturations. Il est prévu la réalisation d’une étude sur les flux financiers illicites dans le secteur minier pour déceller les failles du système et proposer des mesures correctives dans ce sens.
La préférence nationale est aussi préconisée dans les marchés publics, afin de privilégier les entreprises nationales dans la commande publique.
En vue de la relance économique, un meilleur accès des petites entreprises au crédit est à envisager, tout comme l’assainissement du climat des affaires, l’assainissement du marché intérieur, la poursuite des grands travaux d’infrastructures et industriels. L’agenda souhaite que tous les Burkinabè aient accès aux soins de santé à travers l’opérationnalisation de la Caissse nationale d’assurance maladie universelle dont le processus de mise en place prend du temps.
Afin de donner une assise institutionnelle à certains aspects, l’agenda propose un ministère dédié à l’humanitaire et au monde rural. Enfin, l’agenda prévoit une profonde réforme des secteurs productifs comme l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’environnement, etc. qui occupent une grande partie des Burkinabè.
Joël BOUDA
Encadré 1
7 milliards FCFA de baux administratifs
Les audits vont concerner les baux administratifs. En 2021, environ 7 milliards FCFA ont été dépensés dans la location des batiments. Toutefois, le gouvernement a du mal à maîtriser le nombre et surtout les coûts de ces locations. De nos jours, des maisons louées par l’Etat ne sont pas occupées. Une solution vigoureuse est attendue.
Encadré 2
Plafonner le nombre de ministères
Dans le cadre de la rationalisation des dépenses de l’Etat, il a été proposé de plafonner le nombre de ministères et de figer leur dénomination à long terme. Cette proposition part d’un constat. Les changements de dénomination, les fusions et scissions des ministères créent une instabilité institutionelle et retardent la mise en œuvre des activités. La rationalisation des véhicules de l’Etat a été proposée afin d’éviter des polémiques comme celle née après l’acquisition d’une voiture de luxe à 96 millions FCFA au profit du ministère de la Culture, alors que ce ministère est le parent pauvre en matière de dotation budgétaire.
Encadré 3
Quelle réponse à la crise humanitaire et alimentaire ?
Au 30 septembre 2021, ce sont 2.244 écoles qui ont été fermées, privant 305.000 élèves du système éducatif. C’est dans ce contexte qu’une crise alimentaire menace le Burkina Faso. La mauvaise pluviométrie que le pays a connue place près de 3 millions de personnes en situation de crise alimentaire. Déjà, on assiste à une flambée des prix des céréales qui ont atteint un niveau jamais égalé.