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Surcharges dans les transports: les explications de l’ONASER

Ce camion,visiblement en surcharge, peut circuler librement, après avoir payé une amende. (Ph: L’Economiste u Faso)

Les transporteurs se plaignent régulièrement des contrôles et surtout des taxes que les structures de contrôles leur infligent sur les corridors. Les citoyens constatent les dégâts occasionnés sur les chaussées du fait de la surcharge et parlent d’impunité. Entre les deux, l’Etat, à travers l’Office national de sécurité routière (ONASER), tente de protéger le patrimoine et faciliter l’approvisionnement du pays à travers le règlement 14 de l’UEMOA.
Avec Adama Kouraogo, Directeur général de l’ONASER, L’Economiste du Faso a voulu comprendre où se trouve le problème avec l’application de ce texte.

L’Economiste du Faso : Pourquoi les petits commerçants évoquent-ils des taxes élevées ?
Adama Kouraogo, Directeur général de l’ONASER : Nous tenons à rectifier que l’Office national de sécurité routière (ONASER) ne perçoit pas de taxes, mais plutôt des amendes forfaitaires liées aux contraventions en matière d’infractions aux règles de la circulation routière.
L’une de ces amendes est celle liée à l’application du règlement 14 /2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les États membres de l’UEMOA. L’ONASER, structure nationale garante de la préservation du patrimoine routier, est chargé de la mise en œuvre de ce texte comme cela se fait dans l’ensemble des pays membres de l’UEMOA. On note que ce texte fixe les limites de poids, de la charge à l’essieu et du gabarit pour chaque type de véhicule lourd de transport de marchandises, ainsi que le montant des amendes en lien avec l’infraction.
Ainsi, tout transporteur ou conducteur de véhicule lourd de transport de marchandises qui enfreint à ces dispositions est soumis au paiement de l’amende correspondante. Toute surcharge constatée au-delà des limites fixées par le R14 est passible d’une amende, calculée sur la base de 20 000 FCFA par tonne supplémentaire en transport national et 60 000 FCFA par tonne supplémentaire en transport inter-Etat.
Les petits commerçants dont il est question ne sont pas en marge de l’application des textes en matière de préservation du patrimoine routier du Burkina. Les produits spéculés par ces derniers sont en majorité acheminés par la route, à travers les transporteurs depuis les pays voisins jusqu’au territoire burkinabè.
On peut comprendre la sortie des petits commerçants, parce que l’application du règlement n’est pas concomitante et intégrale actuellement. Elle se fait de façon progressive sur la base de la feuille de route adoptée par la dernière réunion des ministres des Infrastructures et du Transport routier des pays membres de l’UEMOA, du Ghana et de la Guinée.

Expliquez-nous l’application non concomitante du R14 dans les pays…
L’application du règlement n’est pas harmonisée dans l’ensemble des pays de l’UEMOA.
L’explication qui est donnée c’est qu’au Togo, on leur accorde des facilités de chargement jusqu’à 64 tonnes. Arrivés à nos frontières, ils font face à des difficultés avec les véhicules porteurs de type P23. Ces véhicules transformés sont hors normes, car ils ne figurent pas dans la classification des silhouettes prévues par le R14. Toute chose qui pose une difficulté dans la prise en charge de ces silhouettes au niveau des postes de contrôle de la charge à l’essieu. Ces véhicules seraient autorisés à transporter 64 tonnes au Togo, contre 45 tonnes selon le seuil de tolérance de 20%. En mesures d’accompagnement, le Burkina Faso autorise un poids limite de 55 tonnes pour ces types de véhicule. Vous comprenez donc qu’il y a une différence de neuf (9) tonnes minimum qui sont verbalisées par nos services et qui constituent l’origine des remous.

Adama Kouraogo , DG de l’ONASER. (DR)

Cela pose un vrai problème. Le Togo ferme les yeux, le Burkina pas ?
Effectivement, c’est la problématique de la non-concomitance dans la mise en œuvre des mesures d’application du R14. Chaque pays tente de préserver l’économie nationale et d’apaiser le climat social à travers des mesures d’accompagnement.

Mais le Togo avait donné un délai aux transporteurs de se conformer au règlement 14, notamment, en termes de gabarit et de charge à l’essieu. Où en est-on ?
On ne peut pas mesurer cela d’ici. Seule la partie togolaise peut évaluer cette décision. Le problème posé par les commerçants est réel. Ces véhicules transformés sont classés au Togo comme des véhicules articulés T12-S4 qui ont plus de poids autorisé en termes de chargement et comportent plus d’essieux. Il faut relever que la situation géographique du pays, limité en débouchés, ayant pour principale voie de ravitaillement le transport routier, commande une certaine rigidité dans le respect des textes en matière de protection du patrimoine routier. Néanmoins, le gouvernement est conscient de la situation et reste ouvert aux échanges avec les transporteurs. A travers l’administration en charge des transports, des mesures d’accompagnement ont pu être mises en œuvre pour soutenir le transport et l’économie nationale.

Quelles sont-elles ?
Une rencontre de concertation s’est tenue le mercredi 09 février 2022 entre l’administration des transports et la Faîtière unique des transporteurs du Burkina (FUTR-B). Cette rencontre a permis de dégager des solutions palliatives en guise de mesures d’accompagnement aux transporteurs nationaux, pour un meilleur ravitaillement du pays et pour une économie plus résiliente.

Revenons sur les véhicules transformés. Comment les gérez-vous sur le terrain ? Êtes-vous habilité à dire que tel véhicule est hors gabarit ou pas ?
C’est un problème délicat. La question, c’est comment obtiennent-ils les documents ? La plupart de ces véhicules transformés sont immatriculés au niveau de certains pays. Dans le cadre de la libre circulation des personnes et des biens en application du traité de la CEDEAO, c’est parfois compliqué d’arraisonner les véhicules qui présentent des documents conformes.
Nous n’intervenons que sur le chargement. Le chargement doit se faire dans le respect des normes de gabarit et des poids limites par essieux. La hauteur maximale étant de 4 m pour tout type de véhicule.
Mais nous avons observé également qu’il y a du faux dans cette pratique. Étant donné que la visite technique est annuelle, certains transporteurs modifient leurs camions entre deux visites techniques. Mais cette situation est en train d’être gérée avec le CCVA qui a modernisé les certificats de visite technique en les rendant plus sécurisés et en y indiquant surtout le nombre d’essieux.
Nous pensons que par le contrôle, ces cas de fraudes peuvent être résorbés. Les transformations sont autorisées mais doivent se faire dans le strict respect des procédures techniques et administratives. C’est une question de sécurité routière aussi qui se pose, car ces véhicules transformés et hors normes occasionnent des accidents portant atteinte aux vies humaines et endommageant les infrastructures routières.

Comment expliquez-vous qu’on voie des véhicules surchargés traverser tout le pays sans être inquiétés, comme ce fut le cas du véhicule qui a endommagé le panneau de limitation de hauteur ?
Cela est dû au fait que le règlement 14 n’est pas appliqué de façon intégrale et concomitante. Même sur les amendes, les transporteurs et les commerçants nous tombent dessus, parce qu’on est rigoureux dans l’application. Il est prévu, en principe, que les camions surchargés soient amendés mais également délestés du surplus à travers un transbordement dans un autre camion, le tout aux frais du contrevenant. Le dispositif de délestage et de stockage n’est pas encore opérationnel. On se contente donc de faire payer l’amende et le camion continue son chemin. Le camion auquel vous faite allusion a payé sa surcharge et le hors gabarit. Il a été interpellé pour détérioration de biens publics et non-respect du code de la route.
On note que les effets néfastes de la surcharge sur les infrastructures routières sont énormes. En effet, le coefficient moyen d’agressivité de la surcharge est de 3. Ce qui veut dire que si une route est construite pour durer 15 ans, si on ne traite pas la surcharge, elle ne tiendra que 5 ans. Les analyses pessimistes parlent d’un coefficient de 4. Cela a donc un coût pour notre économie.
Au Burkina Faso, le transport de marchandises se faisant majoritairement par la route, cela n’est pas sans répercussion sur notre économie. Il est opportun de préserver nos infrastructures routières que le gouvernement réalise à coups de milliards pour faciliter les échanges et le transport des marchandises.
Entretien réalisé par FW

 

Encadré

Ce que dit le Règlement 14 en cas de surcharge
Montants des amendes pour surcharge en poids du véhicule

Toute surcharge constatée au-delà des limites règlementaires du poids total en charge du véhicule ou de l’ensemble de véhicule est passible d’une amende calculée sur la base de vingt mille (20 000) francs CFA par tonne de surcharge pour un transport national, soixante mille (60 000) francs CFA par tonne de surcharge pour un transport inter-Etats.
Une tolérance de cinq pour cent (5%) du poids total en charge est cependant accordée pour tenir compte de la marge de fiabilité du matériel de pesage.

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