Le gouvernement burkinabè, pour des raisons qu’on ignore, n’est pas encore arrivé à équilibrer son budget. Pour preuve, le budget de l’État, gestion 2022, qui est arrêté en recettes à 2.349,11 milliards FCFA et en dépenses à 2.919,15 milliards FCFA, possède un déficit budgétaire de 570,04 milliards FCFA. Un gap que l’Exécutif compte couvrir à partir des ressources de trésorerie de l’État et l’appel à l’épargne des ménages et des entreprises à travers le lancement des opérations d’emprunts obligataires. Chaque année, c’est le même mécanisme : budget déficitaire et recours à d’autres sources de financement pour combler le budget afin de faire face au développement.
Attention, les financements extérieurs tarissent !
Mais jusqu’à quand ce « rituel » va continuer ? Surtout dans un contexte où les sources de financement extérieur commencent à tarir. Et pour ne rien arranger, le pays est confronté à une situation sécuritaire qui va de mal en pis et ce, depuis 2015. Le drame humanitaire des attaques terroristes laisse sans voix. Selon les sources gouvernementales, le pays compte 1.579.976 de personnes déplacées avec plus de 3.405 établissements scolaires fermés au 31 janvier 2022. Plus de 2.500 morts, dont près de 500 forces de défense et de sécurité. A celle sécuritaire s’est ajoutée en 2020, la pandémie du Coronavirus qui a laissé des traces indélébiles sur l’économie nationale.
Fraudes fiscales et les flux financiers illicites : 373.810.105.828 milliards FCFA en 3 ans.
A en croire le Centre de recherche appliqué en finances publiques (CERA-FP), le montant de 570,04 milliards FCFA est une broutille, comparé aux déperditions importantes de ressources financières qui échappent aux régies de recettes. En d’autres termes, le gouvernement peut combler ce gap si par certains choix économiques, il ne perdait pas d’énormes ressources financières.
A titre d’exemple, dans un rapport intitulé « Analyse des dépenses publiques consacrées aux services sociaux de base (éducation, santé, agriculture et genre) publié en octobre 2021, le CERA-FP révèle ces déperditions importantes. Selon le rapport sur les flux financiers illicites produit par le CERA-FP en 2021, le Burkina Faso perd plusieurs milliards FCFA chaque année à cause de la fraude dans le secteur de la production artisanale de l’or. Le rapport indique que les fraudes fiscales et les flux financiers illicites se chiffrent à 134. 415. 682. 796 FCFA en 2017, 116. 113. 911. 284 FCFA en 2018 et 123. 280. 511. 748 FCFA en 2019. Soient 373.810.105.828 milliards FCFA en 3 ans.
Fausses facturations d’or :325,1 milliards FCFA sur la période 2014-2019
Dans une autre étude réalisée par l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) sur l’état de la corruption au sein de la Douane du Burkina Faso, Global Financial Integrity (GFI) estime que le Burkina Faso a perdu 288,267 milliards annuellement en moyenne entre 2008 et 2017, en raison des fausses facturations commerciales. Un article du Centre de formation et de recherche anti-corruption (CFRAC), porté par le REN-LAC, a mentionné que les pertes en recettes budgétaires dues à la sous-facturation des exportations d’or vers la Suisse et l’Inde étaient estimées en moyenne à plus de 54 milliards FCFA par an, soit un total de 325,1 milliards FCFA sur la période 2014-2019.
Exonérations fiscales : 435,01 milliards FCFA de 2016 à 2020
Toujours selon le CERA-FP, l’Etat burkinabè accorde beaucoup d’incitations fiscales aux sociétés, administrations et ménages.
Selon les chiffres disponibles, de 2016 à 2020, le montant estimé des dérogations fiscales est de 435,01 milliards FCFA.
Il apparait curieux que dans un pays où tout semble prioritaire, que l’on assiste à une manne aussi importante qui échappe au budget de l’Etat. Il est nécessaire que les pouvoirs publics se donnent les moyens pour collecter le maximum de ces ressources qui pourraient amplement rehausser les investissements dans les secteurs sociaux. o
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Sans les pertes financières, le volet défense et sécurité pouvait voir son budget triplé
L’Etat burkinabè est, certes, souverain dans ses choix de politique économique, mais le constat révèle d’énormes manques à gagner aux recettes de l’Etat par certains choix. Dans un pays comme le Burkina Faso, où tout est prioritaire en matière de développement, de telles ressources financières pouvaient permettre de construire des infrastructures sanitaires, éducatives, routières, hydrauliques, etc. Le budget gestion 2022 consacre un montant de 483,66 milliards FCFA à la défense et à la sécurité. Au regard de l’urgence de venir à bout de l’insécurité, ce montant qui est, certes, en croissance d’année en année, se révèle insuffisant par rapport aux énormes pertes financières. C’est dire que ce montant pouvait être plus important. Mais hélas ! A ces pertes financières, se greffe la corruption qui a pris des galons dans la société burkinabè et singulièrement l’Administration. Pas une semaine ou un mois sans que la presse d’investigation ne fasse cas de vol ou de pillage des deniers publics. Or, il est évident qu’une société gangrénée par la corruption finisse par s’effondrer. Le temps n’est-il pas venu de changer de paradigme pour permettre à la population de profiter des retombées de son budget ?
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