Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) et le ministère des Infrastructures et du Désenclavement (MID) ont initié une expérience de collaboration conventionnelle sur la période 2018-2021, en vue d’atténuer les dégradations rapides, les prolongements démesurés des délais de réalisation des infrastructures, etc. Il ne s’agit pas là, précise la structure de lutte contre la corruption, d’un «accompagnement de la société civile ou de donner un quitus au MID, ni aux entreprises, ni aux bureaux de contrôle, encore moins de certifier la qualité d’une quelconque infrastructure réalisée ». Il faut plutôt y voir un regard externe critique du processus de mise en œuvre des infrastructures publiques depuis leur conception, le processus de passation des marchés, l’exécution, les mécanismes de contrôle jusqu’à la réception et à l’utilisation des infrastructures.
Les différents acteurs impliqués dans ce processus se sont retrouvés les 02 et 03 décembre 2022 à Ouagadougou, pour examiner les résultats obtenus durant la période de contrôle citoyen.
Pour le Chargé de mission du ministère des Infrastructures et du Désenclavement, Sidiki Boubacar Ilboudo, la réalisation des infrastructures est complexe et il arrive de croire à tort ou à raison que le ministère est le responsable direct des manquements constatés ; le suivi citoyen permet donc de situer les responsabilités et de discipliner la réalisation des projets. « Nous sommes tous convaincus que le suivi citoyen est nécessaire si nous voulons des infrastructures de qualité », a renchéri Habibou Tapsoba, Chargée de la gouvernance au Projet gouvernance économique et participation citoyenne (PGEPC), partenaire financier de l’opération.
Dans la pratique, après la signature d’une convention de collaboration en 2017 avec le MID, le REN-LAC a procédé à la sélection des projets à suivre en tenant compte de trois (03) critères pour les projets initiaux (déjà démarrés et à niveau avancé ; sur le point de démarrer avec OS transmis aux entreprises ; non encore démarrés dont OS non encore transmis), l’exploitation documentaire et l’analyse des informations collectées sur les projets, d’une part, et d’autre part, il a constitué des équipes du suivi citoyen et organisé des missions conjointes de suivi sur le terrain, installé des points focaux et procédé au renforcement de leurs capacités. Sur douze (12) projets initiaux proposés par le ministère, le REN-LAC a retenu la route de l’hôpital Yalgado dans la région du Centre ; l’axe Manga-Zabré dans la région du Centre-Sud, au Centre-Est et l’axe Kantchari-Diapaga-Tansarga-Frontière du Bénin dans la région de l’Est. Des travaux des 11-Décembre 2019 et 2020 ont été ajoutés à la suite sur la liste de ce contrôle citoyen, notamment, à Tenkodogo, Koupéla et Ouargaye dans la région du Centre-Est, et Banfora, Sindou et Niangoloko dans la région des Cascades.
Le control a permis de déceler des vices de procédure dans la passation des marchés des travaux, des absences d’information (renseignement) du public, un déficit dans la communication entre acteurs, dans l’implication des acteurs locaux dans le choix des sites des travaux à réaliser et un non-respect des délais d’exécution des marchés. A titre d’exemples, le lot 5 des travaux du 11- Décembre 2020 a été attribué à BTM, pourtant, cette entreprise n’a pas été soumissionnaire ni au départ, ni à la pré-qualification ; aucun projet n’a respecté les délais d’exécution impartis et des avenants sont accordés régulièrement aux entreprises.
Les travaux de RN04 croisement RN03 (Route CHU-YO) ont démarré depuis le 25 novembre 2015 et ils étaient censés se clôturer théoriquement le 31 décembre 2017. Cela fait donc six(06) ans au moins que ce projet dure et malgré trois (03) avenants dont le dernier date du 07 octobre 2021, l’entreprise est à 99% de taux de réalisation physique avec 93,96% de taux de décaissement et un délai consommé à 372,22% le 31 décembre 2021.
La rencontre de Ouagadougou a permis aux participants d’évaluer les résultats de cette phase du contrôle citoyen initié par le REN-LAC et de poser les bases pour améliorer leurs futures actions. Ils préconisent d’ailleurs, entre autres, d’adopter un texte de loi sur le suivi citoyen (rendre légal du suivi citoyen) ; d’appliquer des sanctions et les rendre publiques sur les retards énormes et les malfaçons dans la mise en œuvre des projets routiers ; de mettre en place des cellules citoyennes actives pour suivre toutes les différentes réalisations d’infrastructures avec l’implication des populations aux différentes étapes des projets; d’accorder plus de célérité dans le traitement des dossiers pour les Avis de non-objection (ANO), etc.o
Martin SAMA
Encadré
Constat de l’implication des acteurs locaux dans le choix des sites des travaux à réaliser
Ouargaye: Trajectoire sinueuse (serpentée) imposée à l’entreprise passant devant le domicile privé du Maire et qui s’arrête au beau milieu de l’entrée principale du Centre médical.
Koupéla: Problème de transparence: le Maire n’aurait pas admis les points focaux lorsqu’ils l’avaient rencontré sur la question des choix des sites, surtout les travaux connexes.
Banfora : Des incongruités: concentration du bitume dans la zone administrative avec de petites ruelles goudronnées (celle derrière le Gouvernorat)
Sindou: Problème d’efficience: difficile à comprendre le fait de remplacer le gravillonnage du Millenium Challenge Account(MCA) en bon état qui passe devant la cour de la famille Ouattara (située à côté du Haut-commissariat) pour le refaire alors que cette portion aurait pu servir pour rallonger d’autres rues.
Niangoloko: Un bitume d’au moins 1 km jeté dans une brousse avec pour argument que la Mairie envisagerait la viabilisation d’un projet qui n’est qu’en phase de gestation.
Dans certaines collectivités: Refus de mettre à la disposition des PF les documents relatifs aux sites des travaux connexes.