Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) a organisé le 11 novembre 2021, la cérémonie de présentation du rapport 2020 sur l’état de la corruption au Burkina Faso.
Ce rapport est le résultat d’une enquête d’opinion des populations urbaines et semi-urbaines sur la fréquence de la corruption au Burkina Faso et sur ses causes. Il analyse également les actions de l’État (gouvernement, Parlement, Justice, Corps de contrôle), du REN-LAC et de la presse dans la lutte anti-corruption, a indiqué Sagado Nacanabo, Secrétaire exécutif du REN-LAC.
Ce rapport 2020 est publié dans un contexte sécuritaire. « À ce jour, les attaques ont causé plus de 2.000 morts et entraîné 1.423.378 déplacés internes, selon les chiffres fournis par le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR) à la date du 31 août 2021 », a-t-il ajouté.
Une telle situation devrait commander la bonne gouvernance et l’exemplarité au sommet de l’État, sans lesquelles il ne sera pas possible de vaincre l’hydre terroriste qui secoue le Burkina Faso depuis 2015, selon le Secrétaire exécutif du REN-LAC.
Les résultats du rapport indiquent que 81,95% des enquêtés estiment que les pratiques de corruption sont fréquentes, voire très fréquentes au Burkina Faso. Cette proportion est en hausse par rapport aux autres années où 75,7% ont eu les mêmes réponses en 2019 et 67,2% en 2018. Les propos de cette femme de 33 ans de Manga corroborent ce résultat : « De manière générale, la corruption a augmenté cette année 2020, particulièrement, la corruption électorale. Cela s’explique par le fait que chaque politicien (même étant agent public) cherche à sympathiser avec la population pour avoir des voix afin de devenir député ».
Plus de 4 personnes sur 10 ont affirmé, en 2020, que le phénomène est même en augmentation par rapport à l’année 2019. L’Indice synthétique de perception de la corruption (ISPC), calculé à partir de la perception des enquêtés sur la fréquence et l’évolution de la corruption, montre une constante augmentation du phénomène depuis 2016. La proportion des enquêtés qui pensent que la corruption augmente au Burkina Faso est passée de 10,1% en 2016 à 42,4% en 2020, soit un écart de plus de 30 points de pourcentage en l’espace de quatre ans seulement.
Les expériences des femmes à la corruption se font dans les domaines de la recherche d’emploi/travail (60,8%) et la santé (31,1%). Par contre, les hommes sont plus vulnérables dans les domaines des affaires (commerce/affaires).
Le REN-LAC constate, face à la situation, une inertie, voire une impuissance à peine voilée de l’Exécutif face au développement du phénomène.
C’est ce que reconnait un indépendant de 42 ans de Tenkodogo : « Cette année, je pense que ça s’est empiré. Les choses se font de manière ouverte. Je prends un exemple : les membres du gouvernement s’en foutent totalement de la lutte contre la corruption. La corruption augmente surtout au sommet de l’État ».
À la lumière de la situation, des recommandations ont été formulées à l’endroit de l’Exécutif afin qu’il inscrive la lutte contre la corruption sous toutes ses formes, le devoir d’exemplarité et la reddition des comptes au cœur de son action. « Il est important que dès lors qu’un membre du gouvernement est cité dans une affaire de corruption, ce dernier rende sa démission pour se mettre à la disposition de la Justice, en attendant la manifestation de la vérité », a estimé Sagado Nacanabo. Le REN-LAC a fait une mention spéciale à la presse burkinabè qui s’illustre brillamment dans des actions de lutte anti-corruption et pour une gouvernance vertueuse au service des populations. o
Elie KABORE
Encadré
La Police municipale, premier service le plus corrompu
Comme chaque année, le rapport sur l’état de la corruption établit un classement des services les plus corrompus sur la base des expériences des personnes enquêtées.
La Police municipale vient en tête des services les plus corrompus. Elle occupe cette place depuis 2016. Elle est suivie de la Police nationale qui a quitté la 9e place en 2016 et 3e rang en 2019 pour se situer à la 2e place en 2020. La Douane, 3e, quitte la 2e place qu’elle occupait en 2019. La Direction générale des transports terrestres et maritimes (DGTTM) reste au 4e rang comme en 2019. La Gendarmerie aussi stagne au 5e rang entre 2019 et 2020. D’autres services ont vu leur situation se dégrader entre 2019 et 2020. La Justice est passée du 10e au 7e rang, l’Enseignement secondaire passé du 7e au 6e rang et les Collectivités territoriales passées du 12e au 10e rang.