Les Pandora Papers ont remis la question des Flux financiers illicites (FFI) à l’ordre du jour depuis le 4 octobre 2021. Les pratiques de plusieurs personnes publiques qui siphonnent les caisses des Etats pour cacher leurs butins dans des paradis fiscaux ont été indexées dans les Pandora Papers. Cette action vient en appui à ce que font d’autres organisations au niveau africain et national pour lutter contre l’évasion fiscale et les flux financiers illicites (FFI).
Tax Justice Network Africa (TJNA), basée au Kenya et qui œuvre pour la justice fiscale, a dénoncé les pratiques des places financières telles que celle de Nairobi (Kenya) ou de Kigali (Rwanda) qui a été créée récemment. Ces places financières exposent l’Afrique aux FFI à cause des taux d’impôts extrêmement bas, voire inexistants qu’elles offrent pour attirer les investisseurs.
Outre Nairobi et Kigali, on note la présence de 2 places financières en Afrique du Sud, dont une au Cap et l’autre à Johannesburg et celle du Mauritius International Financial Centre (MIFC).
Elles sont structurées pour attirer les investissements étrangers par le biais d’incitations fiscales plus favorables aux entreprises étrangères qu’aux nationales. Elles prévoient un rapatriement complet des bénéfices dans les pays d’origine des entreprises et un système allégé de règlement des différends.
Si le caractère astreignant de ces places financières devrait avoir un effet positif sur le flux d’investissements étrangers dans un État qui a besoin de financement pour des projets de développement, il est très préjudiciable à l’économie nationale en ce qui concerne ses efforts de mobilisation des recettes intérieures.
TJNA a aussi dénoncé les accords de non-double imposition signés avec les paradis fiscaux comme l’île Maurice, Seychelles par de nombreux pays. Afin de permettre au peuple kenyan de bénéficier de plus de ressources financières, TJNA a même traduit le gouvernement kenyan en Justice pour 10 de ces accords que le Kenya a signés avec 10 paradis fiscaux.
L’Accord du G7-l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)- sur le taux minimum de 15% d’impôts sur les multinationales risque de coûter plus cher à l’Afrique.
En effet, au terme de cet accord qui est une réforme de la fiscalité mondiale, l’impôt minimum mondial est d’au moins 15 % dans 130 pays du monde. Pour l’OCDE, cet accord vise à mieux taxer les grandes et plus rentables multinationales, dont les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). En plus de ce taux minimum de 15%, les multinationales profiteront d’autres avantages qu’offrent d’autres avantages fiscaux contenus dans d’autres dispositions tels les Codes des investissements, les Codes miniers, les Codes pétroliers, etc.
Le plus grand perdant est l’Afrique où l’impôt sur les sociétés est habituellement supérieur à 15%. Au Burkina Faso, le Code général des impôts fixe le taux de perception de cet impôt à 27,5%, soit une différence de 12,5% que le taux fixé dans l’accord. Au Mali, le taux de perception de l’impôt sur les sociétés dans le droit commun est fixé à 35%, soit une différence de 20% par rapport au taux fixé dans l’accord. Les statistiques de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) révèlent que les FFI contribuent à la fuite de capitaux de 88,6 milliards de dollars par an (44.300 milliards FCFA) hors du continent. La réduction de ces fuites peut augmenter les capitaux disponibles pour la relance économique de l’Afrique.
Pendant ce temps, la Banque africaine de développement (BAD) estime que les gouvernements africains ont besoin d’un financement brut supplémentaire d’environ 154 milliards de dollars en 2020/21 pour faire face à la crise de Covid-19. Or, la réduction des FFI déjà constitue une solution au problème de financement de la relance des économies africaines post-Covid-19. Selon les chiffres du Fonds monétaire international, l’emploi a chuté d’environ 8% en 2020, et plus de 32 millions de personnes se retrouvent dans l’extrême pauvreté. Les inégalités vont donc s’accroître, en raison de l’impact disproportionné que la pandémie a eu sur les groupes vulnérables, notamment, les femmes, les jeunes et les travailleurs peu qualifiés. Cette inégalité croissante a également des répercussions importantes sur les perspectives de reprise et la stabilité macroéconomique de l’Afrique. Combattre les FFI peut combler le fossé grandissant des inégalités en Afrique.
Les failles des dispositifs fiscaux des pays, sources de fuites de capitaux qui se multiplient en Afrique, constituent des défis à relever. Tous ces risques font dire que l’Afrique est bien partie pour perdre encore plus d’argent.o
Elie KABORE
Encadré
L’Afrique doit faire entendre sa voix dans les discussions fiscales internationales
Dans la lutte contre les FFI, les dirigeants africains doivent faire entendre leur voix dans les discussions fiscales internationales, en particulier, celles relatives à la sécurisation des droits fiscaux de l’Afrique. L’Afrique se doit de se positionner de manière stratégique en tant que leader dans la lutte contre les flux financiers illicites dans le monde. La lutte contre les flux financiers illicites est l’une des préoccupations majeures de TJNA à travers un solide réseau d’organisations de la société qui s’engagent à promouvoir un système fiscal responsable et progressif.
C’est dans ce cadre qu’au cours de la 9e Conférence panafricaine sur les flux financiers illicites et la fiscalité tenue du 27 au 29 octobre 2021, sous le thème « Combattre les flux financiers illicites pour combler le fossé grandissant des inégalités en Afrique », il a été affirmé que pour atteindre l’Agenda 2063 de l’Union africaine pour une croissance économique et un développement équitable, inclusif et durable, il est nécessaire pour l’Afrique de mettre en place une politique fiscale.o