Le Burkina Faso est confronté constamment à des risques importants de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les effets du changement climatique ne font qu’accentuer le problème avec les multiples conséquences, en particulier, pour les enfants de moins de 5 ans. La malnutrition accroît les risques de développement moteur et de coordination, de difficultés scolaires à court terme, de productivité à l’âge adulte et in fine, le développement du pays. De ce fait, la promotion de l’investissement en capital humain, en particulier, dans la fenêtre des 1000 premiers jours de la vie de l’enfant, est décisive pour son développement.
Malgré les progrès récents, les programmes de réponses annuelles ne peinent pas à éradiquer l’insécurité alimentaire chronique, sans doute du fait de leur caractère d’urgence. Le programme de résilience de l’UE entend apporter une solution durable à la problématique de l’insécurité alimentaire chronique en couplant une aide d’urgence en numéraires pendant les périodes de soudure (transferts monétaires inconditionnels ou TMI) et avec des interventions visant à augmenter l’investissement des ménages à long terme : il s’agit à la fois d’investissement agricole (distribution d’animaux domestiques et semences hivernales, ou investissements productifs (IP) et d’investissement dans la nutrition des jeunes enfants et des femmes enceintes (distribution de kits de jardin et de farine enrichie ou intervention nutrition (N). Ce programme, lancé en 2018, est mis en œuvre par deux constoria d’ONG, à savoir PROMIRIAN dans la Boucle du Mouhoun et RESIAN à l’Est.
Ce programme intègre aussi une dimension recherche avec l’ultime but de développer un modèle de résilience cognitive soutenable et durable. La littérature actuelle ne permet pas de pleinement connecter les transferts monétaires, nutrition et développement cognitifs des enfants. Ce projet de recherche a ainsi pour ambition d’explorer les conséquences d’un projet multidimensionnel sur le développement des jeunes enfants.
Notre projet de recherche nous a permis de nous interroger sur les questions suivantes: ce type de programmes multidimensionnels, avec une composante nutrition des jeunes enfants forts, sont-ils susceptibles d’améliorer l’environnement des jeunes enfants pendant leurs 1000 premiers jours ? Quel est le bénéfice relatif des interventions TMI par rapport aux interventions IP et N, notamment, sur la nutrition des jeunes enfants ? Il y a sûrement beaucoup de bonnes solutions potentielles pour réduire la malnutrition infantile. Cependant, nous cherchons à savoir quelles sont les plus efficaces.
Pour choisir les bénéficiaires, une approche analyse de l’économie des ménages (HEA) est choisie. Le HEA est une méthode de ciblage qui vise à identifier les ménages les plus vulnérables avec l’assistance de la communauté, par exemple, avec la création d’assemblées villageoises qui permettent de définir les critères pertinents de vulnérabilité. Cette méthodologie permet de mener un projet de recherche inclusif, plus neutre et sensible aux réalités locales. L’étude comportait 7083 ménages, 56816 membres des ménages et environ 12000 enfants de moins de 5 ans.
L’impact du programme et la conséquence de son objectif principal (la réduction à long terme de la malnutrition sévère) sont mesurés avec la situation économique des ménages bénéficiaires à court, moyen et long terme ainsi que des effets indirects dans la communauté.
La lutte contre la malnutrition enfantine ne peut se limiter à des politiques de transferts monétaires et d’animaux
Les conclusions de notre étude de recherche nous indiquent que les objectifs nutritionnels et développementaux du programme PROMIRIAN/RESIAN ont été atteints de manière assez spectaculaire lorsque toutes les interventions (TMI, IP, N) sont mises en œuvre ensemble. Cette stratégie a fait baisser d’un quart la malnutrition chronique sévère qui s’accompagne naturellement d’une baisse plus faible du nombre d’enfants en malnutrition aiguë (qui mesure la malnutrition à l’instant t). Nos résultats montrent aussi que le programme a contribué à baisser l’insécurité alimentaire sévère d’environ un quart. Par ailleurs, nos résultats indiquent que les ménages qui bénéficient de l’ensemble des interventions (groupe T3) possèdent davantage de terres agricoles à la fois en nombre de parcelles possédées et en taille et investissent plus dans les équipements agricoles. Le programme, lorsqu’il est mis en œuvre dans son entièreté, a donc un effet démultiplicateur sur les comportements des ménages: Ils investissent plus à la fois dans la nutrition de leurs jeunes enfants et dans leur propriété et outils agricoles.
Cependant, les interventions de type TMI (groupe T1) ou la combinaison de TMI et IP (groupe T2) ne semblent pas avoir généré d’effet sur la nutrition des enfants à moyen terme. Cela pourrait suggérer que la lutte contre la malnutrition enfantine ne peut se limiter à des politiques de transferts monétaires et d’animaux. Les programmes spécifiquement conçus pour lutter contre la malnutrition semblaient être plus efficaces sur les dimensions de nutrition et de sécurité alimentaire. De même, notre protocole d’étude ne nous permet cependant pas de conclure qu’un programme nutritionnel simple (distribution de céréales, farine enrichie et jardins) aurait permis d’atteindre le même objectif sans l’apport d’argent liquide et de la distribution d’animaux. Il est possible, voire probable, que ce soit l’interaction entre toutes les composantes qui génère un effet positif. Les résultats de l’enquête de 2021 nous apporteront une perspective plus complète des potentiels bénéfices cognitifs que ces effets nutritionnels de court terme ont pu générer.
Pour plus d’informations sur ce projet ou pour connaître le travail de Innovations for Poverty Action, veuillez consulter notre site poverty-action.org.o