Le Forum des libéraux du Burkina Faso (FLB) a organisé un panel, le samedi 10 avril 2021 à Ouagadougou, sur le thème « Rôle et place des idéologies politiques au Burkina Faso : quelles frontières entre social-démocratie et social libéralisme ? ».
Quelle place occupent les idéologies en politique au Burkina Faso ? Quelles différences y a-t-il entre social-démocratie et social libéralisme ? Les deux idéologies peuvent-elles cohabiter ? Que faut-il au-delà des idéologies ? Autant de questions qui ont été débattues au cours d’un panel organisé par le Forum des libéraux du Burkina Faso (FLB), le 10 avril 2021 à Ouagadougou. L’objectif de la rencontre, selon le président du FLB, Francis Neya, a été de former et d’informer l’opinion sur le rôle des idéologies en politique et les nuances entre social-démocratie et social libéralisme. Dans son exposé, le panéliste, Dr Abdoul Karim Saidou, enseignant-chercheur à l’Université Thomas Sankara, a souligné l’importance de l’idéologie en politique. « Aujourd’hui, il y a la nécessité de travailler à réhabiliter l’idéologie dans la vie politique. L›idéologie renvoie à la vision, c’est ce qui donne un sens au combat politique. Sans idéologie, on assiste à une compétition qui n’est pas encadrée par les idées », a-t-il argué. Pour lui, un parti politique, plus qu’une machine électorale doit produire des idées. Le panéliste a fait le constat que même si la plupart des partis politiques se réclament d’une idéologie, ce facteur est moins « déterminant » dans la compétition électorale en Afrique. « Ils (les partis politiques) se présentent comme appartenant à des idéologies comme la social-démocratie, le socialisme et le libéralisme. Mais dans la réalité, l’idéologie n’est pas un facteur déterminant dans la concurrence politique. C‘est pour cette raison que lors des compétitions électorales au Burkina et dans beaucoup d’autres pays africains, les programmes ne sont pas les facteurs déterminants qui permettent de départager les différents prétendants aux postes politiques », a-t-il soutenu. D’où son appel aux partis politiques à proposer des alternatives et des solutions pour faire face aux grands défis auxquels font face nos sociétés. L’idéologie, a-t-il dit, est donc un élément indispensable qui s’inscrit dans une logique de transformation de la société.
A la question de savoir si la social-démocratie et le social-libéralisme peuvent cohabiter, l’enseignant-chercheur a indiqué qu’ils n’étaient pas « radicalement » opposés, parce que les deux idéologies ont historiquement tenté de faire une synthèse entre le socialisme scientifique ou communisme et le libéralisme pur et dur. « Du point de vue politique, ces deux idéologies ont en commun le fait d’accepter le libéralisme, le multipartisme, les droits humains, la séparation des pouvoirs. Sur le plan social, il y a un certain nombre d’éléments communs comme les droits des personnes les plus vulnérables qui sont pris en compte. Même si on sait que le social-libéralisme est beaucoup plus penché à droite alors que la social-démocratie met beaucoup plus l’accent sur les questions sociales au détriment de l’économie du marché dans une certaine mesure », a expliqué Dr Abdoul Karim Saidou.
Le président du FLB, Francis Neya, a rappelé qu’à l’issue des élections couplées, présidentielle et législative du 22 novembre dernier, un parti d’obédience sociale libérale, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) et un autre d’obédience social-démocrate, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), ont décidé de travailler ensemble au sein de la majorité présidentielle afin de mener à bien le combat pour le développement du Burkina Faso. « Si bien que plusieurs personnes s›interrogent sur l›utilité des idéologies dans la gestion des affaires politiques. Comment deux partis politiques dont les idéologies sont aux antipodes peuvent-elles cohabiter dans un même gouvernement et pour quels résultats ? », s’est-il interrogé.
Le parrain de la rencontre, le ministre de l’Energie, des Mines et Carrières, Dr Bachir Ismaël Ouédraogo, saluant la portée d’une telle initiative, a laissé entendre qu’au-delà des idéologies, c’est l’intérêt commun qui doit prévaloir. « Au-delà des bords politiques, de nos mentors, nous appartenons à une même génération qui a le devoir de travailler ensemble. Nous avons en commun un pays qui s’appelle le Burkina Faso », a-t-il confié. A l’entendre, le renouveau du pays des Hommes intègres passe par la cohésion de ses fils et filles. « Nous n’irons nulle part dans la division en Afrique. Seul, personne ne peut réaliser le rêve de développement. Nous nous réclamons d’idéologies différentes, mais l’important est d’apprendre à décider de notre voie propre à nous pour développer nos Etats. En tant qu’Africains, nous devons travailler à croire en nous-mêmes. Décolonisons nos esprits pour être forts », a martelé le parrain. De l’avis du ministre, il est inutile de s’accuser à tort. Il faut, a-t-il suggéré, transcender nos différences pour mettre en valeur nos qualités. « Le ministère de l’Energie et des Mines génère par an 2000 milliards FCFA dans l’exploitation minière, mais l’Etat burkinabè a des difficultés pour engranger les 10% de cette somme. Sur 17 sociétés minières présentes dans notre pays, aucune n’est burkinabè. Il y a un problème. Ce n’est ni le problème du MPP, du CDP encore moins de l’UPC. Il est temps de faire une introspection pour réfléchir sur nos maux », a déclaré Dr Bachir Ismaël Ouédraogo.o
Jérôme HAYIMI