Depuis quelques temps, l’affiliation ou non au Chef de file de l’opposition politique burkinabè (CFOP) fait polémique au sein de certains partis politiques. Les responsables desdits partis refusent d’adhérer au CFOP tout en se réclamant de l’opposition. Que faut-il y voir à travers ces positions ?
La sortie récente des premiers responsables de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), Me Herman Yaméogo, et celui du Front patriotique pour le renouveau (FPR), Dr Aristide Ouédraogo, à propos de leur non-affiliation au CFOP suscite débat. « Nous refusons publiquement une quelconque affiliation au CFOP qui pourrait mettre en péril l’opposition et nous nous assumons dans ce sens, parce que nous croyons fermement que chaque entité doit rester indépendante dans son rôle républicain », ont-ils déclaré, au cours d’une conférence de presse, suite à une correspondance adressée à eux par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATDC), les invitant à clarifier leur appartenance.
L’on se rappelle que la création du CFOP, il y a une dizaine d’années, a été une demande, du moins une exigence de certains leaders politiques à l’époque. L’idée était de donner un cadre fédérateur aux partis de l’opposition de mieux participer à l’animation de la vie politique et au renforcement du processus démocratique. A travers cette institution, l’opposition politique, sous le leadership d’un chef de file désigné selon des dispositions statutaires, joue officiellement son rôle de contre-pouvoir face à la majorité qui dirige. L’article 2 du statut de l’opposition stipule ceci : « Aux termes de la présente loi, est considéré comme parti politique de l’opposition, tout parti légalement constitué se déclarant opposé au parti ou au groupement de partis participant au gouvernement ou soutenant l’action gouvernementale ». L’article 4 précise clairement que « pour être un parti de l’opposition, il faut : faire une déclaration officielle de son appartenance à l’opposition et la transmettre au chef de file de l’opposition ; ne pas accepter que ses militants occupent des postes politiques du genre hautes fonctions… ».
Comment faut-il analyser cette posture de ces leaders politiques qui ont réclamé la création du CFOP et de nouveaux apparus récemment sur l’échiquier politique ? Une affiliation au CFOP ne signifie pas forcément une inféodation au chef de file. D’ailleurs, l’article 8 du statut de l’opposition indique expressément que « les partis politiques de l’opposition exercent leurs activités dans le strict respect de la Constitution et des lois en vigueur. Ils doivent veiller, dans toutes leurs activités, à préserver les intérêts supérieurs de la Nation ». Cette attitude surprend à la limite, dans la mesure où il s’agit d’une institution républicaine qui est le fruit de l’histoire de l’expérience démocratique du Burkina Faso.
L’on voit bien derrière ces prises de position, un problème de leadership. L’on peut comprendre que les gens qui ont combattu l’actuel chef de file de l’opposition, Eddie Komboïgo, éprouvent un certain embarras à travailler avec lui. Mais ce qu’il faut voir, c’est que le CFOP est une institution qui va au-delà d’une personne. Elle a été créée dans un cadre légal pour favoriser une expression plurielle de la démocratie au Burkina Faso. Quelle que soit la personne qui la chapeaute, le CFOP ne doit souffrir l’ombre d’aucune contradiction. L’on peut être d’un bord contraire à celui du chef de file, mais à partir du moment où il représente une institution républicaine, pourquoi se trouver incapable d’exprimer son opinion dans le cadre d’un débat contradictoire ?
Si ces leaders politiques estiment que la configuration du CFOP n’est pas en phase avec le contexte actuel, qu’ils expriment ouvertement leur point de vue. L’important est que l’institution survive aux individus, dans la mesure où elle existe pour défendre les intérêts supérieurs de la Nation. L’essence même de la démocratie suppose une pluralité d’acteurs qui expriment diversement leurs opinions sur les questions d’envergure nationale. Si une institution doit être vouée aux gémonies parce qu’elle est dirigée par untel, c’est que l’on veut simplement ramener notre sphère publique à une arène où s’affrontent des égos et des intérêts inavoués. o
Jérôme HAYIMI
Encadré
Engagement politique
L’engagement politique suppose avant tout l’incarnation d’un idéal républicain. Et incarner cet esprit, c’est poser objectivement les problèmes qui entravent le bon fonctionnement d’une institution comme le CFOP. Vouloir d’un CFOP qui joue pleinement son rôle de contre-pouvoir, c’est formuler de façon concrète les raisons qui empêchent des partis se réclamant de l’opposition d’y adhérer.
L’idée est d’avoir une institution qui fonctionne au-delà des divergences que ses membres peuvent avoir. Se contenter par voie de presse à dire que l’on ne va pas au CFOP, c’est simplement un coup d’épée dans l’eau. C’est courir le risque de ne pas être consulté sur des questions importantes de la vie de la Nation.
C’est en quelque sorte courir le risque de s’exclure du débat politique. A défaut, ceux qui ont fait l’option de ne pas adhérer au CFOP devront assumer les conséquences de leur position.o