La tenue régulière des élections libres et transparentes est un bon baromètre de la démocratie. Mais au Burkina Faso, foi du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Newton Ahmed Barry, ces élections se révèlent être coûteuses aux Burkinabè.
Il pense qu’avec une dose de volonté et de l’intérêt général, le pays des Hommes intègres peut organiser des élections avec un budget maîtrisé et moins coûteux aux contribuables. Mais comment y arriver ? Le spécialiste des questions électorales qu’il est a expliqué le mécanisme au détour d’un panel sur la « soutenabilité financière des élections et les stratégies », le 23 mars 2021 à Ouagadougou. « Je l’ai dit depuis 2016, si nous ne faisons pas attention, ce sont les coûts des élections qui vont dégoûter les citoyens des élections », c’est en ces termes que le journaliste d’investigation a, d’entrée, précisé sa pensée.
Un constat fondé sur l’expérience vécue avec les dernières élections couplées présidentielle/législatives de novembre 2020. Newton Ahmed Barry mentionne qu’à « ces élections, nous sommes partis sur les postulats en termes d’évaluation et en termes de coût suivant: l’enrôlement des électeurs, 40 milliards FCFA, aussi bien pour la révision en interne que la constitution du fichier électoral des Burkinabè de l’extérieur ».
Pour ce qui concerne les élections couplées de 2020, le coût du budget au départ était de 39 milliards FCFA. « Si vous faites 40 milliards FCFA plus 39 milliards FCFA, nous étions autour de 79 milliards FCFA », fait-il savoir à un public qui n’a pas voulu se faire conter l’évènement. Il continue son exposé pour montrer à quel point le budget électoral coûte cher au Trésor public. Le premier responsable de la CENI note qu’avec le cycle électoral, si les municipales avaient eu lieu en mai 2021 comme prévu, le budget de 79 milliards FCFA allait passer à environ 88 milliards FCFA. Et là encore, dit-il, ce n’est pas fini. Sur les 88 milliards FCFA, il faut compter avec les autres intervenants du processus électoral (CSC, les juridictions qui interviennent, le MATD, la sécurité, etc.), la CENI était à 107 milliards FCFA d’évaluation de départ.
Faire le choix des réformes courageuses
Fort heureusement, avertit le « patron » de la CENI, à l’arrivée, le chiffre de 107 milliards FCFA a été revu sensiblement à la baisse. « Aujourd’hui, nous sommes autour de 60 milliards FCFA, mais on n’a pas encore fini de faire les évaluations, a-t-il précisé. Pour lui, il n’y a pas de doute que c’est l’enrôlement des électeurs tel que le Burkina Faso l’a choisi (puisque c’est un choix) qui coûte cher, soit plus de 60% du budget des élections en année normale (année où on reprend tout le processus).
Il s’est attardé sur l’utilité du kit d’enrôlement en se posant la question si cela en vaut vraiment la peine de l’acquérir. Pour preuve, il s’est interrogé sur la pertinence d’acheter un kit d’enrôlement à 18 milliards FCFA avec des logiciels davantage plus performants si dans 5 ans, près de 40% de ce matériel deviendra inutilisable et le logiciel aussi dépassé qu’il faudra changer. A ce rythme, dit-il, la CENI va-t-elle continuer à courir pour changer d’outils informatiques et enrichir, par ricochet, les multinationales ?
Pour changer la donne, le journaliste préconise d’opérer le choix intelligent de ne plus enrôler les électeurs de cette manière, mais plutôt d’adosser le fichier électoral au fichier de l’Office national d’identification (ONI) qui fonctionne extrêmement bien. Il a insisté sur le fait qu’en décidant d’abandonner la carte d’électeur et d’abandonner le format actuel, le Burkina Faso va faire des économies. Pour la première année, le pays va économiser 35 milliards FCFA et le cycle suivant, économiser 5 autres milliards FCFA. Avec de tels acquis, il souligne que l’enrôlement va nous revenir à zéro FCFA autour de deux cycles. Loin d’être une vue de l’esprit, il a pris le public présent à témoin, que de telles réformes sont aujourd’hui possibles pour un enrôlement à zéro franc. o
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Les chiffres-clés du budget au départ
Sur la base des postulats en termes d’évaluation et en termes de coût suivant :
– Enrôlement des électeurs (la révision en interne et la constitution du fichier électoral des Burkinabè de l’extérieur) = 40 milliards FCFA
– Le coût du budget au départ des élections couplées de 2020 était de 39 milliards FCFA ;
-40 milliards FCFA + 39 milliards FCFA= 79 milliards FCFA ;
-79 milliards FCFA passeraient à environ 88 milliards FCFA si les élections municipales allaient se tenir en mai 2021 comme prévu ;
-Sur les 88 milliards FCFA, il faut compter avec les autres intervenants du processus électoral (CSC, les juridictions qui interviennent, le MATD, la sécurité, etc.), la CENI était à 107 milliards FCFA d’évaluation de départ.
-Heureusement que le budget établi a été revu à la baisse, soit 60 milliards FCFA en attendant l’évaluation finale de la CENI.
Le débat démocratique a été initié par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) en partenariat avec l’Union nationale des administrateurs civils du Burkina (UNABF). o