Le secteur économique burkinabè a eu « chaud » en 2020 dans le vrai sens du terme. Déjà fragilisé par la situation sécuritaire et les multiples grèves, il a été plus qu’éprouvé par la pandémie du Coronavirus. Le « rapport 2020 sur l’état du secteur privé », publié en novembre 2020 par la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF), est édifiant là-dessus. L’étude mentionne que 2020 a vu une contreperformance de la croissance économique burkinabè. Conséquence, le taux de croissance économique a pris un grand coup pour s’établir à 2,0%, contre une prévision initiale de 6,3%. Une contreperformance qui résulte du ralentissement observé dans les secteurs primaire (1,9% contre 5,1% initialement), secondaire (1,7% contre 6,7% initialement) et tertiaire (2,4% contre 6,2% initialement).
Près de 94% d’entreprises affectées
L’enquête révèle que l’activité économique de la quasi-totalité des entreprises (93,6%) a été négativement affectée par les chocs économiques extérieurs mais aussi par la Covid-19 au 1er semestre de 2020. Autre conséquence est que l’environnement global des affaires a enregistré une dégradation prononcée dans la même période. L’examen des indicateurs élémentaires de l’Indice global de perception du climat des affaires (IPCA) montre que le climat des affaires a été plus affecté par le cadre des marchés publics défavorable (avec un IPCA spécifique de 0,19), le cadre macroéconomique (0,20), la demande globale (0,21) et le commerce extérieur (0,22). Le très faible score du cadre des marchés publics s’explique par la suspension temporaire de certains marchés publics du fait de la situation de crise, en plus des difficultés d’exécution des marchés publics dans certaines zones en proie à l’insécurité. Toutefois, l’IPCA global a été relativement soutenu au cours du semestre par l’appréciation des chefs d’entreprises sur la bonne qualité des infrastructures (0,50), le niveau des investissements (0,46), l’amélioration de la qualité des services publics (0,45), et le niveau de l’emploi (0,45).
Hausse d’entreprises créées en 2020
Malgré la crainte que la situation sanitaire n’impacte sur la création d’entreprises, il ressort que « l’apocalypse » n’a pas eu lieu. Au contraire, les hommes d’affaires ont plus créé d’entreprises en 2020 qu’en 2019. Ainsi, à la date du 30 septembre 2020, le nombre de nouvelles créations d’entreprises s’élève à 11 418, correspondant à près de 83% des prévisions de l’année 2020. La tendance est allée crescendo pour s’établir à 15 300, largement au-delà des performances de 2019. Par contre, les investissements n’ont pas suivi la cadence, ils ont affiché un recul de 12% en 2020 par rapport à 2019. Ce recul des investissements a été plus prononcé dans le secteur privé dont le niveau des investissements est le plus bas depuis les 5 dernières années. En matière d’investissements directs étrangers (IDE), une contraction des entrées nettes est projetée en 2020, en raison de la régression de l’économie mondiale. En effet, les entrées nettes ont été établies à 70 milliards FCFA, en baisse de 37,5%, comparativement à l’année 2019.
Les hommes d’affaires ont eu « chaud »
Les entrepreneurs enquêtés disent avoir constaté une baisse de leur chiffre d’affaires avec la survenue de la pandémie. En plus, ils ont aussi observé le report des principaux investissements initialement prévus, des tensions de la trésorerie, de la contraction de la production et de l’emploi, des difficultés d’approvisionnement, des difficultés de financement, des faillites d’entreprises, etc. Selon une étude d’évaluation de l’impact des mesures prises par le gouvernement, il ressort que dès la première semaine, celles-ci ont eu des effets négatifs considérables et rapides sur le chiffre d’affaires journalier des entreprises de tous les secteurs d’activités. Cette enquête a enregistré une baisse d’environ 86,9% du chiffre d’affaires journalier des entreprises enquêtées (CCI-BF, 2020). « Dans cette tendance, cela correspondrait en moyenne à une perte d’environ 13,6% du chiffre d’affaires mensuel prévisionnel de 2020 des entreprises, si la maladie devait perdurer dans le temps », mentionne le document.
Peu d’investissements
En raison de l’incertitude liée à la pandémie, certaines entreprises ont été contraintes à reporter, voire annuler leurs projets d’investissements pour 2020. Il ressort de ladite étude que dans tous les secteurs (services, commerce, artisanat, industrie, agriculture-élevage et pêche), nombreux sont les acteurs qui ont préféré reporter leurs investissements. Pire, cette étude montre que respectivement 70%, 47% et 30% des secteurs du tourisme, de la culture et du transport ont déclaré avoir annulé leurs projets d’investissements de 2020. De plus, l’étude de la CCI-BF montre qu’au niveau national, 57% des chefs d’entreprises comptent suspendre leurs projets d’investissements (CCI-BF, 2020).
Tensions de trésorerie
De toutes les études réalisées auprès des entreprises dans les zones (CCI-BF, 2020; CCR-UEMOA, 2020), il a été constaté une baisse du niveau de la trésorerie. De plus, l’étude de la CCI-BF (2020) montre qu’au niveau national, 52% des chefs d’entreprises ont connu des difficultés de trésorerie. L’enquête de perception du climat des affaires de la CCI-BF au cours du 1er semestre de 2020 confirme cet état des faits. En effet, il ressort que l’ensemble des actifs détenus par les entreprises et disponibles pour faire face à leurs dépenses a connu une baisse dans tous les secteurs d’activités.
Licenciements contenus
A ce niveau, les analyses du rapport montrent un effort de maintien des emplois permanents dans la quasi-totalité des secteurs. Cela pourrait se justifier par les contraintes en termes de licenciement, la confiance d’une reprise rapide des activités, le choix d’éviter les coûts de rotation et d’éventuels nouveaux recrutements. Selon les résultats de l’enquête de perception du climat des affaires, le niveau de l’emploi a été beaucoup plus impacté dans les services et le commerce, comparativement dans l’industrie.
Impact sur les approvisionnements
L’étude de la Chambre de commerce régionale (CCR-UEMOA) (2020) montre que les sous-secteurs de l’agro-industrie, du BTP et construction immobilière, des mines, de l’industrie manufacturière, de l’industrie du pétrole ont subi le plein fouet de la crise. Cela s’explique par la rupture/perturbation des circuits d’approvisionnement en matières premières, la diminution des volumes importés des matières premières du fait du confinement des populations des principaux pays fournisseurs. En ce qui concerne les difficultés d’importation et d’exportations de biens et services, il ressort du rapport de perception du climat des affaires au Burkina Faso au cours du premier semestre (CCI-BF, 2020), que 94% des chefs d’entreprises ont déclaré avoir connu une baisse drastique, voire un arrêt total de leurs activités d’importation. De même, 95% des chefs d’entreprises exportatrices ont affirmé une baisse ou à la limite un arrêt de leurs activités. Les difficultés d’importation et d’exportation des biens et services concernent tous les secteurs d’activités.o
Une synthèse de Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Quelques recommandations
• Accentuer les mesures visant à améliorer le rang du Burkina dans le classement de la facilité de faire des affaires pour rendre davantage le pays attractif ;
• Poursuivre les efforts de facilitation de création des entreprises, en général, et de promotion de l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes, en particulier ;
• Assainir davantage le milieu des affaires en renforçant les actions de lutte contre la corruption et la fraude qui sapent l’économie ;
• Poursuivre les actions de lutte contre l’insécurité, de sécurisation des biens sur l’ensemble du territoire ;
• Opérationnaliser les plans de relance économique pour les entreprises dans le cadre de la mitigation des effets de la pandémie ;
• Poursuivre les actions de sensibilisation et de lutte contre la pandémie en vue d’une maîtrise totale de la propagation de la pandémie ;
• Tirer leçons de la maladie à Coronavirus et sa gestion.o