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Abdel Mumin Zampalegré (PCA): Pourquoi nous avons créé SAFINE SA

Abdel Mumin Zampalegré est le président du Conseil d’administration de SAFINE SA. Il est actuellement le Directeur général de BOA –Sénégal depuis 2018. Ce banquier a pratiquement fait toute sa carrière dans le Groupe BMCE BANK OF AFRICA, un des plus importants Groupes bancaires du continent. C’est le premier cadre burkinabè à occuper une telle position dans ce Groupe. (DR)

Le 5 mars 2021, le paysage de la microfinance nationale s’enrichissait d’une nouvelle enseigne : SAFINE SA. Elle est portée par la Chambre de commerce et d’industrie comme une solution aux préoccupations d’une partie des acteurs économiques.   Avec son PCA, Abdel Mumin Zampalegré revient sur ce projet qui date de 2012

L’Economiste du Faso : Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de SAFINE SA

Abdel Mumin Zampalegré, PCA de SAFINE SA : Effectivement, il y a une petite histoire. En 2016, j’ai été élu, aux termes des élections consulaires au titre des banques et établissements financiers. Et, en 2017, le président de la Chambre de commerce et d’industrie m’a demandé de piloter le projet de mise en place d’une institution de microfinance qui jusque-là, avait du mal à avancer depuis 2012 pour plusieurs raisons.

Le projet a donc été relancé en 2017 comme un axe majeur du programme de mandature du président de la CCI- BF, M. Mahamadi Sawadogo.

Nous avons actualisé le plan d’affaires, recruté un cabinet d’études, monté le dossier d’agrément que nous avons soumis à la Banque centrale. C’est en octobre 2019 que nous avons obtenu l’agrément et commencé l’opérationnalisation du projet qui vient d’être lancé le 5 mars 2021.

D’où vient l’idée d’une structure de microfinance au niveau de la Chambre consulaire ?

Le siège de la nouvelle société de microfinance SAFINE SA. (Ph: Yvan Sama)

Mes devanciers pourraient mieux l’expliquer. Mais pour ce que je sais, tout est parti d’un constat et les besoins exprimés par les acteurs du secteur informel sur leur accès aux crédits. L’idée c’était de voir si la Chambre de commerce et d’industrie pouvait mettre en place un fonds pour soutenir ces acteurs, ainsi que les associations. C’est le lieu de rendre  hommage aux devanciers, notamment, M. Franck Tapsoba, ancien Directeur général de la CCI-BF, qui a eu l’idée de proposer plutôt un instrument plus pérenne. D’où SAFINE SA aujourd’hui. Mais dans le cheminement du projet, cela a été une bonne vision d’associer des institutions comme la CNSS, la LONAB, La Maison de l’Entreprise ; le FBDES, SONAR IARD et SONAR VIE pour libérer le capital de 2 milliards FCFA afin de créer un instrument de taille pour jouer dans la cour des grands.

Vous vous adressez spécifiquement au secteur informel ?

Oui et non. Mais vous savez aussi que le secteur informel joue un rôle très important dans notre tissu économique. Ce sont des entreprises ou micro-entreprises qui ne sont pas bien structurées. C’est le secteur qui a le plus besoin de financement et qui n’a pas toujours accès aux services des banques. La microfinance, du fait de sa proximité, essaie de combler ce handicap en se disséminant dans le plus petit des hameaux pour toucher plus d’acteurs.  De ce fait, une structure comme SAFINE SA veut faire la différence en préparant ces acteurs et en les accompagnant   à la transition vers les banques qui sont en mesure de mettre en place des financements plus importants.  Nous sommes complémentaires de la banque.

On voit votre cible. Quelle est la spécificité dans votre offre qui puisse les intéresser et les attirer (entreprises informelles et formelles)

Aujourd’hui, l’idée est de proposer des offres et services qui répondent aux besoins de la cible. Quand vous dites secteur informel, dans le dossier de crédit, il ne faut pas leur demander des tableaux de trésorerie, des états financiers, etc. Ce sont des documents que ces petites entreprises-là auront du mal à fournir. Mais leur grand mérite, c’est d’avoir des activités qui tournent. Et l’idée à SAFINE SA est de mettre à leur disposition des offres adaptées mais en leur demandant des documents qui seront progressivement formalisés. C’est pour cela que nous parlons d’offres de produits financiers et de produits non financiers. Par produits non financiers, nous entendons l’accompagnement dans la formation, dans la structuration, l’élaboration de documents financiers et comptables adaptés avec l’accompagnement de la Chambre de commerce via les centres de gestion agréés (CGA). Nous pensons également à des partenariats avec les services des impôts. Les gens ne se formalisent pas parce que beaucoup ont peur des impôts.  Mais si nous développons des synergies avec cette institution et avec des incitations, ceux qui hésitent vont se formaliser et cela permettra d’élargir l’assiette des impôts.

N’avez-vous pas peur d’être surchargé par le travail de conseil plutôt que de faire du crédit ?

Ce ne sont pas les mêmes collaborateurs qui le font. La partie conseil, ce sont les centres de gestion en charge de la structuration ; en interne, nous avons les chargés de crédit et d’analyse. Plus l’accompagnement est bon, plus l’accord de crédit va plus vite. Ce sont deux activités complémentaires.

Les petites entreprises  sont confrontées à la question des garanties exigées pour couvrir les risques, quelle sera votre politique en la matière et en matière de taux d’intérêt ?

On accuse la microfinance d’avoir des taux élevés, mais il faut relativiser. La préoccupation première du secteur informel, c’est l’accès aux financements. Nous mettrons en place des taux qui sont en phase avec la règlementation. Elle fixe un taux d’usure maximum et nous resterons dans la fourchette autorisée. Le taux intègre le coût de la ressource, les charges de fonctionnement, une marge et une prime de risque qui dépend du profil de l’emprunteur. Plus l’entreprise se formalise, plus sa prime de risque baisse.

Sur la garantie, je dirai qu’elle est un élément accessoire pour celui qui finance. C’est d’abord le projet que l’on regarde. Je préfère avoir un bon projet avec des garanties limites, parce que je sais que je n’aurai pas à les actionner plutôt qu’un projet pas viable avec de super garanties que l’on va se battre après pour réaliser. La garantie est nécessaire parce qu’elle traduit l’engagement du promoteur dans son projet. L’idée, ce n’est pas d’avoir des garanties 100%. Pour nous, c’est d’avoir de bons projets avec un bon couple risque et sécurité.

Votre institution vise, entre autres, le secteur de l’élevage et de l’agriculture, comment allez-vous vous y prendre ?

N’oubliez pas que SAFINE SA a été suscitée par la Chambre de commerce et d’industrie. Et que la CCI-BF est présente dans les 13 régions. Nous allons nous appuyer sur son réseau en ouvrant des points-services pour les clients à l’intérieur du pays. Cela va nous permettre une vitesse d’installation pour apporter nos services. Nous avons investi dans un système d’information de qualité. Il permet, notamment, la digitalisation pour faciliter les offres de services, même dans les zones les plus reculées. Nous allons faire du téléphone un instrument de collecte de dépôts et de retraits. Nous avons besoin de penser de nouveaux outils modernes pour atteindre toutes nos cibles. Lors du lancement de SAFINE SA, j’ai insisté sur la nécessité de s’attacher les services des start-up nationales pour développer ce type de services.

Le conseil que vous entendez offrir aux clients va-t-il avoir un coût ?

Ce n’est pas lié. Nous sommes conscients des besoins et des instructions ont été données pour aller très vite dans l’étude de crédit aux clients. Nous allons développer des outils de work flow (des outils collaboratifs) au sein de notre réseau pour diligenter le traitement des dossiers.

La partie service concerne le renforcement des capacités de l’entreprise. On a vu des entreprises qui ont commencé tout petit et au bout de quelques années, commencent à grandir et à brasser beaucoup d’argent. Dans ces cas-là, il faut amener l’entreprise à adapter ces outils de gestion à sa nouvelle situation à travers le conseil que nous allons offrir.

Les CGA sont également là pour cela, en offrant des services aux entreprises qui leur permet d’externaliser certaines fonctions, compte tenu de leurs moyens limités. Cela leur permet de grandir et de pouvoir s’autonomiser.   

Nous allons établir des indicateurs-clés de gestion qui préciseront les délais à travers des indicateurs de performances. Notre ambition est d’aller très rapidement à la certification ISO pour standardiser notre service. Ceci contribuera à donner un service de qualité à nos clients.

Quel appel au public qui vous accueille ?

SAFINE SA est un outil d’accompagnement au service des acteurs économiques. Il y a, certes, d’autres structures de microfinances déjà. Mais au regard du taux de bancarisation qui est inférieur à 30%, il y a encore de la place et de la marge pour de nouvelles offres. Avec un tiers seulement de la population qui est bancarisé, on a 14 millions de clients à conquérir.

C’est autant d’épargne qui est actuellement hors du circuit économique qu’il faut collecter et  mettre au service de l’économie nationale. Il s’agit de mieux collecter l’épargne nationale et de financer des projets structurants.  C’est une action à laquelle le ministre des Finances est très sensible. Pour se développer, et aller vers l’émergence, le taux de bancarisation doit dépasser le seuil de 50% comme l’ont atteint des pays comme le Maroc. C’est très important pour avoir des accélérations en termes de croissance et de développement.

Autre appel que je voudrais lancer, c’est de faire confiance à SAFINE SA, parce que c’est un instrument national au service de l’économie nationale. Ce n’est pas un instrument de trop. Nous allons rechercher et conclure des partenariats avec des bailleurs de fonds internationaux pour disposer de lignes de crédits afin de soutenir les acteurs sur le terrain dans des secteurs aussi diversifiés que l’exportation des produits du cru, de l’élevage, etc.

Nous avons de nouvelles idées et des valeurs pour accompagner les acteurs économiques cibles.  A l’heure du bilan, nous verrons combien de crédits ont été accordés, combien de personnes touchées et surtout combien de destins nous avons changés, parce que le crédit doit servir à transformer positivement la vie et les activités des bénéficiaires.o

Entretien réalisé par FW

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