Le 29 novembre 2020, une loi dénommée « initiative sur les multinationales responsables » sera soumise au vote au Parlement suisse. Cette loi implique que les entreprises (multinationales) ayant un siège en Suisse doivent veiller à ce que leurs activités commerciales respectent les droits humains et les normes environnementales. Pour s’assurer que même les entreprises peu scrupuleuses respectent cette règle, les violations des droits humains et le non-respect des normes internationales en matière d’environnement devraient avoir des conséquences et les entreprises devraient être tenues responsables des dommages commis.
En quoi cela concerne le Burkina Faso ?
Il se trouve que deux semaines avant le passage de cette loi à l’Assemblée, le ministre Harouna Kaboré, ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, a animé une conférence de presse à Berne. Coïncidence ? Nullement, M. Kaboré était accompagné d’Isabelle Chevalley, conseillère suisse, et « Ami du Burkina », selon les propres termes du ministre du Commerce burkinabè. Isabelle Chevalley est aussi avant tout opposante à ce projet de loi qui sera soumis au vote. La conférence de presse de Harouna Kaboré, retransmise en direct sur la page Facebook du ministère, s’est passée le jour du lancement de la campagne contre le texte sur l’initiative sur les multinationales responsables.
Qu’est- ce qui a poussé le ministre burkinabè à s’engager dans un projet de vote suisse ?
Lors de la conférence de presse qu’il a animée à Berne, Harouna Kaboré était aux côtés de la conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter, présidente de la Commission de politique extérieure.
« Je suis là pour donner le son de cloche de mon pays, pour partager des informations factuelles sur notre réalité qui permettront aux Suisses d’avoir une compréhension holistique de la situation au Burkina Faso. Et de se décider en connaissance de cause », a affirmé le ministère pour expliquer l’objectif de la tenue de la conférence de presse. Selon le ministre, cette action s’est faite dans le cadre des actions de défense des intérêts économiques et sociaux du Burkina Faso.
En effet, le Faso est concerné par cette initiative. Et d’expliquer que « si ce texte est accepté, il va créer des problèmes socioéconomiques graves. Prenons l’exemple du coton, deuxième produit d’exportation de mon pays après l’or, qui contribue à plus de 4% du PIB et joue un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. Si les entreprises suisses, qui achètent environ 60% de la production chaque année, arrêtent de le faire alors que nos capacités de transformation ne dépassent pas 2%, des milliers de personnes se retrouveront sans débouché pour leur production. Et ce sont les plus vulnérables qui en paieront les conséquences ». Des propos rapportés par le site en ligne 24H.
Un article qui fait couler beaucoup d’encre
Pour comprendre l’intérêt du ministre du Commerce pour ce projet de loi, il faut se poser la question suivante : pourquoi des entreprises suisses arrêteraient d’acheter du coton burkinabè si l’initiative multinationales responsables était acceptée ? En février 2019, L’Economiste publiait un article sur le travail des enfants dans les champs de coton avec pour titre : Du coton cultivé par des enfants sur le marché suisse : (https://www.leconomistedufaso.bf/2019/02/04/du-coton-cultive-par-des-enfants-sur-le-marche-suisse/).
Un dossier qui revient au goût du jour et qui pourrait peser sur le choix des parlementaires suisses lors du vote. Ce qui entraînerait les conséquences ci-dessus citées par le ministre burkinabè.
« Au Burkina Faso, les formes les plus graves de travail infantile n’existent pas. Je suis moi-même producteur de coton et je peux vous affirmer que le travail des enfants n’est pas possible dans les champs de coton.
Notre législation condamne cela et nous sommes dotés de tribunaux indépendants qui fonctionnent et appliquent les sanctions. Or, il suffit qu’une ONG porte une accusation pour que cela entache toute la branche et que tout un modèle économique se retrouve mis en cause. Même si par la suite, il est prouvé que l’allégation est fausse, le mal est fait. Quelle entreprise, banque ou négociant risquerait de porter préjudice à son image en restant au Burkina Faso? », s’est défendu Harouna Kaboré.
JB
Encadré
Le travail des enfants au Burkina
A l’occasion de la Journée mondiale contre le travail des enfants, le 12 juin 2020, le ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, le Professeur Séni Mahamadou Ouédraogo, a fait cas dans une chronique diffusée dans la presse, qu’une nouvelle enquête nationale sur le travail des enfants sera effectuée, pour évaluer l’impact des efforts entrant dans ce cadre.
Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la « Stratégie nationale 2019-2023 de lutte contre les pires formes de travail des enfants et permettra de disposer des statistiques actualisées sur l’ampleur réelle du phénomène dans notre pays. En sus, le Plan national de développement économique et social (PNDES) a fait de la lutte contre le travail des enfants une priorité en se fixant l’objectif de « porter la prévalence des enfants de 05 à 17 ans impliqués dans les activités économiques de 41% en 2006 à 25% en 2020 », peut-on y lire.
En 2019, selon le département du Travail des Etats-Unis, « au Burkina Faso, des mineurs sont impliqués dans les pires formes de travail des enfants, notamment, dans l’agriculture et l’exploitation sexuelle commerciale, parfois des suites de la traite des personnes. Des enfants font aussi des travaux dangereux dans la cueillette du coton. Le Code du travail n’identifie pas les activités dans le cadre desquelles les enfants peuvent effectuer des travaux légers. Par ailleurs, le gouvernement n’a pas publié d’informations sur ses efforts en matière d’application de la législation sur le travail et du droit pénal et manquait de ressources pour faire respecter les lois sur le travail des enfants ». Notons qu’en mai 2011, l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD) publiait une étude complémentaire sur le travail des enfants âgés de 5 à 14 ans au Burkina Faso. L’analyse a montré que deux sur cinq enfants âgés de 5 à 14 ans sont économiquement actifs, autrement dit, travailleurs. Ces travaux sont à abolir selon les normes du BIT. Les principales branches d’activités dans lesquelles on les rencontre sont l’agriculture, la pêche et les activités domestiques.