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Présidentielle du 22 novembre 2020: Les fausses notes des candidats

Extrait de l’exposé des motifs de la loi de finances rectificative 2020

Ils sont 13 candidats en lice pour l’élection présidentielle du 22 novembre 2020. Si certains candidats proposent des solutions déjà réalisées, d’autres véhiculent simplement des informations non exactes. Tahirou Barry, candidat du Mouvement pour le changement et la renaissance (MCR), s’engage à « accroître les recettes fiscales minières situées autour de 196 milliards FCFA en 2019 ». Ce candidat a rejoint l’Assemblée nationale le 19 décembre 2017, après avoir démissionné du gouvernement le 26 octobre 2017.

Non, le secteur minier n’a pas rapporté 196 milliards FCFA en 2019 
En sa présence, le Premier ministre Christophe Dabiré a prononcé, le 19 mai 2020, son discours sur la situation de la Nation de 2019 où il a informé que la contribution du secteur minier au budget national, en 2019, avait été de 256,380 milliards FCFA. L’écart entre les données de Tahirou Barry et celles du chef du gouvernement serait de 60,38 milliards FCFA. Une vérification dans l’annuaire statistique 2018 du ministère des Mines et des Carrières indique qu’en 2016, le secteur a rapporté 189,983 milliards FCFA ; en 2017, cette contribution était de 226,026 milliards FCFA et 252,063 milliards FCFA en 2018. Le Burkina Faso n’a jamais reçu des recettes fiscales minières d’un montant de 196 milliards FCFA comme le prétend ce candidat.
Il s’est aussi engagé à « opérationnaliser le Fonds minier de développement local ». Créé par l’article 25 du Code minier de 2015, le Fonds minier de développement local a déjà connu une opérationnalisation en 2 étapes. Au cours de la première étape, 3 textes, dont un décret et 02 arrêtés d’application ont été adoptés en 2017. La deuxième phase a consisté à la collecte et à la répartition du fonds.


Setou Compaoré, Secrétaire générale du ministère des Mines et des Carrières, informait, le 18 septembre 2020, au cours d’une conférence de bilan de la mise en œuvre des fonds miniers, que la somme de 51,318 milliards FCFA a été collectée et répartie aux collectivités à la date du 30 juin 2020. 8 collectivités ont reçu un total de plus d’un milliard FCFA. Elle a aussi annoncé un montant d’environ 20 milliards FCFA qui sera collecté au cours du deuxième semestre de 2020 et réparti en fin d’année. L’opérationnalisation dont parle Tahirou Barry est un stade dépassé dans le processus de mise en œuvre de ce Fonds minier.

La taxe sur les activités financières est déjà créée

Sur le plan fiscal, il a annoncé l’institution  « d’une taxe sur les activités financières permettant d’obtenir des recettes annuelles estimées à six (6) milliards chaque année sur la base des quinze (15) institutions bancaires et quatre (04) établissements financiers ». En réalité, cette taxe a déjà été créée dans la loi de finances de l’année 2021 que l’Assemblée nationale a adoptée le 19 octobre 2020. En effet, l’article 19 de la loi stipule : « Pour compter du 1er janvier 2021, l’article 307 de la loi N°058-2017/AN du 20 décembre 2017 portant Code général des impôts du Burkina Faso est complété et rédigé ainsi qu›il suit : les opérations bancaires ou financières sont soumises à la taxe sur les activités financières. Le reste sans changement ».
Il s’engage également à « une interconnexion des systèmes informatiques des différentes régies de recettes (SYDONIA-SINTAX, SYDONIA-SYLVIE) et ceux d’autres partenaires nationaux (CBC, CCI-BF, CCVA, DGTTM), une interconnexion des systèmes d’information douaniers du Burkina Faso avec ceux des pays voisins ». Ces points sont inspirés de l’exposé des motifs de la loi de finances rectificative 2020 adoptée le 09 juillet 2020, qui a institué comme mesures d’accompagnement : « les interconnexions entre les systèmes d’information des différentes régies de recettes (SYDONIA-SINTAX, SYDONIA-SYLVIE), les interconnexions entre les systèmes d’information des régies de recettes et ceux d’autres partenaires nationaux (CBC, CCI-BF, CCVA, DGTTM), les interconnexions des systèmes d’information douaniers du Burkina Faso avec ceux des pays voisins ». Enfin : « la mise en place du cadastre fiscal en vue d’avoir des données cadastrales fiables ». Cette activité est déjà mise en œuvre par la Direction générale des Impôts. Pour preuve, un compte spécial Trésor n°132 dénommé « Cadastre fiscal » existe dans les lois de finances 2020 et 2021. Si en 2021, les prévisions de budgets ont été arrêtées à 52 milliards FCFA, en 2020, elles ont été prévues à 26 milliards FCFA. Kadré Désiré Ouédraogo, candidat de « Agir ensemble ». Pour lui, « la mission du CEGCI sera redéfinie comme lien partenarial entre l’Etat, les banques, avec des taux raisonnables et prélèvements et sociétés immobilières privées ». N’ayant pas prévu de donner la signification de ce sigle, il n’est pas aisé de déterminer ce que c’est que CEGCI dont il est question dans son programme. Mais le lien avec les sociétés immobilières permet de comprendre qu’il parle de la société immobilière publique CEGECI (Centre de gestion des cités).

Toutes les Communes bénéficient du Fonds minier de développement local 
Yacouba Isaac Zida, candidat du Mouvement patriotique pour le salut (MPS). Le candidat du MPS s’engage à  « actualiser les plans de développement des localités éligibles au Fonds minier de développement local ». A l’entendre, certaines localités seraient exclues de ce Fonds. Pourtant, aux termes du décret N° 2017-0024/PRES/PM/MEMC/MINEFID/MATDSI du 23 janvier 2017 portant organisation, fonctionnement et modalités de perception du Fonds minier de développement local, il est précisé que toutes les Communes et régions du Burkina Faso sont bénéficiaires de ce Fonds. Elles ont d’ailleurs toutes déjà reçu les sommes y relatives lors les 03 transferts qui ont déjà été effectués.

Ambroise Farama change la nationalité des sociétés minières
Pour Ambroise Farama, candidat de l’Organisation des peuples africains-Burkina Faso (OPA-BF), « il existe 2 pôles de croissance à l’heure actuelle : Bagré (30 milliards d’investissements) et Sahel (exploitation minière et ressources animales ». Deux remarques s’imposent. Premièrement, le site web de Bagré Pôle annonce un montant des investissements de 133,7 millions de dollars US (environ 68 milliards F CFA), ce qui est nettement au-dessus de ce qu’avance le candidat Farama. Deuxièmement, il n’existe qu’un seul pôle de croissance, puisque celui du Sahel n’a pas encore pris corps.
Le candidat de OPA-BF a changé la nationalité des sociétés minières. Pour lui, Eandavour Burkina Mining Service serait une société d’origine anglaise.
Dans un premier temps, cette société est d’origine canadienne et non anglaise comme l’écrit ce candidat. Cette société canadienne exploite 5 mines d’or, dont Houndé, Bouéré, Karma, Boungou et Mana. Dans un second temps, le nom de la société est mal écrit. Il s’agit de Endeavour et non « Eandavour » comme il l’écrit dans son programme.
Le candidat Farama attribue également la nationalité de Nantou Mining à l’Australie, ce qui n’est pas exact. Cette société a appartenu, en majorité, au Suisse Glencore depuis le début de sa production en 2013, avant que le Canadien Trevali Mining Corporation ne l’acquiert en septembre 2017. Elle n’a jamais été sous contrôle australien.
Dans sa liste des grandes sociétés d’exploitation minière au Burkina Faso, il omet l’Australien West Africain Resources qui exploite le site de Sabrando, l’Indien Baladji qui détient le permis de Inata et Kalsaka et le Canadien Avesoro qui exploite le site de Youga et de Netiana. Enfin, Avocet qu’il cite parmi les sociétés actuelles installées au Burkina Faso n’est plus sur le territoire national depuis la vente du permis de Inata à l’Indien Baladji en février 2018. Une liste mal actualisée qui peut impacter sur la crédibilité de son programme.
Elie KABORE

 

Encadré

Le président sortant annonce un « renforcement des PPP» qui n’existe pas

Roch Marc Christian Kaboré est le candidat du Mouvement pour le peuple et le progrès (MPP). Il est le président sortant et s’engage « au renforcement du partenariat public privé dans tous les projets miniers à caractère stratégique ». L’emploi du mot « renforcement » porte à confusion, parce qu’aucun partenariat public privé n’existe à ce jour avec les projets miniers. Le seul qui avait été signé le 11 août 2012 pour l’exploitation du manganèse de Tambao avec Pan African Limited de Frank Timis a été annulé en 2018 à l’issue d’un procès remporté par le Burkina Faso. Au lieu de renforcement, il sied pour le candidat à sa propre succession de parler de création ».

 

Encadre 2

Yacouba Isaac Zida vise une puissance électrique installée et dépassée

Yacouba Isaac Zida, candidat du Mouvement patriotique pour le salut (MPS) promet d’ « augmenter la puissance électrique installée de l’ordre de 600 Mégawatts à 1.000 Mégawatts répartis entre la thermique, le solaire et l’hydroélectricité».
La puissance installée en 2019 et annoncée par le candidat Zida serait en deçà de la réalité. Le 29 octobre 2020, au cours de la cérémonie de lancement des travaux de la centrale solaire de 30mw de Nagréongo, Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie, a annoncé : « De 325 MW en 2015, le Burkina Faso a une offre énergétique de près de 800 MW en 2020 ». Cette sous-évaluation de plus de 200 MW de la puissance installée se répercute sur les prévisions du candidat Zida qui projette 1.000 MW au cours de son mandat. Pourtant, les 1.000 MW étaient la cible fixée par le président sortant il y a 5 ans. A la fin de son mandat, il se trouve à 800 MW, soit moins de 200 MW de la cible.

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